Le Premier ministre japonais a jugé hier ignobles les menaces du groupe Etat islamique à moins de 12 heures de l'expiration d'un nouvel ultimatum qui somme la Jordanie de libérer une kamikaze irakienne pour sauver la vie de l'otage nippon Kenji Goto et d'un pilote jordanien. Ce sont des menaces tout à fait ignobles et je ressens une profonde indignation, a déclaré Shinzo Abe aux journalistes à l'issue d'une brève réunion de son gouvernement. Et d'ajouter: " Nous sommes dans une situation extrêmement difficile et j'ai demandé aux ministres d'agir de façon unie pour faire libérer au plus tôt M. Goto, retenu par les djihadistes. " M. le Premier ministre, je vous en prie, sauvez la vie de Kenji, continuez de négocier avec le gouvernement de Jordanie, a supplié la mère de M. Goto, Junko Ishido. Les nouvelles exigences de l'EI, accompagnées d'un ultimatum très court de 24 heures et mises en ligne mardi sur les sites jihadistes, se présentent sous la forme d'une photo de Kenji Goto tenant la photo du pilote jordanien capturé par l'EI. La voix supposée de M. Goto formule les menaces des ravisseurs qui exigent la libération d'une Irakienne condamnée à mort pour terrorisme en Jordanie. Nous vérifions encore l'authenticité du document, mais pour le moment rien ne dit que ce puisse être un faux, a déclaré le porte-parole adjoint du gouvernement, Katsunobu Kato, lors d'un point de presse. L'exécutif nippon estime que l'échéance fixée par l'EI est autour de 23h00 ce mercredi à Tokyo (14h00 GMT).
Un coup de force de l'EI Le groupe Etat islamique enregistre des défaites sur le terrain et son emprise se réduit. Dans ce contexte, ces nouvelles revendications montrent l'intention de casser cette situation, estime Hiroyuki Aoyama, de l'Université de langues étrangères de Tokyo, interrogé par la chaîne NHK. Le gouvernement japonais, en porte-à-faux et démuni selon les analystes, a de nouveau demandé dès les premières heures de mercredi à la Jordanie d'agir pour secourir le ressortissant nippon. Amman est de son côté placé devant un dilemme: faut-il, pour sauver M. Goto et le pilote Maaz al-Kassasbeh, libérer ou non Sajida al-Rishawi, une kamikaze irakienne impliquée dans une vague d'attentats suicides en 2005 à Amman revendiqués par la branche irakienne d'Al-Qaïda ? Ces nouvelles demandes visent à secouer les deux gouvernements du Japon et de Jordanie, a confié à la NHK Isao Itabashi, un expert de la lutte antiterroriste au Centre de politique publique. Selon lui, il ne faut pas penser qu'il s'agit de simples menaces. Il existe au contraire un fort risque qu'elles deviennent réalité. Il est donc impératif qu'en coopération avec son homologue de Jordanie, le gouvernement japonais prenne sur-le-champ des dispositions concrètes. Mais le nouveau message ne dit rien de la libération du pilote, ce qui signifie que le gouvernement jordanien doit conduire des négociations sans preuve qu'il puisse être relâché, avertit M. Aoyama.
Amman entre le marteau et l'enclume Pour les experts, la position des autorités jordaniennes est de facto entre le marteau de l'EI et l'enclume de l'opinion publique (qui veut le pilote sans libérer l'Irakienne), sous la pression du Japon (qui privilégie son ressortissant) et des Etats-Unis (pour qui il ne faut rien céder aux jihadistes). Dans cette situation qui s'aggrave depuis une semaine, Tokyo apparaît de bien peu de secours, même si le gouvernement dit se préoccuper aussi du sort du pilote jordanien et souhaiter que les deux hommes détenus par l'EI puissent regagner leur pays respectif avec le sourire, selon les propos tenus par le vice-ministre des Affaires étrangères, Yasuhide Nakayama, avant le nouvel ultimatum. Le journaliste indépendant Kenji Goto est vraisemblablement retenu depuis fin octobre ou début novembre, tandis que le pilote Maaz al-Kassasbeh a été capturé le 24 décembre après le crash de son F-16 au-dessus de la Syrie, où il menait un raid sur des positions de l'EI dans le cadre de la coalition internationale anti-djihadiste. L'EI a déjà exécuté la semaine dernière un autre otage nippon faute d'avoir reçu une rançon de 200 millions de dollars sous 72 heures.