Il est tout à fait compréhensible que les pays exportateurs de pétrole s'inquiètent des effets de leurs ventes et leurs revenus du fait de la baisse du prix du baril de pétrole, qui a chuté de plus de 60 % depuis le mois de juin 2014. La production actuelle de l'OPEP qui est de 30 millions de barils/jour a été maintenue lors de la récente réunion du cartel. Sous la pression des monarchies du Golfe et à leur tête l'Arabie saoudite, les membres du cartel ne sont pas parvenus à un accord pour réduire les niveaux de production, d'au moins 800 000 barils/jour. Un statu quo voulu et imposé par l'Arabie saoudite dont le ministre du Pétrole, Ali al-Naimi, se réjouit : la stratégie défendue par son pays réussit bien. " La demande augmente. L'offre ralentit. C'est un fait. Le marché se stabilise. Je ne suis pas stressé, je suis heureux ". Cela veut tout dire sur les visées du royaume wahabite. Il est tout à fait normal et compréhensible que les pays de l'OPEP s'inquiètent et s'indignent du fait que l'Arabie saoudite ait systématiquement refusé de baisser la production de pétrole afin que les prix remontent, la stabilisation du marché mondial et a continué à appliquer une stratégie dictée par les Américains. Mais ce qui est ni compréhensible, ni normal c'est que sous prétexte de retrouver sa part de marché, l'Arabie saoudite a délibérément déclenché ce déclin. Elle est en train de payer son entêtement. En quatre mois, l'Arabie saoudite a enregistré un manque à gagner de près de 50 milliards de dollars en raison de la chute du cours du pétrole. Paradoxe, le royaume est accusé par les observateurs de " largement " contribuer à cette baisse des cours notamment pour affaiblir les Etats qui ne sont pas dans le giron de son protecteur, les Etats-Unis. On cite l'Iran, l'Algérie, la Russie, le Venezuela, etc. La chute rapide des prix du pétrole a de graves répercussions politiques. La Russie, l'Iran, adversaires historiques de l'Arabie saoudite, et les autres membres de l'OPEP, sont les plus durement touchés par la dévaluation de l'or noir. C'est dure combien, l'Arabie saoudite est suspecte de se servir du pétrole pour achever des ambitions géopolitiques en partage avec les Etats-Unis. " Si le constat de cette débâcle financière est simple, les raisons sont plus complexes à cerner. Plusieurs niveaux de lecture se chevauchent, et comme souvent en matière de pétrole, la logique du marché se confond avec les visées géopolitiques des acteurs en présence : les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l'Iran, mais aussi et surtout de l'Arabie saoudite et les autres pétromonarchies. Les seuls bénéficiaires de cette chute des prix déclenchée par l'Arabie saoudite, sont pour l'immédiat les pays consommateurs. Même l'Agence internationale de l'énergie ne se plaint pratiquement plus du niveau des prix du pétrole, dont la valeur réelle va du reste en diminuant sous le double effet de l'inflation et de la chute du dollar. Cette logique est-elle à l'origine du niveau actuel des cours du pétrole ? "L'Arabie saoudite semble rappeler à chacun, hors de l'OPEP comme au sein de l'organisation, qu'elle est l'unique reine au centre de l'échiquier pétrolier mondial ", écrit le journaliste Matthieu Auzanneau sur son blog Oïl Man, hébergé par le journal Le Monde. Face à l'obstacle saoudien, les membres du cartel tout en exprimant leur volonté légitime de défendre un juste prix du baril de pétrole et de définir les voies et les moyens d'y parvenir, afin de s'assurer des revenus nécessaires à leur développement, semblent accepter ce fait accompli. Ils sont impuissants. Ils se sont laissés entrainer la tête baissée dans une guerre des prix et de subir des difficultés financières. Des conséquences catastrophiques pour leurs économies. L'Arabie saoudite, à travers sa stratégie sait aussi que les avantages géopolitiques qu'elle retire dans l'immédiat de la chute des prix du pétrole auront en contrepartie une baisse du pouvoir d'achat des pays exportateurs qu'elle vise, des difficultés accrues pour le système bancaire mondial. Si donc l'objectif recherché à travers la baisse des prix est d'aider à la relance des économies des pays consommateurs, des pays industriels, il est clair que cette relance sera assurée au prix de risque d'inconvénients majeurs pour ces mêmes pays, et au prix d'une perte de revenus pour plusieurs dizaine de milliards de dollars pour les Etats exportateurs. Rien que pour les pays membres de l'OPEP, chaque réduction du prix d'un dollar par baril se traduit par une amputation de leurs revenus d'environ 10 milliards de dollars par an. En attendant une reprise suffisante de la demande pétrolière, si réduction de la production se concrétise, une telle perspective est tout à fait illusoire. Car tout indique que, dans le meilleur des cas, et avec beaucoup de " si ", les prix du pétrole finiraient à atteindre 30 à 40 dollars le baril. Bien sûr, l'Arabie saoudite et ses alliés au sein du cartel auraient alors réussi comme les " héros " à faire plier l'OPEP. Mais combien de milliards de dollars une telle " victoire " coûterait-elle aux pétromonarchies et tous les autres producteurs de pétrole ?