Dans un univers où les cinéaste triment des années pour tourner ne serait-ce qu'une image, la naissance d'un film est un événement culturel heureux. Heureux qui comme Ali Ghanem, va aujourd'hui montrer son dernier né, Chacun sa vie, réalisé et produit par lui-même. Un long métrage enfin pondu après près d'une décennie de “ mendicité ” pour reprendre l'expression de l'auteur de Une femme pour mon fils. Si vous rencontrez Ali Ghanem qui, actuellement, vit entre Alger et Paris, vous allez tout de suite sentir qu'il a du dépit, presque de la hargne face aux difficultés que vit la famille du 7e art chez nous. Car cet autodidacte à qui le destin a souri à une période de sa vie –son livre a eu un succès immense, traduit dans plusieurs langues- a toujours considéré que les cinéastes ne peuvent produire quelque chose de visible s'ils ne travaillent pas cigare au bec, c'est-à-dire dans l'opulence la plus totale. Grand drame pour celui qui n'a pas bouclé Chacun sa vie, qu'après avoir supplié des années durant –le film a nécessité 7 années de recherche et trois années de tournage-, entreprises publiques, privées, et ministère pour son montage financier. Revoilà donc Ali Ghanem certainement soulagé d'avoir mis en boite son dernier né dont l'avant-première est prévue aujourd'hui à partir de 19h à la salle El Mougar. Sans se méprendre, le cinéaste et écrivain qui a vécu plus de quarante années à Paris est conscient qu'après cette naissance il aura à galérer de nouveau pour un prochain produit…sauf si le film crève l'écran jusqu'à faire des entrées historiques ! Et pourquoi pas ! La chance n'a-t-elle pas déjà souri au fils de Aïn El Fakroun -dans le Constantinois- parti en aventure dans le Paris des années 60 et en revient comme Ulysse avec un nom et des œuvres... ? Chacun sa vie, est un film à 100% social. C'est sans doute un peu l'expression d'une angoisse que vivent tous ses émigrés –comme Ali d'ailleurs- à un certain moment de leur vie, la retraite. La terre natale, il l'ont toujours eue dans le cœur malgré les distances et c'est justement là qu'il feront leur nid pour un retour triomphal au bercail. Mais si ce retour est vécu comme un mythe, c'est aussi un drame. Un vrai, puisque le retraité a des enfants nés de l'autre côté de la mer, et le retour au pays sera un véritable déchirement pour la nouvelle génération de Maghrébins nés en France. En plus clair, ce film est le récit de “ deux amis algériens originaires de Jijel, partis à 40 ans tenter leur chance en France. Un film qui traite, notamment de la solidarité entre ouvriers français et algériens. Il s'agit de L'Autre France. Si l'un deux finit par décéder et son corps est rapatrié en Algérie, le second se mariera et aura une vie prospère. Il rêve après sa retraite de rentrer au bled. Or, sa femme et ses enfants, étant nés Français, ne l'entendent pas de cette oreille. Pour eux, leur pays, c'est la France ”. Thème d'actualité par excellence, Chacun sa vie semble être une leçon sur la vie.