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Malgré un malaise, la présidente poursuit le procès
JUGEMENT DE L'AFFAIRE KHALIFA AU TRIBUNAL CRIMINEL DE BLIDA
Publié dans El Watan le 03 - 03 - 2007

L'audience s'ouvre aux environs de 9h30, avec Me Ahmed Chaouche, avocat des deux experts aux comptes, Mimi Lakhdar et Sekhara Hamid, contre lesquels le procureur général a requis 4 ans de prison assortie d'une radiation de leur profession.
Me Chaouche rejette l'accusation de non-dénonciation et fausse information qui pèse sur ses mandants en affirmant que ces derniers ont établi plusieurs rapports faisant état de violations des règles prudentielles par El Khalifa Bank, transmis à la Banque d'Algérie. Ils ont même, dit-il, émis des réserves sur les bilans qu'ils ont eu à examiner, et ce, depuis 1999 jusqu'en 2001. En avril 2001, ils ont également transmis une lettre à la commission bancaire, faisant état d'irrégularités en matière toujours de non-respect des règles prudentielles et cela a fait l'objet d'une mission d'inspection de cette institution. Une lettre a été adressée, en avril 2002, aux dirigeants d'El Khalifa Bank, afin de donner des explications et de corriger les anomalies, mais en vain. Ce qui a poussé les deux commissaires aux comptes, selon toujours l'avocat, à émettre des réserves sur le bilan du fait, notamment des retards des états de rapprochement. « Le 15 juin 2002, l'assemblée générale d'El Khalifa Bank adopte le bilan de 1999 et le 16 juin, une correspondance sur les réserves émises sur ce bilan a été transmise à la Banque d'Algérie. En octobre 2002, une autre lettre est adressée aux responsables d'El Khalifa Bank pour attirer leur attention sur les opérations gelées dites urgentes et le retard de la clôture des comptes annuels. La surprise est qu'El Khalifa Bank a bénéficié d'une ordonnance du président du tribunal de Chéraga pour prolonger de 6 mois le délai de la clôture du bilan alors qu'il enregistrait un retard de deux ans.
« RAK, l'investisseur exemplaire ! »
De ce fait, les retards ont été absorbés », révèle l'avocat, qui estime que devant cette situation, les commissaires aux comptes ne peuvent être responsables. Me Chaouche affirme que ses mandants n'avaient aucune intention de couvrir quoi que ce soit à El Khalifa Bank. « Il ne savait pas qu'il y avait des faits graves jusqu'au procès. Pour lui, tous les faits relevés concernent le non-respect des règles prudentielles, du ressort de la Banque d'Algérie », déclare l'avocat avant de demander la relaxe pour les deux commissaires aux comptes. Abondant dans le même sens, Me Bouitaoune Tayeb estime avoir souhaité que le niveau des demandes du parquet général soit à la hauteur de celui du tribunal, qui a réussi l'exploit de gérer un procès durant 48 jours, soit 1050 heures d'audience. Cette critique tient du fait que, selon l'avocat, le procureur général n'a pas motivé ses demandes et a déclaré que les deux experts aux comptes étaient au courant et n'ont pas informé. Le procureur général intervient : « Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. » La présidente le remet à sa place. « N'interrompez pas les avocats. Le code de procédure pénale vous donne le droit de répondre, mais à la fin des plaidoiries », lance la magistrate, avant de demander à Me Bouitaoune de poursuivre sa plaidoirie. Celle-ci est très critique à l'égard du représentant du ministère public et son réquisitoire. Il revient sur les rapports établis par les deux commissaires, et note qu'il faut revenir au contexte de l'époque pour comprendre ce qui s'est passé. « Qui osait parler de Abdelmoumen Khalifa ? Qui avait le courage de contrôler ses dépenses à l'intérieur et à l'extérieur du pays ? Rappelez-vous que quand il venait de l'étranger, il passait par le salon d'honneur de l'aéroport comme une haute personnalité de l'Etat et lors de l'inauguration de la station de dessalement d'eau de mer, non loin du port d'Alger, il a été présenté devant les caméras de la télévision en tant qu'investisseur exemplaire. Pourtant, les deux commissaires aux comptes ont fait leur travail et mentionné les irrégularités dans de nombreux rapports transmis à la Banque d'Algérie. Le rôle de ces commissaires n'est pas de faire des contrôles systématiques, mais plutôt des sondages et des recoupements de l'échantillonnage pour vérifier les comptes. Mais, ils n'ont jamais constaté de délits qui relèvent du tribunal. Pour eux, ce ne sont que des infractions à la réglementation bancaire. » Comme son confrère, l'avocat relève que le président du tribunal de Chéraga a autorisé une prolongation de six mois du délai de la clôture des bilans de 1999 et de 2000, alors qu'ils enregistraient des retards de près de deux ans. Me Bouitaoune s'est attaqué au juge d'instruction qui, selon lui, aurait dû se renseigner sur la fonction du commissaire aux comptes avant d'entendre ses deux mandants. Il dénonce également la demande du mandat de dépôt à l'audience par le procureur général, précisant que celle-ci est une violation des libertés.
