Le groupe Etat islamique a revendiqué vendredi de nouveaux attentats suicide meurtriers dans l'est de la Libye, témoignant de la progression des djihadistes dans ce pays au moment où la communauté internationale examine les moyens de lui apporter une aide. Profitant du chaos dans lequel est plongé le pays depuis la chute du régime de Mouammar Khadafi fin 2011, l'EI, qui s'est emparé de larges pans du territoire syrien et irakien, a étendu son emprise à la Libye. Depuis plusieurs semaines, ce groupe extrémiste sunnite y multiplie les exactions, dont la décapitation de 21 chrétiens et une attaque sanglante contre un hôtel de la capitale libyenne. Vendredi, il a perpétré de nouvelles attaques à Al-Qoba, tuant 40 personnes, dont six Egyptiens, et en blessant 41, selon un nouveau bilan du ministère de la Santé. Deux explosions ont visé un commissariat de police et les environs du domicile du président du Parlement reconnu par la communauté internationale, Aguila Salah Issa, selon des témoins, et la troisième une station-service bondée, à quelques dizaines de kilomètres du bastion libyen des djihadistes, Derna. Le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a décrété un deuil de sept jours. Dénonçant des actes terroristes, il a promis que l'armée ripostera fermement et multipliera ses opérations contre les fiefs de l'EI. La mission de l'ONU en Libye et les Etats-Unis ont également vivement dénoncé les attentats, en appelant de nouveau les parties dans le pays à renouer le dialogue, pour être en mesure de lutter contre les jihadistes.
Représailles La branche libyenne de l'EI a publié sur Twitter les photos de deux kamikazes, affirmant qu'ils ont agi pour venger le sang de nos musulmans à Derna, visé cette semaine par des raids aériens libyens et égyptiens. Le Caire a mené ces frappes pour se venger de la décapitation des 21 chrétiens dont l'immense majorité étaient égyptiens. Les raids ont été orchestrés en lien avec les forces du général controversé Khalifa Haftar, à la tête d'une coalition soutenue par le Parlement et le gouvernement reconnus par la communauté internationale, qui siègent dans l'est du pays. Un autre gouvernement et un autre Parlement, dominés par la coalition de milices --dont certaines islamistes-- Fajr Libya leur disputent le pouvoir. Dans son communiqué, l'EI affirme avoir visé une cellule des opérations du général Haftar, dont les forces contrôlent Al-Qoba et qui a lancé en mai 2014 une offensive contre les groupes terroristes dans l'est du pays. Depuis, des combats opposent ses forces aux groupes islamistes et jihadistes.
Progression de l'EI Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après huit mois de révolte populaire, les attentats se sont multipliés en Libye, mais n'avaient que rarement été revendiqués. Ces attaques visaient notamment des sites militaires ou de la police, mais peu la population civile comme ça a été le cas à Al-Qoba, où la plupart des victimes se trouvaient dans une station-service, faisant la queue pour se ravitailler en essence en raison d'une pénurie de carburant dans la ville. Alors que la situation était déjà très confuse dans ce pays riche en pétrole, morcelé et dont des zones entières sont sous la coupe de milices, elle devient de plus en plus inquiétante avec la progression de l'EI. L'Italie, distante d'à peine quelques centaines de kilomètres, a affirmé craindre que des djihadistes ne se cachent parmi les milliers de migrants clandestins qui affluent sur ses côtes. Rome et Le Caire avaient demandé une intervention militaire pour mettre fin à la présence djihadiste en Libye. Mais alors qu'une coalition internationale menée par les Etats-Unis mène des frappes aériennes contre l'EI en Syrie et en Irak, l'immense majorité des pays occidentaux ont en revanche affiché leurs réticences à intervenir en Libye, affirmant privilégier une solution politique. Pourtant, réconcilier les groupes politiques rivaux pour lutter plus efficacement contre l'EI semble difficile à atteindre vu la complexité du conflit, selon les experts. Une nouvelle réunion de dialogue doit se tenir la semaine prochaine au Maroc selon des députés. En condamnant les attentats d'Al-Qoba, le ministère égyptien des Affaires étrangères a de nouveau appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités face à la dangereuse situation en Libye, qui menace la paix et la sécurité internationale. La Maison Blanche a de son côté estimé que le meilleur moyen de contrer (les) terroristes est d'aider les Libyens à trouver le consensus dont ils ont besoin.
Nouveau dialogue sur la Libye la semaine prochaine au Maroc Une nouvelle réunion de dialogue sur l'avenir politique de la Libye doit être organisée la semaine prochaine au Maroc, ont indiqué des députés impliqués dans les discussions. Elle aura lieu suite à l'invitation de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL). "Le groupe de la Commission du dialogue au Parlement a été invité", a déclaré un membre du Parlement reconnu par la communauté internationale basé dans l'est du pays, Abou Bakr Beira. Selon lui, l'ONU a invité le Parlement élu ainsi que son rival, le Congrès général national (CGN), le Parlement sortant qui a été réactivé par la coalition de milices Fajr Libya. Le député n'a pas donné de détails sur la date ou le lieu exacts de la réunion. Selon un ex-membre du CGN, Al-Chérif al-Wafi, qui avait participé à d'autres réunions de dialogue, la rencontre est prévue en milieu de semaine prochaine. Les deux Parlements rivaux avaient tenu le 11 février à Ghadamès, dans le sud libyen, des discussions "indirectes" sous l'égide de l'ONU, les premières du genre entre les deux assemblées depuis le lancement du dialogue national fin septembre 2014. Le chef de la MANUL, Bernardino Leon, avait tenu des réunions séparées avec les délégations, et qualifié le dialogue de "positif et constructif". M. Beira a indiqué que, comme à Ghadamès, sa délégation ne s'assiéra "pas à la même table" que le CGN. Après la chute du régime Mouammar Kadhafi en octobre 2011, la Libye a été le théâtre de la montée en puissance de milices constituées d'ex-rebelles qui font aujourd'hui la loi. La situation s'est aggravée ces derniers mois, et depuis quelques semaines le pays fait face à une recrudescence des actions du groupe Etat islamique (EI).
Pas de levée de l'embargo sur les armes avant un gouvernement d'union Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont réclamé la mise en place d'un gouvernement d'union avant toute levée d'un embargo sur les armes à destination de la Libye. Le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a demandé mercredi au Conseil de sécurité des Nations unies de lever cet embargo afin de pouvoir renforcer son armée et combattre les groupes locaux se réclamant de l'Etat islamique. La Jordanie, qui est membre du Conseil, a fait circuler mercredi un projet en ce sens mais Londres et Washington ont clairement exprimé leurs réticences. "Le problème est qu'il n'y a pas un seul gouvernement en Libye contrôlant efficacement son territoire. Il n'y a pas une armée libyenne que la communauté internationale pourrait soutenir efficacement", a déclaré le secrétaire au Foreign Office Philip Hammond lors d'une visite à Madrid. "La première condition (à la levée de l'embargo) est la création d'un gouvernement d'union nationale", a-t-il dit. De son côté, le département d'Etat américain a déclaré continuer de soutenir la procédure instaurée contre le régime de Mouammar Kadhafi lors du soulèvement de 2011. La Libye doit pour l'instant faire valider chaque importation d'armes par la commission du Conseil de sécurité chargée de superviser le respect de l'embargo.