Le Japon a encore vu son activité se contracter au quatrième trimestre, concluant une année 2015 de faible croissance (+0,4%), reflet de la fragilité de la reprise dans la troisième économie du monde avant même les remous actuels sur les marchés. Au cours des mois d'octobre à décembre, le produit intérieur brut (PIB) a diminué de 0,4% par rapport à celui de juillet-septembre, sous le coup d'une consommation des ménages atone, selon les chiffres préliminaires annoncés par le gouvernement. Ces statistiques sont proches des prévisions des analystes interrogés par le groupe d'information économique Nikkei qui s'attendaient en moyenne à un repli de 0,3% sur la période passée en revue. Depuis une hausse de la TVA en avril 2014, le Japon alterne trimestres de modeste expansion et de contraction, malgré l'ambitieuse stratégie "abenomics" lancée fin 2012 par le Premier ministre Shinzo Abe autour de trois "flèches" (relance budgétaire, assouplissement monétaire et réformes structurelles). Ces derniers mois, le pays a en outre été confronté aux turbulences sur les marchés et à l'impact du ralentissement chinois, qui pèse sur les échanges exté- rieurs nippons. Si elle s'est envolée de plus de 7% lundi, la Bourse de Tokyo avait chuté de 11% la semaine derni ère, tandis que le yen grimpait fortement face au dollar, un mouvement qui risque de pénaliser durement les entreprises japonaises et porter un coup fatal aux "abenomics", préviennent des économistes. Dans ces conditions, la banque centrale du Japon (BoJ) a décidé fin janvier d'ajouter un nouvel outil à sa panoplie en adoptant les taux d'intérêt négatifs, mais cette mesure n'a pas eu l'effet escompté et certains prédisent déjà une nouvelle action lors de sa prochaine réunion à la mi-mars. REBOND EPHEMÈRE EN VUE Trois ans après le coup d'envoi des "abenomics", la déflation reste ancrée dans la mentalité japonaise: les compagnies demeurent réticentes à investir et augmenter les salaires, et la consommation des ménages ne parvient pas à décoller. Elle a encore décliné au dernier trimestre 2015, plombant le PIB. Les membres de l'exécutif ont répété lundi que "les fondements de l'économie étaient solides", mais "au vu de ces données, il est difficile d'affirmer que le gouvernement Abe a atteint son objectif d'un cercle vertueux de profits, salaires, demande en hausse", estime Tobias Harris, analyste chez Teneo Intelligence. Sur l'ensemble de l'année, le Japon a affiché une croissance de 0,4%, sauvée par les premier (+1%) et troisième trimestres (+0,3%), après une croissance nulle en 2014 et de 1,4% en 2013. Quelles perspectives pour 2016 ? Taro Saito, économiste à l'institut de recherche NLI, ne croit pas en une récession, mais "il est difficile de faire des pronostics du fait d'un environnement mondial incertain". Il ne prévoit pas non plus de reprise rapide. "La demande intérieure devrait se renforcer en seconde partie d'année en amont d'une nouvelle hausse de taxe" au printemps 2017, souligne Capital Economics dans une note, prédisant une nouvelle ruée dans les magasins à l'image de ce qui s'était passé fin 2013- début 2014. Cependant, cette embellie "ne devrait être que de courte durée, et l'activité va probablement s'effondrer" juste après le passage de la TVA de 8% à 10%. "La Banque du Japon a encore du pain sur la planche", lance-t-il. Quant à M. Abe, il pourrait selon certains analystes être poussé à renoncer à ce relèvement fiscal, malgré le ferme engagement pris auprès des institutions internationales et agences de notation financière qui s'inquiètent régulièrement du niveau exorbitant de la dette nippone (près de 250% du PIB). "Ce n'est pas gravé dans le marbre. Avec ce qui se passe sur les marchés, la tentation est grande de reporter cette mesure", juge Nicholas Smith, de la société de courtage CLSA. Malgré les déboires économiques du Japon, le Premier ministre conservateur, qui fait face cet été à des élections sénatoriales, peut encore se prévaloir d'une confortable cote de popularité, autour de 50%, "alors que l'opposition s'est montrée incapable de proposer un programme viable en face", affirme Yasunari Ueno, chez Mizuho Securities. LA PRODUCTION INDUSTRIELLE EN CHUTE La production industrielle au Japon a diminué de 1,7% en décembre sur un mois, davantage que ne le laissait penser le chiffre préliminaire (-1,4%), a annoncé le ministère de l'Industrie (Meti). Elle avait déjà baissé de 0,9% en novembre, et le gouvernement reconna ît que la situation est très instable avec une évolution "un pas en avant, un en arrière". Le recul de décembre est imputable aux secteurs des engins de transport (avions, pièces d'automobiles), d'équipements de façonnage de dalles d'écrans et semi-conducteurs, de composants électroniques ou encore de films et pièces diverses en plastique. Les livraisons des usines ont dans le même temps fléchi de 1,8% (contre -1,7% estimé en première approche), tandis que les stocks ont augmenté de 0,4% (chiffre inchangé). Un sondage mené auprès des entreprises manufacturières laissait espérer un regain de 7,6% pour le mois de janvier, avant une rechute de 4,1% en février, mais ces prédictions datant déjà de plusieurs semaines sont à prendre avec d'autant plus de précautions qu'elles se révèlent souvent assez fantaisistes. Ces chiffres révis és négativement tombent alors que le gouvernement a annoncé lundi une chute de 0,4% du produit intérieur brut (PIB) du Japon au dernier trimestre 2015 comparé à celui des trois mois précédents. Les industriels japonais ajustent au mieux l'activité de leurs usines en fonction de la demande intérieure et extérieure, subissant ces derniers mois le ralentissement d'activité en Chine, pays d'assemblage de produits finis à qui sont livrés de nombreux composants et pièces détachées depuis le Japon.