Le tribunal de Chéraga prolonge de 6 mois le délai des bilans
Me Kherbiche Ali, avocat de Amarouchène Amar, ex-directeur financier à l'Enafor, filiale de Sonatrach, qui a rejoint un bureau d'expertise financière (Aïssa Droit) en 1999, estime que son mandant est victime de son nom qui se rapproche de celui de l'épouse de Abdelmoumen Khalifa, qui elle s'appelle Amirouchène. « Cette confusion lui cause de nombreux problèmes », déclare l'avocat. Il critique sévèrement la gestion de ce dossier par la Cour suprême, en affirmant « que son mandant a reçu la notification de cette haute instance, le 27 novembre 2006, et à peine a-t-il eu le temps de constituer un avocat, et avant même que le délai n'expire, elle avait déjà statué en rejetant les pourvois. Est-ce légal ? », indique l'avocat. A propos de sa fille recrutée par Khalifa Airways, Me Kherbiche, affirme qu'elle a rejoint la compagnie sans l'aide de son père, après avoir répondu, au même titre que de nombreux autres universitaires, à une annonce de recrutement. Il demande la relaxe pour son mandant avant de laisser le prétoire à son confrère, Me Messous Saâda, qui plaide également pour Amarouchène. Il reprend les mêmes arguments que son prédécesseur, avant de demander également la relaxe. Me Saâdani Ahmed, avocat de Abdelali Meziani président du conseil d'administration de la Caisse nationale des retraités, et secrétaire national de l'UGTA, chargé de la finance, axe sa plaidoirie sur le parcours de l'accusé, contre lequel le parquet général a demandé une peine de 5 ans de prison ferme et une privation des droits civiques d'une durée de 5 ans, assortie d'une amende de 5000 DA, pour corruption, trafic d'influence et perception d'indus avantages. L'avocat déclare que la carte de gratuité de voyages dont a bénéficié Meziani, lui a été donnée bien avant le placement de la caisse à El Khalifa Bank, alors qu'il était député du RND à l'Assemblée nationale (1997-2002), précisant que ce dernier est membre de plusieurs organismes syndicaux arabe, maghrébin et international. « A ce titre, il a pour habitude de voyager beaucoup et n'a donc pas besoin de billets gratuits de Khalifa Airways », indique Me Messous. Celui-ci précise que c'est l'administration qui est chargée de la rédaction de la délibération du conseil d'administration et de faire en sorte qu'elle soit exécutoire, avant de demander : « Je vous demande de relaxer et de réhabiliter mon mandant afin qu'il puisse reprendre ses activités au niveau des instances internationales dont il est membre. » Allant dans le même sens, et plaidant pour le même accusé, Me Fatiha Chelouche revient sur le contexte de l'époque marqué par un dysfonctionnement du système bancaire public, et qui a fait que l'apparition d'El Khalifa Bank sur la scène financière constituait une bouffée d'oxygène pour les citoyens. Mais, dit-elle, aucune institution n'a informé les entreprises publiques des graves anomalies constatées par les inspections de la Banque Algérie dans le fonctionnement d'El Khalifa Bank.
Des taux d'intérêts avantageux
L'avocate estime que la tutelle a une grande responsabilité, parce qu'elle assure le contrôle des caisses de la sécurité sociale. « Comment le ministère n'a-t-il pas remarqué les milliards de dinars qui sortaient du Trésor public pour être déposés à El Khalifa Bank ? Pourquoi n'a-t-il pas réagi ne serait-ce que pour attirer l'attention des responsables ? », se demande Me Chelouche. Selon elle, les dirigeants des caisses ont déposé leur excédent de trésorerie à El Khalifa Bank parce que celle-ci leur a proposé des taux d'intérêts très avantageux. L'intention des dirigeants, note-t-elle, était d'investir dans la réalisation de structures d'accueil pour les retraités. Elle rappelle que Meziani Abdelali était un simple comptable, bombardé en tant que président du conseil d'administration de la CNR, ce qui l'a poussé à solliciter à chaque fois l'aide du directeur général et du financier, qui sont les vrais gestionnaires. Elle rappelle qu'à l'époque tout le monde savait que le conseil d'administration était complètement marginalisé et la gestion était entre les mains du directeur général. L'avocate demande la relaxe pour son mandant, précisant qu'à titre préventif, elle souhaite le bénéfice de l'application des circonstances atténuantes. Me Chelgham Djamil, avocat de Belhachemi Khadoudja Saleha, directrice générale du Cneru d'Oran, poursuivie pour corruption et trafic d'influence, pour lesquels le procureur a demandé une peine de 2 ans de prison, s'est attaqué au réquisitoire du représentant du ministère public, le qualifiant de violation des droits « du fait que s'il était convaincu de l'accusation, il aurait demandé la peine maximale qui est de 5 ans ». Il déclare à propos de la commission de 1% que la directrice aurait perçue en contrepartie des placements de la société, qu'il s'agit « de commission folklorique, comme l'a qualifiée l'expert Hamid Foufa », précisant qu'elle ne peut être mise sur le compte de sa cliente et de ce fait, le tribunal, dit-il, devra accorder à celle-ci la relaxe. Me Chelgham revient aux propos tenus, la matinée même, par l'accusée. « Elle m'avait déclaré que lorsqu'elle a perdu son mari, elle pensait que ce qu'elle avait ressenti était l'extrême souffrance. Mais, elle a découvert pire. La souffrance due à la perte de sa dignité et de son honneur. Alors, restituez-lui sa dignité et son honneur perdus depuis le début de cette affaire », déclare Me Chelgham.
