La défense des commissaires aux comptes de Khalifa Bank a relevé, hier devant le tribunal criminel de Blida, la responsabilité du gouverneur de la Banque d'Algérie, du vice-gouverneur et des membres de la Commission bancaire dans l'affaire de la faillite de cette banque. Lors de sa plaidoirie pour le compte des accusés Mimi Lakhdar et Sekhara Hamid, l'avocat Bouitane Tayeb a déclaré que "le gouverneur de la Banque d'Algérie, le vice-gouverneur à cette période, les membres de la Commission bancaire et l'inspection générale assument une très grande part de responsabilité dans ce qui s'est passé dans cette banque car ils étaient informés des infractions bancaires". Il a souligné que si l'article 119 du code pénal n'a pas été supprimé les dits responsables auraient été poursuivis pour "mauvaise gestion". Le procureur général du tribunal criminel près la cour de Blida, avait requis, rappelle-t-on, dimanche dernier, cinq ans d'emprisonnement et 500 000. DA d'amende contre les deux commissaires aux comptes dans la défunte banque privée. Selon Me Bouitane, lesdits responsables étaient au courant des infractions bancaires mais "personne n'osait lever le petit doigt alors que Khalifa était à son apogée", attendant jusqu'à 2003 pour réagir et prendre les mesures nécessaires. Affirmant l'"irresponsabilité pénale des deux accusés, qui avaient, a-t-il dit, déjà alerté sur des "anomalies" à travers un premier rapport en 2000 qui n'a pas été pris en considération, il a précisé que "si la Banque d'Algérie avait agi à cette époque on aurait évité la catastrophe". L'avocat a plaidé la bonne foi de ses deux clients se basant sur le fait qu'ils avaient refusé le renouvellement de leur mandat à partir de 2000, parce qu'ils avaient relevé des dépassements et des irrégularités au sein de Khalifa Bank, ajoutant également que les infractions répréhensibles pénalement ont eu lieu après l'année 2000, c'est-à-dire après leur départ de cette banque. Il s'est appuyé pour soutenir ses propos sur le témoignage de l'administrateur judiciaire, Mohamed Djellab, du liquidateur judiciaire Moncef Badsi, l'expert-comptable Foufa et le membre de la Commission bancaire dont les propos étaient en faveur des deux accusés, précisant que parmi les 300 opérations illégales relevées 5 seulement ont été effectuées durant la période 1998 à 2000. Exprimant son étonnement sur le fait que Mimi Lakhdar et Sekhara Hamid "sont passés de témoins à accusés", alors qu'ils étaient à l'origine de l'alerte sur les "irrégularités", Me Bouitane demande au juge de "rectifier" ce qu'il a appelé "une erreur et réhabiliter ceux qui mériteraient de l'être", car, a-t-il précisé "ce ne sont pas tous ceux qui sont ici sont coupables, et ce n'est pas tous les coupables qui sont présents au tribunal". Par ailleurs, les avocats des accusés Chafik Bourkaib, conseiller du groupe Khalifa et Bernard Villon, directeur de formation à Khalifa Airways, ont plaidé l'innocence pour leurs clients pour le délit d'abus de confiance. La défense de certains accusés dont celles de Nourredine Boucenna, cadre à l'OPGI d'Oran et d'Abdallah Boulefred, directeur de l'unité de boissons de la même ville, ainsi que celle de Belhacehemi Khedouja, directrice du centre d'études en urbanisme s'est interrogée notamment sur la légalité d'actionner la justice sur la base de témoignages d'accusés, plaidant leur innocence. La veille, des avocats qui ont plaidé pour leurs clients, ont soutenu qu'il "n'était pas possible" de joindre les accusations de corruption et de l'abus d'influence dans un même chef d'inculpations, soulignant que même la Cour suprême "ne le permettait pas". Plaidant la cause de son client, Benahmed Abdelhamid, responsable de l'Entreprise de produits longs (TPL), l'avocat Abassi Mahmoud a estimé que "du point de vue de la loi, il n'était pas possible de joindre deux accusations dans un même chef d'inculpations". Pour sa part, Me Ghetas Youcef, avocat d'Ait Belkacem Mahrez (ex-DG de la Caisse nationale d'assurance chômage) et de Smati Bahidj Farid (ex-P-DG de l'Enaorg) a nié l'existence d'une "relation de causalité entre le dépôt d'argent chez Khalifa Bank et le privilège de la carte de thalassothérapie". L'avocat Laceb Ouali a évoqué, lui aussi, la responsabilité de la Banque d'Algérie dans le contrôle de la banque Khalifa, citant, dans ce sens, les propos tenus par Mourad Medelci, ancien ministre des Finances, qui avait déclaré qu'il "n'avait pas été assez intelligent pour exécuter le nouveau système de contrôle des banques". De son côté, Ahmed Fadhel, avocat de Sahbi Daoud, ancien directeur général de l'entreprise nationale des forages (Enafor, filiale de Sonatrach), a souligné que la corruption était "manifeste lorsqu'on bénéficie d'intérêt contre un autre intérêt".