Deutsche Bank, première banque allemande laminée en Bourse, s'est démenée mardi pour tenter de rassurer les investisseurs sur sa solidité financière et sa capacité à payer ses dettes, le patron lui-même montant au front, sans vraiment convaincre. "Deutsche Bank reste solide comme un roc, au vu de notre situation de capital et de risque", a martelé John Cryan, le Britannique aux commandes depuis l'été dernier, dans une lettre adressée aux employés, rendue publique par la banque. Des mots forts mais impuissants à enrayer la dégringolade du titre, qui perdait 2,32 % à 13,50 euros à 15H10 GMT à la Bourse de Francfort, amenant à près de 12% son repli en moins de deux jours, et à plus de 40% depuis début janvier. Pourtant, dans un exercice de communication plutôt inhabituel, la banque avait déjà tenté d'apaiser les investisseurs lundi soir, en "(profitant) de cette force pour rassurer le marché sur notre capacité et notre engagement à payer des obligations aux investisseurs", a rappelé M. Cryan. Dans un bref communiqué boursier, la banque a indiqué que sa "capacité de remboursement" sur un certain type de dette était "d'environ un milliard d'euros" cette année. Soit amplement de quoi couvrir un remboursement d'obligations de 350 millions d'euros à échéance du 30 avril prochain.
Défiance maximale Sur le marché, des inquiétudes avaient été relayées sur le remboursement de cette sorte de dette appelée AT1, émise par Deutsche Bank et d'autres pour gonfler leurs réserves de liquidités mais à des taux d'intérêts relativement élevés. Les craintes autour des titres AT1 avaient fait plonger l'action Deutsche Bank lundi. Selon ses prévisions, en 2017 Deutsche Bank sera même en mesure de rembourser 4,3 milliards d'euros d'AT1, aidée par des gains de cession et des réserves, "à même de compenser de potentielles pertes pouvant survenir à l'avenir". Ces assurances ont temporairement tiré l'action vers le haut dans la matinée mardi, mais le répit a été de courte durée. La défiance est maximale à l'égard de l'établissement, autrefois étendard du secteur financier allemand, devenu en quelques années son mouton noir, embourbée dans pas moins de 6 000 litiges juridiques et qui vient de publier une perte de près de 7 milliards d'euros pour 2015. "Le marché s'inquiète de savoir si nos provisions pour risques juridiques suffisent", a reconnu M. Cryan mardi, "mais pas moi". "Nous allons certainement devoir passer d'autres provisions mais nos prévisions financières en tiennent compte".
Moins que Nivea Sous la houlette du Britannique, arrivé aux manettes l'an dernier, Deutsche Bank, qui emploie plus de 100 000 personnes dans le monde, veut repartir de l'avant, avec un changement profond d'organisation et de culture. Mais les investisseurs s'inquiètent d'une rentabilité qui laisse à désirer, et surtout d'une assise en capital jugée trop faible, à l'époque où les régulateurs forcent les banques à amasser de plus en plus de capital pour couvrir leurs risques. Du coup Deutsche Bank est coincée entre la peste et le choléra, analyse James Chapell, de Berenberg. Soit alléger son bilan, une tâche titanesque dans un environnement de panique sur les marchés financiers, soit augmenter son capital, véritable repoussoir pour les investisseurs. Et ce alors que "l'activité est en déclin structurel", rappelle l'analyste. M. Cryan a beau jurer que la banque n'a pas besoin de faire appel aux marchés pour renflouer ses coffres, "les investisseurs devraient rester soucieux d'une possible augmentation de capital, que nous n'attendons pas mais qui ne peut pas être exclue non plus", jugeait Philipp Hässler de la banque Equinet. Deutsche Bank a dorénavant une capitalisation boursière inférieure à celle de Beiersdorf, le fabricant de la crème Nivea qui fait cinq fois moins de chiffre d'affaires. Et la faiblesse du cours commence même à alimenter dans la presse allemande de premières spéculations de rachats.