Les cours du pétrole étaient orientés à la hausse hier matin en raison de la crise entre Ryad et Téhéran, mais ce rebond devrait être modéré en raison de l'excès d'offre mondiale et des carences de l'économie chinoise. La brouille entre l'Arabie saoudite et l'Iran au sujet de l'exécution d'un dignitaire chiite est devenue une crise diplomatique majeure, Ryad et ses alliés sunnites ayant rompu ou réduit leurs relations avec Téhéran. Les Etats-Unis, alliés des Saoudiens mais qui se sont aussi rapprochés des Iraniens depuis l'accord sur le nucléaire conclu en juillet, ont demandé des mesures positives pour calmer les tensions. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'est entretenu avec ses homologues iranien et saoudien. L'Arabie saoudite est le premier producteur de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont l'Iran est également un important membre. Certains investisseurs s'inquiètent de ce que les tensions bilatérales perturbent l'offre de brut. Le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en février progressait mardi matin de 25 cents à 37,01 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne du brut, également pour livraison en février, gagnait 24 cents à 37,46 dollars. Mais, selon les analystes, l'effet de ces tensions géopolitiques est amorti par le contexte global d'une offre surabondante qui a fait dégringoler les prix depuis juin 2014, époque où l'or noir se vendait à 100 dollars le baril. Les importantes réserves mondiales et le niveau élevé de la production signifient que les risques géopolitiques au Proche-Orient n'ont plus un impact aussi important qu'avant sur les cours, explique dans un commentaire de marché le cabinet Capital Economics. D'autres analystes observent que les inquiétudes quant à la santé de l'économie chinoise, après des indicateurs moroses, contribuent également à freiner la hausse des prix du brut car elles alimentent les craintes d'une faible demande en pétrole de la seconde économie de la planète. La veille, les cours du pétrole ont fini en baisse à New York, l'inquiétude suscitée par le regain de tensions entre l'Arabie Saoudite et l'Iran ne suffisant pas à compenser la déprime provoquée par les excédents mondiaux de production. Le cours du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en février a perdu 28 cents à 36,76 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison à même échéance a perdu juste 6 cents à 37,22 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). En début de séance, "les marché du pétrole ont été soutenus par la hausse des tensions entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, après que l'Arabie saoudite a exécuté un dignitaire chiite influent samedi sous l'accusation de terrorisme, déclenchant des manifestations puis une rupture des relations diplomatiques", a expliqué Tim Evans, chez Citi. "L'inquiétude c'est que les tensions anciennes pourraient se réveiller jusqu'à déboucher sur une forme de confrontation militaire directe, menaçant la production et le transport de pétrole dans la région", a-t-il expliqué. "D'un autre côté, on peut dire que les tensions rendent encore un peu plus difficile la possibilité d'un accord à l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) pour réduire volontairement l'offre" et soutenir les cours, a ajouté M. Evans. L'Iran et l'Arabie saoudite font tous les deux partie de ce cartel. Pour John Kilduff, chez Again Capital, "les excédents du marché représentent une force immuable, et rien d'autre qu'une guerre pourrait y mettre fin". "Il faut que moins de pétrole arrive sur le marché, quels que soient les moyens d'y parvenir, et soit ils réduisent leur production volontairement, soit quelqu'un le fait pour eux non volontairement" via un conflit, a ajouté M. Kilduff. La plupart des analystes doutaient qu'un rebond des cours du brut soit justifié pour l'heure, dans la mesure où la production du Golfe, qui compte pour près de 30% de l'offre mondiale de pétrole, n'était pas menacée dans l'immédiat. "De faibles liquidités au démarrage de la nouvelle année ont probablement exacerbé la réaction des marchés pétroliers à (cette) dispute politique qui est peu susceptible de perturber la production", commentait Jasper Lawler, analyste chez CMC Markets. Par ailleurs, le marché est également en proie à des inquiétudes pour la demande, après l'annonce d'une nouvelle contraction de l'activité manufacturière en décembre en Chine, premier importateur mondial de pétrole. Cette statistique a entraîné une dégringolade des Bourses chinoises, qui ont fini par être arrêtées prématurément, et plombé ensuite les marchés d'actions européens et américains. Enfin, le marché s'inquiète de voir le terminal de Cushing (Oklahoma, sud des Etats-Unis), qui sert de référence au WTI, se remplir toujours plus. Après que le Mississippi est sorti de son lit à la suite des intempéries de la fin décembre, "il y a 215 000 barils par jour de brut bloqués à Cushing, dans l'impossibilité d'être transportés dans le sud de l'Illinois (nord)", a expliqué Matt Smith, chez ClipperData.