Trois militants anti-esclavagistes de Mauritanie, condamnés notamment pour appartenance à une organisation non reconnue, ont été transférés de Rosso (sud de la Mauritanie), où ils étaient détenus, à Aleg, plus vers l'est, selon des sources concordantes vendredi. Il s'agit de Biram Ould Dah Ould Abeid, président de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA, anti-esclavagiste) et qui fut candidat à l'élection présidentielle mauritanienne de juin 2014, d'un de ses adjoints, Brahim Ould Bilal Ramdane, et de Djiby Sow, président de l'association de défense de droits civiques et culturels Kawtal Ngam Yellitaare, qui avaient tous trois été condamnés jeudi à Rosso à deux ans de prison ferme. Les trois condamnés ont été transférés à la prison civile d'Aleg, localité située à 210 km à l'est de Rosso, a affirmé un de leurs avocats, Me Yarba Ould Ahmed Saleh, joint par téléphone. Une source administrative locale à Rosso a confirmé l'information. Biram Ould Dah Ould Abeid a été jugé avec neuf co-accusés au total par la Cour correctionnelle de Rosso, qui a rendu son jugement jeudi, bouclant un procès ouvert le 24 décembre. MM. Ould Dah Ould Abeid, Ould Bilal Ramdane et Sow ont été condamnés à deux ans de prison ferme, les sept autres ont été relaxés. La défense a interjeté appel, a indiqué Me Ould Ahmed Saleh, précisant que le dossier a été déposé hier (jeudi) à Rosso. L'annonce du jugement avait été suivie jeudi à Rosso d'incidents entre des partisans des anti-esclavagistes, qui ont encerclé le fourgon pénitentiaire emmenant les condamnés en prison, et la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes pour les disperser, selon des témoins et l'ONG Amnesty International. Me Ould Ahmed Saleh a dénoncé le transfèrement des trois prisonniers, estimant qu'il n'est pas conforme aux règles voulant qu'un détenu en phase de jugement reste dans le territoire de sa juridiction d'origine. Nos clients devaient rester à Rosso ou, à la rigueur, se trouver à Nouakchott, la capitale, a-t-il ajouté. Il a également regretté le jugement rendu, déjà qualifié la veille de sévère par la défense. Nous estimons que la décision du juge n'est pas le reflet exact des débats durant le procès, parce qu'il n'a retenu que la violence contre la force publique parmi les chefs d'inculpation des militants anti-esclavagistes et a volontairement omis de parler des autres, a déclaré Me Yarba Ould Ahmed Saleh. Biram Ould Dah Ould Abeid et ses neuf co-accusés avaient été mis en examen pour appartenance à une organisation non reconnue, rassemblement non autorisé, appel à rassemblement non autorisé et violence contre la force publique, d'après la défense. Djiby Sow et un autre accusé avaient comparu en liberté sous contrôle judiciaire. Biram Ould Dah Ould Abeid et les sept autres étaient détenus depuis mi-novembre, après avoir été arrêtés à Rosso alors qu'ils menaient une campagne pour dénoncer l'esclavage en Mauritanie. Le siège de l'IRA à Nouakchott avait été fermé le 12 novembre par la police. Les autorités mauritaniennes ont accusé les responsables de l'IRA d'avoir organisé des rassemblements servant notamment de tribune pour une propagande raciste. Un responsable a affirmé que l'IRA n'était pas autorisée mais tolérée. Officiellement, l'esclavage a été aboli en 1981 en Mauritanie. Depuis 2007, les personnes reconnues coupables d'esclavagisme y encourent des peines pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Le phénomène perdure néanmoins, selon des ONG.