Smati Bahidj, l'accusé en larmes
Me Guettas Aïssa, plaidant pour Smati Bahidj Farid, ex-PDG de l'Enaorg, tente d'émouvoir le tribunal en abordant les qualités professionnelles et la situation sociale de son mandant. La présidente lui fait remarquer que celui-ci n'est pas présent dans la salle. Mais, elle se rend compte qu'il n'a fait que changer de place. Il voulait se mettre à l'abri des regards, pour laisser libre cours à ses larmes. « Il faut revenir en arrière pour comprendre ce qui s'est passé. Smati Bahidj a été installé à la tête de l'Enaorg, dans le but de préparer sa privatisation. Elle était en situation de déficit, il a réussi à la ramener, en trois ans, à celle d'excédent de trésorerie. Mais, il ne pouvait investir ces revenus. La seule issue pour ces excédents était de les placer dans les banques pour bénéficier du meilleur taux. Il fait une prospection, et c'est El Khalifa Bank qui lui fait les meilleures offres. Il a agi en bon gestionnaire d'une entreprise économique. » L'avocat relève que la carte de thalassothérapie n'a rien à voir avec ces dépôts, puisqu'il l'a eue en juillet 2002 et les placements ont été effectués entre janvier et avril de la même année. L'avocat se demande qui a mis le nom de Smati Bahidj sur la liste d'El Khalifa Bank, du fait qu'il était, bien avant, client du centre de Thalassothérapie, dépendant du même holding auquel appartient sa société. A ce moment précis, la présidente se crispe, puis fait mine de vouloir vomir. Elle perd presque l'équilibre, se ressaisit, puis se lève et quitte la salle devant les regards surpris de ses deux conseillers et des avocats. Les deux magistrats et les membres du jury la suivent et l'audience est suspendue 15 minutes, à l'issue desquelles, la présidente s'excuse et déclare : « Nous ne sommes que des humains », et de s'excuser aussi auprès de l'avocat qui faisait sa plaidoirie. Ce dernier note que la convention signée entre le centre de thalassothérapie et El Khalifa Bank mentionne la prise en charge des clients de la banque à hauteur de 120 000 DA, relatifs à un abonnement forfaitaire annuel de remise en forme. Il rappelle, néanmoins, que le directeur de l'agence d'El Harrach, Djamel Aziz, avait nié cette affirmation devant le tribunal. Selon lui, la facture faisant état de 29 bénéficiaires de ces cartes démontre une gestion anarchique du centre de thalassothérapie. « Cela démontre que le directeur général ne sait même pas qui entre et qui sort de son centre. De plus, si l'on se réfère à la convention, la gratuité des soins pour une année a été délivrée uniquement pour Aziz Djamel et son adjoint Signi et aux clients de Khalifa », déclare l'avocat avant de demander la relaxe pour son mandant. Me Messaoudène Saleha, plaidant également pour Smati Bahidj, n'a pas été avec le dos de la cuillère pour s'en prendre avec virulence au directeur général du centre de thalassothérapie qui, selon elle, a établi des factures de prestations même pour les gens qui n'ont aucune relation avec El Khalifa Bank. Elle exhibe la liste de 39 bénéficiaires portant la mention « confidentiel », en précisant qu'elle n'a absolument rien de confidentiel et s'interroge sur la crédibilité du responsable. « C'est de l'escroquerie pure et simple. Il a profité du sponsoring pour ajouter des noms de personnes sur la liste d'El Khalifa Bank et leur faire payer des prestations qu'il n'a pas effectuées. Il faut être vraiment débile pour accepter comme corruption une carte de thalassothérapie contre des milliards de dinars en placement. Si le juge d'instruction et la chambre d'accusation avaient fait convenablement leur travail, le tribunal n'aurait pas eu à juger 104 accusés et ne serait pas resté 48 jours à entendre ces derniers. Il aurait déjà tranché l'affaire », indique Me Messaoudène avant de demander la relaxe pour son mandant. Les avocats demandent à la présidente de lever l'audience, mais celle-ci leur affirme qu'elle est prête à la poursuivre pour en terminer avec les accusés poursuivis pour des délits. Finalement, c'est la défense qui aura gain de cause et l'audience a été levée vers 14h 30. Les plaidoiries reprennent aujourd'hui.


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