L'hostilité croissante de la Turquie envers les Kurdes syriens, alliés les plus efficaces des Etats-Unis dans la lutte contre Daech, est le principal obstacle au règlement politique en Syrie et au succès de la campagne contre Daech, constate le Wall Street Journal (WSJ) se référant à des fonctionnaires américains. S elon le WSJ, la Turquie ne cesse de répéter aux autorités américaines que les Kurdes syriens transf èrent les armes livrées par les Etats-Unis aux combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les Américains, pour leur part, disent ne pas avoir trouvé de preuves confirmant que les armes livrées aux Kurdes syriens étaient ensuite retourn ées contre la Turquie. Ankara prétend disposer de renseignements témoignant que les Kurdes de Kobané pratiquent le trafic des armes américaines larguées en 2014 par les avions de l'US Air Force afin d'aider les Kurdes syriens dans leur lutte contre l'Etat islamique.Cette controverse a été également examinée lors d'une visite en Turquie du vice-président américain Joe Biden. Ankara a laissé entendre que les livraisons illégales et le transfert d'armes au PKK étaient inadmissibles. "Si les livraisons ne sont pas arrêtées, ils sont prêts à bombarder les Kurdes syriens", déclarent certains fonctionnaires turcs cités par le quotidien. Les contradictions entre la Turquie et les Etats-Unis se sont exacerbées après l'arrivée d'un groupe d'instructeurs d'élite américains en vue d'entra îner des détachements des Kurdes syriens. Le WSJ signale que le président turc Recep Tayyip Erdogan a vivement condamné la visite de Kobané par l'envoyé spécial du président américain dans la coalition internationale anti- EI Brett MacGurk il y a deux semaines."Comment pouvons- nous vous faire confiance? Qui est votre partenaire? Moi ou les terroristes de Kobané?", a déclaré le pré- sident turc ayant exigé que les Américains fassent leur choix. INGERENCE DE LA TURQUIE ET L'ARABIE SAOUDITE Alors que la Turquie et l'Arabie saoudite se disent prêtes à déployer leurs troupes sur le sol syrien, une invasion indirecte a déjà eu lieu depuis longtemps, estime le politologue Yuri Pochta dans un entretien accordé à Sputnik. "C'est que l'invasion, malgré indirecte, a déjà eu lieu. La Turquie et l'Arabie saoudite œuvrent via les groupes rebelles hostiles au gouvernement syrien", explique le politologue. "Ces mercenaires sont pourtant devenus moins actifs depuis que la Russie a entamé sa campagne aérienne. Dès lors, les terroristes reculent dans plusieurs régions". L'Armée arabe syrienne, appuyée par les avions russes et par les forces du mouvement chiite libanais Hezbollah, est parvenue ces derniers mois à inverser le cours de la guerre et à passer elle-même à l'offensive. Cette année, les forces gouvernementales syriennes ont enregistr é de grandes victoires dans la province de Lattaquié mais pas que, alors que les combattants de Daech ont battu en retraite dans plusieurs régions. Et la Turquie avec l'Arabie saoudite ont épaulé ces derniers. A l'heure qu'il est, Ankara et Riyad ont apparemment "décidé de sauver la situation en lançant une opération terrestre directe en Syrie et de renverser le président Bachar el-Assad", fait remarquer M. Pochta. La preuve est apparue cette semaine. Jeudi, le ministère russe de la Défense a pointé les signes indiquant que les forces armées turques se préparaient, activement mais clandestinement, à une opération militaire en Syrie. Ce même jour, l'Arabie saoudite a exprimé son intention d'envoyer ses troupes en Syrie sous prétexte de lutter contre Daech.Pour autant, si les deux pays se décident à déployer leurs forces militaires sur le territoire syrien, ils ne feront que compliquer davantage la situation sur ce théâtre déjà submergé d'actions militaires, met en garde l'interlocuteur de Sputnik. De nombreux experts ont déjà pointé le fait que la résolution du conflit syrien se révèle un processus long et dur en raison du grand nombre des parties prenantes. Mais la Turquie, l'Arabie saoudite, contre qui elles vont lutter?, s'interroge l'analyste. "Cette initiative ne tournera-t-elle pas en une vraie guerre où seront engagées l'Arabie saoudite, la Turquie et la Syrie? Et ensuite, il y a la Russie… Et la Turquie est un membre de l'Otan. La situation est également aggravée par des centaines de groupes rebelles impliqu és. La Syrie est en passe de devenir une +zone grise+. Les acteurs locaux, régionaux et mondiaux poursuivent tous leurs propres buts. La majorité d'entre eux rêvent de détruire la société et l'Etat syriens. C'est tragique", résume M. Pochta. CATASTROPHE POUR LE PROCHE-ORIENT L'éventuel envoi de troupes terrestres saoudiennes en Syrie enfoncera davantage le Proche-Orient dans le chaos car il est clair que l'objectif de cette intervention n'a rien à voir avec la lutte contre l'organisation terroriste Daech. L'intention de l'Arabie saoudite de s'ingérer dans le conflit syrien a provoqué un choc chez toutes les parties intéress ées par le règlement dans ce pays proche-oriental et a poussé les Etats-Unis de se poser des questions sur leur soutien à Riyad, écrit le quotidien allemand Die Welt. Washington a déclaré qu'il était prêt à soutenir tous ses alliés dans la lutte contre Daech, mais a refusé de commenter les intentions des Saoudiens. L'Occident se rend parfaitement compte du fait que toute ingérence de l'Arabie saoudite dans le conflit ne fera que compliquer la situation en Syrie, souligne l'auteur de l'article. L'envoi de troupes terrestres sans le feu vert de Damas constituera une violation du droit international. Or, il est clair que personne n'octroiera ce droit à l'Arabie saoudite, indique l'édition. La monarchie du Golf étant l'une des principales sources de financement et de livraisons d'armes aux rebelles islamistes, elle est le principal "auteur" du conflit syrien. En outre, la Russie et l'Iran, pays qui prennent une part active au règlement du conflit, n'accepteront jamais la présence du contingent saoudien sur le sol syrien. Pour l'Iran chiite, les monarques saoudiens, qui ont tâché pendant des décennies de propager dans le Proche-Orient une idéologie sunnite radicale, sont l'incarnation du mal par excellence. En outre, les succ ès enregistrés par l'armée syrienne régulière dans la lutte contre les extrémistes sont extrêmement importants pour Moscou et Damas. Quant à l'ingérence de Riyad, elle risque de réduire à néant tous les efforts conjoints, souligne l'auteur de l'article. Damas ne croira jamais que Riyad souhaite dépêcher ses troupes en Syrie pour combattre les terroristes de Daech. D'ailleurs, même la communauté internationale a de forts doutes à ce sujet. Le scénario le plus probable est que la monarchie soutiendra les insurgés, enfon- çant davantage la région dans le chaos, conclut l'édition. Le ministère saoudien de la Défense a déclaré jeudi dernier qu'il était prêt à déployer des troupes terrestres en Syrie pour combattre le groupe terroriste Etat islamique. Bahreïn s'est aussi dit prêt samedi à envoyer un contingent terrestre en Syrie dans le cadre de l'opération que la coalition internationale dirigée par Washington mène contre le groupe terroriste Daech en Syrie. Le ministre syrien Walid Mouallem a annoncé samedi que tout lancement d'une opération terrestre en Syrie sans le feu vert de Damas serait un "acte d'agression".