La croissance de l'économie japonaise s'est accélérée (+1%) au 1er trimestre, selon des chiffres révisés publiés hier, mais les économistes pointent le risque d'un 2e trimestre moins bon en raison d'une consommation des ménages encore trop timorée. Durant la période de janvier à mars, le produit intérieur brut (PIB) du Japon a augmenté de 1% par rapport à octobre-décembre 2014, une progression plus forte que celle attendue le mois dernier par le gouvernement (+0,6%). L'activité économique s'est amplifiée à un rythme supérieur grâce aux investissements des entreprises plus importants que prévu, confirmant la consolidation de la reprise amorcée au 4 e trimestre 2014 après une période de récession. Si les économistes s'attendaient à une révision positive, le chiffre de lundi est bien meilleur que ce qu'ils espéraient (+0,7% en moyenne). En rythme annualisé, la croissance s'affiche ainsi à +3,9%, au lieu de +2,4% précédemment. La bonne surprise est venue de la progression des investissements non résidentiels des entreprises, de +2,7% contre une évaluation de +0,4%, ce qui a dopé la demande intérieure, premier moteur de l'économie. "La hausse des achats de biens d'équipements par des petites sociétés a été relativement forte", a souligné un économiste de Nomura interrogé par le groupe d'informations économiques Nikkei. En revanche, les autres principales composantes servant au calcul du PIB n'ont guère changé en comparaison avec les premières estimations. Cette accélération de la reprise est une très bonne nouvelle pour le gouvernement du Premier ministre conservateur Shinzo Abe et la banque centrale du Japon (BoJ). La BoJ se dit convaincue que le Japon, malmené par une quinzaine d'années de déflation, parviendra à atteindre courant 2016 son objectif d'inflation de 2%, un paramètre nécessaire pour alimenter une croissance interne fondée sur une demande robuste. Même si en avril la hausse des prix a été quasi nulle, la BoJ n'est donc pas forcée d'agir rapidement, selon des analystes. "Elle ne bougera pas pour l'heure, à moins que ne soit confirmé un important déclin du PIB pour la période avril-juin", prédit Takeshi Saito, de Crédit Suisse.
La balle dans le camp des consommateurs "Même si l'économie a connu au 1er trimestre une expansion plus forte qu'estimé au départ, un ralentissement semble probable au deuxième trimestre", avertit cependant dans une note Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics. De fait, le chiffre de la consommation des ménages est resté au même niveau qu'annoncé précédemment (+0,4%). "Or il est absolument nécessaire que la demande des particuliers redémarre", insiste Toru Suehiro, de Mizuho Securities, cité par le Nikkei. Mais les premières statistiques publiées pour le 2e trimestre ne sont guère encourageantes. Les dépenses de consommation des foyers ont aligné en avril leur 13e mois de recul d'affilée, ce qui montre que ce pilier de l'économie japonaise (60% du PIB) est encore très fragile après avoir été ébranlé en avril 2014 par l'augmentation de trois points du taux de TVA, passé de 5 à 8%. Cela faisait 17 ans que le gouvernement japonais n'avait pas touché à cet impôt indirect, impopulaire, imposé sur tous les achats des particuliers. Ces derniers ont, en prévision, accumulé des stocks avant la date fatidique puis réduit leurs dépenses sur une période plus longue que prévue par le gouvernement. La récession de 2014 (-0,1%) est la conséquence de ce changement fiscal dont les effets avaient été sous-estimés. Le gouvernement comme la banque centrale tendent à faire porter le chapeau aux entrepreneurs qui n'ont pas augmenté les salaires assez vite pour éviter une chute du pouvoir d'achat des consommateurs. Désormais, tout le monde attend l'impact des promesses de hausses salariales négociées au printemps entre syndicats et patrons. Les marchés devraient également contribuer à la relance, l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo naviguant actuellement à des niveaux inédits en 15 ans du fait de la chute du yen résultant de la politique monétaire ultra-accommodante du Japon au moment où celle des Etats-Unis se resserre.
Excédent des comptes courants sextuplé Le Japon a dégagé en avril son 10e excédent courant mensuel consécutif, avec un montant sextuplé sur un an, grâce aux placements des entreprises nippones à l'étranger, a indiqué lundi le ministère des Finances. Le surplus d'avril s'est établi à 1 326,4 milliards de yens (9,5 milliards d'euros), contre 221 milliards de yens un an plus tôt. Même si le Japon a accusé un déficit commercial durant la période passée en revue, le compte des revenus a largement compensé le manque à gagner. Après un excédent en mars, le premier depuis près de trois ans, le compte des échanges de marchandises est retombé dans le rouge en avril, avec un solde négatif de 146,2 milliards de yens (environ 1 milliard d'euros). Ce chiffre est plus mauvais que celui présenté fin mai par le ministère des Finances du fait d'un mode de calcul excluant alors les frais d'assurance et de transport. Le déficit était cependant plus important - près de 800 milliards de yens - un an plus tôt. L'écart entre les exportations et les importations s'est resserré grâce à la réduction des coûts de l'énergie importée et à la hausse de la valeur des biens exportés. Les importations ont baissé de 5,9% à 6 374,9 milliards de yens (45,5 milliards d'euros), tandis que les exportations augmentaient de 4,1% à 6 228,7 milliards (44,5 milliards d'euros). Le compte des services affiche également un résultat négatif, avec un déficit de 524,5 milliards de yens, mais les recettes dues aux voyages et à la propriété intellectuelle sont meilleures qu'un an plus tôt. Le Japon accueille en effet un nombre croissant de touristes à la faveur de l'affaiblissement du yen par rapport au dollar et à l'euro. Par ailleurs, les placements japonais à l'étranger ont comme d'habitude été le principal facteur de l'embellie des comptes, avec un énorme surplus de 2 197 milliards de yens (+19%). La balance des transactions courantes est un bon indicateur de la situation d'une économie par rapport au reste du monde, car elle prend en compte non seulement les échanges des biens mais aussi des services, ainsi que les revenus des investissements directs ou de portefeuille et les transferts courants.