Les défis liés à la paix, à la sécurité et au développement interpelleront les dirigeants de dizaines de pays au sommet Asie-Afrique mercredi et jeudi à Jakarta, 60 ans après la conférence de Bandung, alors qu'un nouveau chapitre est appelé à s'ouvrir dans la coopération afro-asiatique. Le sommet Asie-Afrique de cette année a pour thème "Renforcer la coopération Sud-Sud pour promouvoir la paix et la prospérité mondiales". Les pays des deux continents accordent tous une priorité au maintien de la paix et au développement économique ainsi qu'une grande importance aux principes de Bandung pour resserrer la coopération multidisciplinaire dans divers domaines (politique, sécurité, investissement, commerce, tourisme, échanges culturels...), l'alliance Asie-Afrique, l'optique étant de valoriser les potentiels au profit des deux continents. Pas moins de 33 chefs d'Etat et de gouvernement de même que les représentants de 77 pays d'Asie et d'Afrique et de plusieurs organisations régionales et internationales, sont attendus à Jakarta. L'Algérie sera présente à cet événement à travers une délégation conduite par le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, représentant du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Dans ce sens, rappelons qu'un communiqué de la présidence paru précédemment avait indiqué, "En réponse à l'invitation qu'il a reçue du président de la République d'Indonésie, Joko Widodo, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a chargé le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, de le représenter à la commémoration du 60ème anniversaire de la Conférence afro-asiatique de Bandung en 1955 et au sommet afro-asiatique qui se tiendra à Djakarta sur le thème du "renforcement de la coopération Sud-Sud pour la promotion de la paix et de la prospérité" La commémoration du 60ème anniversaire de la Conférence afro-asiatique de Bandung intervient dans un contexte régional et international complexe marqué notamment par de profondes disparités entre le Nord et le Sud.
Efficiente coopération Asie-Afrique en point de mire Dans ce sillage, le rendez-vous de Jakarta ouvrira "un nouveau chapitre" dans la coopération Asie-Afrique", a déclaré la ministre des Affaires étrangères indonésienne Retno Marsudi, lors de la cérémonie d'ouverture de la réunion ministérielle. La ministre a rappelé les significations historiques de la conférence de Bandung d'avril 1955, disant qu'il est nécessaire d'ouvrir une nouvelle période de développement de la coopération en vue d'une "meilleure efficacité". Elle a souligné l'importance de la démocratie, de l'égalité et des droits de l'homme en Asie, en Afrique et dans le monde. Dans ce contexte, la ministre a également souligné la nécessité d'augmenter le niveau de la coopération entre les pays afro-asiatiques dans les différents domaines pour rattraper les retards et ainsi pour pouvoir résister à la concurrence imposée par les grandes forces mondiales, en appelant les pays des deux continents à "intensifier la coopération Sud-Sud et triangulaire, à collaborer pour affronter ensemble les défis, réduire les écarts de développement, ainsi qu'à multiplier les échanges culturels...". Les participants au sommet se pencheront sur trois principaux thèmes, à savoir, la Palestine, la coopération Sud-Sud et les grandes questions intéressant les Etats des deux continents. Au programme de la réunion qui commémore également le 10ème anniversaire du Partenariat stratégique Asie-Afrique signé en 2005 à Bandung, figure notamment une réunion des hauts responsables, en plus d'une réunion ministérielle sur l'économie mardi. En marge des commémorations, l'Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde, va présider une réunion sur le conflit au Yémen, à la demande de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Le Yémen est déchiré par des combats entre rebelles houthis et partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite face à l'avancée rebelle. Une coalition arabe menée par l'Arabie saoudite a lancé le 26 mars des frappes aériennes pour contrer l'offensive rebelle.
