Les cours du pétrole ont un peu ralenti leur chute jeudi à New York, mais ont quand même enfoncé un nouveau plancher pour se retrouver au plus bas depuis 2004, lestés par la tourmente financière et la persistance des excédents. Le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en février a perdu 70 cents à 33,27 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), enfonçant le plus bas niveau atteint durant la récession de 2008. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison à même échéance a fini en baisse de 48 cents à 33,75 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Il avait dégringolé jusqu'à 32,16 dollars vers 07h40 GMT, son niveau le plus bas depuis avril 2004. En début d'échanges européens, les prix du brut ont sombré à leur plus bas niveau depuis décembre 2003 (à 32,10 dollars pour le WTI) après que la chute de 7% des marchés d'actions en Chine a déclenché une vague d'aversion au risque, les investisseurs dans le monde étant de plus en plus inquiets, a souligné Tim Evans, chez Citi. Mais au cours de la journée, et surtout après que les autorités chinoises ont annoncé renoncer à interrompre les échanges boursiers en cas de chute de 7%, le marché a pu se reprendre grâce à une chasse aux bonnes affaires, ce qui suggère qu'il est suffisamment bradé pour commencer un mouvement de consolidation, a ajouté M. Evans. Pour autant John Kilduff, chez Again Capital, s'est refusé à parier sur un rebond. Nous resterons probablement prudents, s'il y a un rebond il sera forcément modeste, a-t-il dit, appréhendant l'ampleur de la chute des marchés chinois quand ils rouvriront vendredi. Le marché semble espérer que ce ne sera pas un bain de sang, qu'il faut juste avaler une mauvaise pilule et en finir, a-t-il dit. Pour autant le marché est foncièrement fragile, a souligné M. Evans. Côté offre, plusieurs analystes estiment que l'escalade des tensions entre l'Arabie saoudite et l'Iran, même si elle a brièvement fait craindre pour l'approvisionnement de brut, pèse sur les cours car elle risque de compromettre davantage les chances de voir les pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) s'accorder pour réduire leur production. En plus de cela, on a l'idée que l'Iran va revenir sur le marché mondial, une fois levées les sanctions économiques occidentales, et hier (mercredi) on a vu que la production américaine avait encore augmenté, a énuméré Gene McGillian, chez Tradition Energy. Côté demande, une succession de mauvais indicateurs chinois, la déroute boursière de ce pays, et mercredi les statistiques du ministère américain de l'Energie montrant une énorme augmentation des stocks de produits raffinés ne laissent espérer aucune résorption à court terme des excédents. A plus long terme, il est probable que la chute l'emporte. Les investisseurs cherchent à se protéger et anticipent un baril qui puisse éventuellement dégringoler autour de 32,50 dollars, a estimé Christopher Dembik, chez Saxo Banque, estimant qu'il était encore trop tôt pour espérer une inversion de la courbe des prix. Plusieurs analystes ont également considéré que les mouvements des cours sur les marchés pétroliers étaient accentués par des paris spéculatifs. En Asie, les cours du pétrole reculaient, frôlant dangereusement les 33 dollars le baril, plombés par l'affaiblissement du yuan et l'augmentation des stocks américains. Le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en février cédait 60 cents, à 33,37 dollars. Le baril de Brent, référence européenne du brut, perdait 62 cents, à 33,61 dollars, dans les échanges électroniques en Asie.
Baisse forte et inattendue des stocks americains Contrairement aux attentes, les stocks de pétrole brut sont nettement repartis à la baisse la semaine dernière aux Etats-Unis, selon des chiffres publiés mercredi par le département américain de l'Energie (DoE). Lors de la semaine achevée le 1er janvier, les réserves commerciales de brut ont baissé de 5,1 millions de barils pour atteindre 482,3 millions de barils, alors que les experts interrogés par l'agence Bloomberg avaient tablé sur une hausse de 500 000 barils. En revanche, la fédération professionnelle American Petroleum Institute (API), dans ses propres estimations publiées mardi soir, avait laissé attendre un reflux des stocks encore plus marqué durant la semaine du Nouvel An, qu'elle chiffrait à 5,6 millions de baril. C'est le deuxième fort reflux des stocks de brut en trois semaines. Lors de la semaine du 18 décembre, ils avaient reculé de 5,9 millions de barils, avant de regagner 2,6 millions la semaine de Noël. Les réserves de brut restent "proches de niveaux pas vus à cette période de l'année depuis au moins 80 ans", comme l'a encore une fois souligné le DoE. Elles enregistrent une progression de 26,1% par rapport à la même période de l'an dernier. Les réserves d'essence ont de leur côté bondi de 10,6 millions de barils, bien plus que ne le prévoyaient les experts de Bloomberg (+1,8 million) et l'API (+7,1 millions). Malgré cette avancée hebdomadaire, elles baissent de 2,2% par rapport à il y a un an. Elles repassent toutefois dans la partie supérieure de la fourchette moyenne en cette époque de l'année. Les stocks de produits distillés (diesel, fioul de chauffage, kérosène, etc.) ont enregistré quant à eux une hausse de 6,3 millions de barils, également bien plus forte qu'attendu par les experts de Bloomberg (+2 millions) et l'API (+5,6 millions). Ils progressent de 16,4% par rapport à la même époque de l'hiver dernier et sont proches de la moitié supérieure de la fourchette moyenne pour cette période de l'année.
Cushing toujours plus plein Très surveillée par les analystes, la production américaine a encore un peu progressé, à hauteur de 17 000 barils par jour (bj), à 9,219 millions de bj. Malgré la baisse générale des stocks américains de brut, les réserves du terminal pétrolier de Cushing (Oklahoma, sud), également suivies de près par les courtiers car elles servent de référence au pétrole échangé à New York, ont augmenté de 900 000 de barils, à 63,9 millions, un peu moins toutefois que ne l'avait prévu l'API (+1,4 million). Les inondations du Mississippi et l'engorgement de ses affluents a entravé le fonctionnement d'oléoducs, gardant du brut stocké dans le terminal, a expliqué Matt Smith, chez ClipperData. Toutes catégories confondues, les stocks pétroliers américains ont progressé de 7,3 millions de barils. Du côté de la demande, sur les quatre dernières semaines, les Etats-Unis ont consommé en moyenne 19,7 mbj de produits pétroliers, soit 2,5% de moins que l'année précédente. Durant la même période, la demande de produits distillés, liée notamment aux besoins en chauffage, a reculé de 9,3%, alors que les températures ont été anormalement douces en décembre, et celle d'essence a baissé de 3,6%, dans les deux cas sur un an. Les raffineries américaines ont légèrement ralenti la cadence, fonctionnant à 92,5% de leurs capacités contre 92,6% la semaine précédente.