L'économie japonaise a subi au deuxième trimestre le contrecoup d'une hausse de taxe, une contraction certes attendue mais inédite depuis fin 2012 et qui ouvre une période d'incertitude pour la troisième puissance économique mondiale. Le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 1,7% entre avril et juin, par rapport à janvier-mars. Si ce déclin (de 6,8% en rythme annualisé selon les statistiques du gouvernement) était inévitable, il met sous pression le Premier ministre Shinzo Abe, engagé depuis un an et demi dans une ambitieuse politique de relance surnommée "Abenomics". Il s'agit du premier trimestre de recul significatif depuis que le Japon est sorti de récession dans les derniers mois de 2012. Après cette date, le PIB a invariablement progressé, à l'exception du quatrième trimestre 2013 qui avait enregistré une stagnation. Les analystes s'attendaient à un tel repli, après une robuste croissance entre janvier et mars (+1,5% d'un trimestre sur l'autre), sous l'effet d'une fièvre acheteuse momentanée des ménages en prévision de l'augmentation de la taxe sur la consommation nippone, équivalente à la TVA française, passée de 5% à 8% le 1er avril. Sans surprise, l'économie a été touchée de plein fouet par cette mesure. Les dépenses des ménages ont en conséquence plongé de 5,2% et les entreprises ont réduit dans le même temps les leurs (-2,5%). L'immobilier a également été fortement affecté (-10,3%). Du fait de cette faible demande, les importations ont connu un coup de frein (-5,6%), alors que les exportations ne parvenaient toujours pas à se redresser (-0,4%). Les pouvoirs publics ont de leur côté diminué leurs investissements (-0,5%), mais un nouveau train de mesures de soutien (40 milliards d'euros) est censé avoir pris le relais des exceptionnels budgets de relance votés début 2013 peu après l'arrivée au pouvoir de M. Abe (75 milliards d'euros). D'autres aides pourraient encore intervenir plus tard, si jugé nécessaire. Ces largesses budgétaires sont l'une des trois "flèches" des "Abenomics", aux côtés de la politique d'assouplissement monétaire de la Banque du Japon (BoJ) et des réformes structurelles.
Rythme de tortue Ce coup de pouce suffira-t-il à relancer l'économie, ou le mauvais scénario de 1997, date de la dernière hausse de taxe qui avait contribué à précipiter l'archipel dans des années de déflation et de morosité, va-t-il se répéter? Le gouvernement se veut optimiste, tout comme la BoJ, rétive pour l'heure à tout geste de soutien supplémentaire. "Notre vision n'a pas changé", a assuré le ministre de la Revitalisation économique, Akira Amari, cité par l'agence Jiji. Selon lui, l'effet taxe, en ligne avec les attentes, s'estompe progressivement. Il a répété que la décision sur une éventuelle nouvelle hausse de la "TVA nippone" serait prise en fin d'année, à l'aune des indicateurs du troisième trimestre. Programmé en octobre 2015 et prôné par le Fonds monétaire international (FMI), le passage à un taux de 10% vise à pérenniser le système de protection sociale et à enrayer l'augmentation de la colossale dette publique du pays, qui représente déjà 250% du produit intérieur brut (PIB) japonais, un niveau sans égal parmi les pays développés. Les économistes entrevoient également "une reprise dans les mois à venir". "Le deuxième trimestre fait figure d'exception", estime Yoko Takeda, de l'Institut de Recherche Mitsubishi, renvoyant aux chiffres du PIB de juillet à septembre qui, eux, diront si oui ou non les "Abenomics" ont remporté leur pari. Ivan Tselichtchev, professeur d'économie à l'Université de gestion de Niigata (nord), a un avis plus tranché. "Les Abenomics n'ont pas réussi pour l'heure à générer de dynamique de croissance, je ne vois qu'une politique inflationniste, c'est très différent", relève-t-il. Et de rappeler que la croissance s'était ralentie en 2013 au fil des trimestres, avant le rebond "artificiel" de début 2014. "Elle restera très modeste cette année, entre 0 et 1%, un rythme de tortue", prédit M. Tselichtchev qui, lui, ne voit pas comment le gouvernement pourrait imposer dans ce contexte une taxe à 10%. Le FMI anticipe pour sa part une croissance de 1,6% en 2014, sensiblement identique à celle de l'an passé (1,5%), à condition toutefois que le Premier ministre accélère les réformes.