L'ex-Premier ministre pakistanais, Benazir Bhutto, a été assassinée dans un attentat qui a visé un de ses meetings à Rawalpindi. Un attentat suicide perpétré par un kamikaze qui a d'abord ouvert le feu, atteignant Mme Bhutto d'une balle au cou, alors qu'elle saluait la foule depuis le toit ouvert de sa voiture blindée. Il a ensuite déclenché la bombe qu'il portait sur lui. Des dizaines de personnes ont été tuées sur le coup au même moment que l'ex-Premier ministre pakistanais qui fut, en 1988, à l'âge de 35 ans, la première femme à briguer cette fonction dans un pays musulman.Cet assassinat plonge le Pakistan dans une des crises les plus graves de ses 60 années d'existence. Il risque d'entraîner une spirale de violences qui pourrait provoquer l'implosion du pays. Selon les spécialistes, si les derniers mois ont été particulièrement mouvementés pour le Pakistan, la mort de Benazir Bhutto vient littéralement plonger le pays dans "une grave crise politique ". Selon un autre spécialiste "le Parti du peuple pakistanais ne trouvera pas de leader pour la remplacer. Le directeur du PPP, Makhzoum Amin Fahim, n'est pas un homme politique populaire, la mère de Benazir Bhutto est malade, sa sœur n'est pas en politique, son fils est trop jeune et son mari est corrompu". Le président Pervez Musharraf se voit affaibli par cet assassinat. Non seulement sa démission a déjà été réclamée par l'ex-Premier ministre et un autre opposant, Nawaz Sharif, mais il pourrait être limogé par l'armée dès lors qu'il sera accusé de négligence par le peuple pakistanais, car au lieu d'un retour de la démocratie, le Pakistan va entrer dans une période de turbulence certaine, prédisent les observateurs. Le ressentiment de la population pakistanaise contre le gouvernement est effectivement au plus fort, après la mort de Banazir Bhutto. A Rawalpindi, l'autre figure de l'opposition, Nawaz Sharif, renversé par le coup d'Etat militaire du Général Musharraf en 1999, a appelé le peuple pakistanais à "venger la mort de Mme Bhutto, ma sœur", a-t-il clamé devant la foule en délire. Dans le discours qu'elle venait de prononcer quelques minutes avant de mourir, Mme Bhutto avait évoqué les menaces des terroristes : "J'ai mis ma vie en danger, je suis rentrée parce que je sentais que ce pays était en danger. Les gens sont inquiets, mais nous sortirons ce pays de la crise". D'autres pistes sont avancées par les analystes, dont certains pointent le parti de Musharraf : "Il sera très difficile d'établir la vérité", prédit, toutefois, M. J. Gohel, directeur de la Fondation Asie-Pacifique. "Autant que les talibans et des éléments qaidistes, il y a de nombreux suspects ; il y a des éléments au sein de l'armée et des services de sécurité qui n'ont jamais eu de bonnes relations avec Benazir Bhutto. Elle avait de nombreux ennemis". Selon Gohel, les implications sont énormes et dépassent les frontières du Pakistan. "Si les élections législatives n'ont pas lieu, nous nous dirigeons vers un vide du pouvoir et les islamistes radicaux pourront vraiment commencer à occuper ce vide et opérer depuis cette base. Le Pakistan est un pays qui abrite déjà Al Qaïda et les talibans. C'est également une puissance dotée de l'arme nucléaire et de missiles à longue portée". A quinze jours des élections législatives, le scrutin est déjà incertain avec surtout le boycott annoncé par Nawaz Sharif. Cela signifie que les conditions ne sont pas réunies pour son déroulement. Les Etats-Unis ont été, jeudi, vite en besogne en demandant à ce que le scrutin se tienne pour qu'il y ait une façade de respectabilité recouvrée au Pakistan. Un autre prétexte, peut-être, pour garantir la survie du régime militaire de Musharraf, allié inconditionnel de Washington. L'assassinat de Benazir Bhutto s'inscrit dans le portrait d'une dynastie déjà marquée par trois assassinats. C'est une véritable tragédie qui débutait au Pakistan en 1979 quant Zulfiqar Ali Bhutto, le père de Benazir, a été pendu après avoir été victime d'un coup d'Etat. Un an plus tard, le plus jeune frère de la famille, Shahnawaz, meurt dans des circonstances mystérieuses en France. Le clan Bhutto soupçonne alors l'empoisonnement, mais aucune accusation n'est portée. En 1996, Murtaza, le cadet des Bhutto, est abattu par des policiers dans une fusillade à Karachi.