Abdelmoumène Rafik Khalifa, ex-patron du groupe Khalifa et principal accusé dans l'affaire Khalifa, a été condamné mardi à une peine de 18 ans de prison par le tribunal criminel de Blida. Le tribunal a également condamné l'accusé à une amende d'un million de dinars et la confiscation de tous ses biens. Le prévenu est poursuivi pour les chefs d'inculpation que sont notamment "association de malfaiteurs, abus de confiance, faux et usage de faux dans des documents administratifs et bancaires, corruption, et banqueroute frauduleuse". Des chefs d'accusation ayant conduit le même tribunal à prononcer, lors du premier procès qui s'était déroulé en son absence en 2007, une peine par contumace d'emprisonnement à perpétuité. Lors du procès en cours, entamé le 4 mai dernier, le procureur général, Mohamed Zerg Erras avait requis la même peine, en même temps que la confiscation de tous les biens de l'ex-richissime homme d'affaires.
Des milliards de DA partis en fumée L'audition de l'ensemble des accusés avait permis de lever le voile sur certaines facettes liées à la "banqueroute du siècle", dont le dépôt par de nombreuses entreprises publiques de fonds considérables auprès de Khalifa Bank sans qu'ils ne soient restitués pour la plupart. Les placements ont été consentis en raison du taux particulièrement attractif proposé par la banque dissoute, avaient soutenu les dépositaires. C'est le cas notamment de la Caisse nationale des retraités (CNR) qui n'a pu récupérer que 8 milliards de dinars des 12 milliards de DA placés à l'ex-Khalifa Bank, avait révélé l'un des témoins. De même que le placement de la Caisse nationale d'assurance chômage (CNAC) d'une valeur de 1,8 milliard de DA et celui du Fonds de garantie des micro-crédits estimé entre 500 et 600 millions de DA pour celui du Fonds, récupérés qu'en partie. Des responsables et cadres des Offices de promotion et gestion immobilières (OPGI) s'étaient également expliqués sur des dépôts considérables et ayant connu le même sort que ceux suscités. L'on saura, par ailleurs, lors du passage du liquidateur judiciaire de la Banque, Moncef Badsi, qu'"un drame national" se serait produit si le groupe Sonatrach y avait procédé au dépôt de 400 milliards de dinars. Des dizaines de témoins entendus dans le cadre de ce procès, certains d'entre eux étaient particulièrement attendus en raison de la responsabilité qu'ils occupaient (ou continuant d'occuper pour certains). C'est le cas, entre autres, du Gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, qui a affirmé que l'ex-Khalifa Bank avait atteint le niveau d'"indisponibilité de fonds", synonyme d'une "cessation de payement" en 2003 et ayant entraîné une suspension de son agrément par la Banque d'Algérie. "Les crédits non déclarés, l'inexistence d'une commission d'octroi de crédits et l'absence de dossiers justifiant ces crédits" ont causé le déséquilibre financier qu'a connu Khalifa Bank, à l'origine de sa faillite, a révélé l'ex-administrateur de cette banque et ancien ministre des Finances, Mohamed Djellab. L'ex-Président-directeur général (Pdg) du groupe Saidal, Ali Aoun, a soutenu, quant à lui, qu'il était l'un des trois gestionnaires sur 25 du groupe pharmaceutique ayant "refusé" de faire des dépôts d'argent au niveau de ladite banque et qu'un montant de 59,6 millions de DA a été récupéré, grâce à une technique de gestion qu'il avait lui-même initiée, appelée "transfert de créances". De son côté, l'ancien ministre du Travail, Aboudjerra Soltani, a assuré qu'il "n'avait pas été informé" du dépôt de 1000 milliards de centimes, en 2001, des fonds de la Caisse nationale des Assurances sociales (CNAS) auprès de la défunte Khalifa Bank.
Un préjudice énorme Les témoignages des anciens ministres des Finances, Mourad Medelci et Mohamed Terbache, de l'ex-directeur général du Trésor, Karim Djoudi et du Secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, ont été lus par le juge Antar Menouar. Dans son témoignage, M. Medelci avait déclaré qu'il n'avait "aucune relation" avec les banques et leur contrôle après la promulgation de la nouvelle loi sur la monnaie et le crédit. "Les rapports élaborés par la Banque d'Algérie contenaient des généralités, manquaient de précisions et étaient entachés de failles, car élaborés par des agents en manque de qualifications nécessaires", avait relevé, pour sa part, M. Terbache.