Un an après avoir brusquement augmenté ses taux pour enrayer l'effondrement du rouble, la Banque centrale de Russie a dû vendredi repousser le retour à une politique monétaire plus propice à l'activité économique, coincée en premier lieu par la dégringolade des cours du pétrole. Douchant les espoirs du gouvernement et des milieux économiques étranglés par le coût exorbitant du crédit, la Banque de Russie a maintenu son taux directeur à 11% pour la troisième fois de suite. Dans le communiqué diffusé à l'issue de sa réunion régulière de politique monétaire, l'institution a dû se contenter de promettre une baisse de taux lors de "l'une de ses prochaines réunions" et encore, "à condition que les risques inflationnistes diminuent". Il y a encore quelques jours, nombre d'analystes pariaient sur un abaissement qui aurait permis de tourner la page du cauchemar vécu par la Russie mi-décembre 2014. La banque centrale avait alors porté en pleine nuit son taux directeur de 10,5% à 17% pour mettre fin à la pire chute de sa monnaie depuis 15 ans, conséquence de l'effondrement du marché du pétrole et des sanctions en lien avec la crise ukrainienne. Mais plusieurs voyants sont passés au rouge ces derniers jours. Le rouble se trouve de nouveau sous pression alors que les cours du pétrole, source de revenus considérables pour le pays, sont plongés à leur plus bas niveau en sept ans et que la perspective d'une hausse des taux, à haut risque pour les marchés émergents, se précise enfin aux Etats-Unis. La monnaie russe a encore frôlé vendredi le seuil des 70 roubles pour un dollar, plus franchi depuis août, ce qui pourrait soutenir les prix. Et ces derniers risquent d'être désormais soutenus par l'embargo imposé sur certains produits alimentaires de Turquie après la destruction d'un bombardier russe par l'aviation turque, ainsi qu'une nouvelle taxe sur les transporteurs routiers. Lors d'une conférence de presse, la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina, a relativisé, estimant que l'impact de ces facteurs devrait rester très faible et que l'inflation devrait décélérer fortement début 2016. "Le taux annuel d'inflation diminue, mais plus lentement que nous le pensions, avant tout sous l'influence de l'évolution du taux de changes et des attentes d'inflation", a-t-elle reconnu. Elle a estimé que ce taux devrait être "proche de 13%" sur l'année, alors que la prévision du gouvernement est de 12,2%, contre 14,8% au 7 décembre.
Récession en 2016 ? "Clairement, les pouvoirs publics attendent des signes plus fermes de ralentissement de l'inflation", ont commenté les analystes du cabinet Capital Economics. "Nous pensons que l'inflation va baisser de manière substantielle au premier trimestre et qu'une baisse des taux est possible en janvier". Si la banque centrale est sous forte pression pour baisser ses taux, c'est que la situation économique reste difficile. Le choc monétaire s'est traduit par une profonde récession et si l'activité semble montrer depuis l'été des signes de stabilisation, la consommation des ménages reste en berne. Selon Mme Nabioullina, le produit intérieur brut devrait se contracter de 3,7%-3,9% cette année et reculer de nouveau de 0,5%-1% l'an prochaine, alors que le gouvernement espère une reprise. Pour l'année prochaine, le scénario actuel repose sur un baril de pétrole à 50 dollars, contre moins de 40 dollars vendredi sur les marchés. Dans le cas d'un baril à 40 dollars toute l'année prochaine, la contraction du PIB pourrait dépasser 2%, a averti la présidente de la banque centrale. La rechute récente du marché pétrolier donne des maux de tête aux autorités russes. Elles ont déjà prévenu que de nouvelles mesures d'économies seraient nécessaires pour maintenir le déficit sous les 3% du PIB, comme l'a exigé le président russe Vladimir Poutine au nom de "l'indépendance financière" du pays. "La durée de la baisse des cours du pétrole constitue le principal risque pesant sur de futures baisses de taux", a estimé Oleg Kouzmine, économiste de Renaissance Capital. En cas de baril à 40 dollars sur l'ensemble de 2016, le taux ne pourrait pas être baissé sous 9,5% selon lui. Il était de 5,5% avant la crise ukrainienne.