La Nouvelle-Calédonie est le territoire de France qui connaît la plus forte croissance, grâce notamment à des investissements colossaux, mais ce boum économique apparaît surdimensionné pour un si petit territoire. "La Nouvelle-Calédonie connaît un boom économique sans précédent. On n'est plus une île au milieu du Pacifique, on entre de plein fouet dans le village mondial", estime Jean-Yves Bouvier, président du Medef local. Porté par la flambée des cours, le nickel, dont l'île détient un quart des réserves mondiales, est le principal moteur de la croissance, évaluée à 4,5% en 2006. L'inflation est cependant contenue à 1,6%. Depuis 2005, le chantier Goro Nickel du brésilien CVRD a injecté 420 millions d'euros dans les entreprises locales. Parmi les plus grands projets miniers au monde, cette unité entrera en production en 2009, avec une capacité de 60.000 tonnes annuelles. Encore plus gigantesque: l'usine métallurgique Koniambo, dans le nord, dont le Suisse Xstrata a décidé mi-octobre de lancer la construction, moyennant 2,27 milliards d'euros. Opérateur historique, Eramet a lui aussi de grandes ambitions en Nouvelle-Calédonie où le groupe français investit depuis plusieurs années "de 125 à 150 millions d'euros" par an. Une batterie d'autres grands projets est sur les rails: extension de l'aéroport international, pour 80,5 millions d'euros, ZAC de Dumbéa (banlieue de Nouméa), quelque 380 millions d'euros, Médipôle de Koutio, environ 260 millions d'euros, sans compter les infrastructures sportives pour les Jeux du Pacifique 2011 et le logement social. "L'ensemble de ces valeurs est totalement disproportionné par rapport à la taille de la Nouvelle-Calédonie", s'inquiète M. Bouvier. Avec 250.000 habitants, le Caillou semble en effet vulnérable face à ce développement, en raison notamment de la fragilité de son tissu économique, d'inégalités sociales importantes, d'une fiscalité désuète, d'infrastructures insuffisantes ou d'une société traditionnelle kanak destructurée. "Je suis un peu inquiet de tous les bouleversements que cela va provoquer humainement, socialement, économiquement et écologiquement", a déclaré le nouveau haut-commissaire, Yves Dassonville, lors d'une déplacement à Koniambo dans le nord, région majoritairement kanak où tout est à construire. Selon Gaël Lagadec, professeur d'économie à l'université de Nouvelle-Calédonie, ce sont en priorité "les tensions sociales qui risquent de paralyser la croissance". Depuis septembre les conflits se multiplient sur le Caillou. Il préconise une meilleure répartition des richesses avec un relèvement des minima sociaux, une réforme de la fiscalité et une diminution du protectionnisme du marché local. Proche de la gauche altermondialiste, le syndicat indépendantiste USTKE va créer ce week-end un parti qui entend "porter la lutte sociale sur le terrain politique". "Le fondement de notre économie est encore celui d'une économie de comptoir, il faut un changement de société", prône Gérard Jodar, président de l'USTKE. Estimant que l'île a besoin de "se structurer pour accompagner ce fort développement", Jean-Yves Bouvier craint que le temps ne manque. "Dans cette société de pionniers, les gens ont du mal à avoir une vision à long terme et de plus le calendrier politique fait pression", note-t-il. A compter de 2009, les derniers transferts de compétence de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie devraient s'opérer, avant un référendum sur l'indépendance entre 2014 et 2018, inscrit dans l'accord de Nouméa.