Hillary Clinton, empêtrée dans l'affaire de ses mails depuis mars, a longtemps dénoncé un tapage artificiel. Mais face à la lente érosion de sa cote, la candidate démocrate à la Maison Blanche reconnaît qu'il lui faut désormais humblement s'expliquer. "Je suis contente que vous me posiez la question, Andrea, car c'est une question que les gens se posent", a répondu Hillary Clinton à la journaliste de MSNBC à qui elle a accordé une rare interview, diffusée vendredi. C'est seulement la troisième à une chaîne de télévision nationale depuis le début de sa campagne, en avril, et très peu par rapport à ses rivaux. Son entourage promet que d'autres entretiens suivront. Hillary Clinton sait que les journalistes qui la suivent dans son déplacement à Porto Rico ce vendredi, ne veulent pas lui parler en priorité de ses propositions détaillées sur l'économie, l'Amérique rurale ou le changement climatique. Son serveur privé de messagerie électronique, utilisé en lieu et place d'une adresse officielle lorsqu'elle était chef de la diplomatie américaine entre 2009 et 2013, domine entièrement l'actualité Clinton. Le département d'Etat, à qui Hillary Clinton a redonné plus de 30.000 messages fin 2014, a mis en ligne des milliers d'entre eux dans un but de transparence, mais beaucoup contiennent des informations qui ont été classifiées a posteriori, soulevant des questions sur les mesures de sécurité informatique prises par Mme Clinton pour protéger son serveur et ses communications des pirates. "Ce n'était pas le meilleur choix", a-t-elle répété vendredi. Mais "c'était autorisé et complètement connu. Les gens de l'administration savaient que j'utilisais un compte personnel. Mais il aurait été mieux que j'aie deux comptes séparés dès le départ".
- Nouvelle étape - Le FBI enquête et examine le serveur, qu'elle a fini par remettre après avoir refusé pendant des mois, afin de déterminer si l'arrangement a nui à la sécurité d'informations gouvernementales confidentielles ou secrètes. Trois commissions au Congrès, contrôlées par les républicains, mènent des enquêtes agressives et appellent les collaborateurs d'Hillary Clinton à s'expliquer, dont son conseiller Jake Sullivan vendredi et sa plus proche conseillère Cheryl Mills jeudi. Hillary Clinton elle-même participera à une audition publique à la Chambre des représentants, devant la commission d'enquête sur les attaques de 2012 à Benghazi en Libye, le 22 octobre. La commission est dénoncée par les démocrates comme un outil de propagande anti-Clinton et elle a d'ailleurs élargi son enquête à la messagerie électronique de l'ex-chef de la diplomatie. L'audition aura lieu neuf jours après le premier débat télévisé des primaires démocrates, le 13 octobre. En mars, à l'éclatement de l'affaire, Hillary Clinton avait balayé tout risque de piratage et assuré qu'aucune information classifiée n'avait été échangée. Le ton a changé. Elle reconnaît que les questions sont légitimes. Vendredi, sans présenter ses excuses sur le fond, elle a souligné qu'elle était "désolée que ce soit confus pour les gens". "Mais il existe des réponses à toutes ces questions, et je continuerai à donner ces réponses", a-t-elle dit, en martelant qu'elle n'avait rien fait d'illégal --bien que le gouvernement américain à l'époque recommandât d'éviter les comptes personnels. Politiquement, le signal d'alarme a été tiré dans le New Hampshire, où sa cote s'est effondrée face au sénateur septuagénaire Bernie Sanders, qui fait désormais jeu égal avec elle. L'Etat a une place à part dans les primaires américaines: il votera en deuxième dans le cycle, et une victoire y est considérée comme le signe d'une dynamique gagnante. Le danger devient aussi pressant du côté du vice-président Joe Biden, 72 ans, qui flirte de plus en plus avec une candidature. Il a déclaré jeudi qu'il "n'hésiterait pas" à se présenter si sa famille et lui-même concluaient qu'ils avaient assez "d'énergie psychologique" pour le faire. Hillary Clinton avait été la première candidate importante, en août, à diffuser des publicités électorales en Iowa et dans le New Hampshire. A cinq mois du début des primaires, son entourage a indiqué à CNN jeudi que des millions supplémentaires seraient dépensés en septembre et octobre. Alors qu'elle s'apprête aussi à lancer une nouvelle offensive focalisée sur les femmes, craint-elle que les primaires lui échappent, comme en 2008 ? "Eh bien, ce n'est pas quelque chose que je ressens", a-t-elle répondu vendredi.