Revisiter une histoire commune D'autre part, les plus hauts dirigeants ont participé aux réunions hier et aujourd'hui, avant de commémorer le 60e anniversaire de la Conférence à Bandung, ville de la grande île de Java en Indonésie. La conférence s'était tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandung avec la présence de délégations de 29 pays africains et asiatiques dont la plupart avaient accédé à l'indépendance après des années de colonialisme et d'occupation étrangère. La conférence qui était placée sous le signe de l'unité reste le symbole d'une prise de conscience de la part des peuples asiatiques et africains qui ont affirmé leur volonté commune d'indépendance et de lutte contre le colonialisme ou le néo-colonialisme. Elle marquait l'entrée en scène du tiers-monde et préludait à la fondation du mouvement des non-alignés (MNA) dans un monde alors en pleine guerre froide. Mais depuis la chute du Rideau de fer, le MNA peine à rester d'actualité, alors que le nombre de ses membres a augmenté et représentent désormais une importante part de l'économie mondiale. Le mouvement des pays non-alignés, créé officiellement en 1961 à Belgrade, constitue le plus grand rassemblement en dehors des Nations unies dont les pays membres représentent les deux tiers (2/3) de l'organisation onusienne et comptent 55 % des habitants du Globe. Si la vision saluée de la "tradition du non-alignement" laisse sceptiques de nombreux analystes, certains observateurs estiment que l'influence grandissante de l'économie des pays participants montre des signes de renouveau au sein du mouvement.
Le succès et la fierté du FLN Entre autres, et d'après des moudjahidine et des historiens, la conférence de Bandung en a consacré le premier succès de la diplomatie du Front de libération nationale (FLN) en favorisant l'internationalisation de la cause algérienne. A cet effet, l'historien Amer Rekhila lors du forum "Mémoire", organisé par l'association "Mechaal Echahid" en collaboration avec le quotidien El-Moudjahid, à l'occasion du 60 anniversaire de la conférence de Bandung a souligné qu'elle a une grande importance à faire parvenir la voie de la guerre de libération à tous les pays de la globe, considérant que c'était une premiere sans précédente pour la cause algérienne qui avait constitué un véritable succés, "La conférence de Bandung a consacré le premier succès de la diplomatie du FLN en faveur de l'internationalisation de la cause algérienne", a souligné. Il a indiqué que les participants avaient ouvertement condamné la colonisation et appelé à une coopération étroite entre les pays du sud et en voie de développement pour lutter en faveur des droits des peuples à l'autodétermination. Cette position a permis aux représentants du FLN de se déployer davantage aux plans continental et international grâce notamment à la délégation du FLN au Caire composée alors d'Ahmed Ben Bella, Hocine Ait Ahmed, Mohamed Khider et M'hamed Yazid", a rappelé M. Rekhila. Trois mois après Bandung, 14 pays parmi les 29 ayant participé à la conférence ont adressé une lettre au secrétaire général des Nations unies l'appelant à inscrire la cause algérienne à la 10e session de l'Assemblée générale (septembre 1955). Après une campagne "féroce" menée par la France pour bloquer cette demande, l'inscription de la cause algérienne fut ainsi reportée à la 11e session de l'Assemblée générale (1956), a-t-il poursuivi. Lors de la réunion préparatoire à la conférence de Bandung, les présidents d'Inde, d'Indonésie, de Birmanie, du Sri Lanka et du Pakistan ont inscrit l'Algérie parmi la délégation maghrébine qui comptait des représentants de Tunisie et du Maroc, a-t-il encore rappelé. Le moudjahid et diplomate Salah Belkobi est revenu pour sa part sur les efforts des représentants du FLN, Hocine Ait Ahmed et M'hamed Yazid en faveur de l'inscription de la cause algérienne au programme des nations unies. Une des résolutions de la conférence de Bandung fut de soutenir le droit des peuples algérien, tunisien et marocain à l'autodétermination, a-t-il insisté. Le chargé d'Affaires à l'ambassade d'Indonésie, à Alger M. Swedianto Sumardi a soutenu pour sa part que la conférence de Bandung avait dégagé une position forte concernant la décolonisation. La conférence de Bandung a institué le groupe afro-asiatique qui a consacré la coopération entre les deux continents alors sous occupation, a rappelé le responsable mettant en avant le soutien de son pays aux mouvements libérateurs notamment en Algérie avec laquelle, a-t-il dit, "l'Indonésie oeuvre aujourd'hui à promouvoir ses relations". Plusieurs dossiers sont inscrits au programme de la célébration, à Jakarta, du 60e anniversaire de la conférence de Bandung portant notamment sur les échanges commerciaux et la coopération en matière de lutte antiterroriste. La question palestinienne et le partenariat afro-asiatique figurent également parmi les thèmes retenus pour la rencontre.