Pour sa première saison en Allemagne, Javier "El Chicharito" Hernandez s'est imposé comme le joueur-clé du Bayer Leverkusen (16 buts en 25 matches). Une saison pleine, en forme de grand ballon d'oxygène pour un joueur qui a trop souvent peiné à se faire une place de titulaire, malgré des statistiques de buteur d'élite. La scène semble appartenir à une autre saison. Elle n'est pourtant pas si lointaine. Ne remonte qu'au 26 août dernier. A Old Trafford, Javier "El Chicharito" Hernandez s'apprête à tirer un penalty. Nous sommes dans le dernier quart d'heure d'un barrage de Ligue des champions. Un match déjà plié. Manchester United mène 4-0 face au Club Bruges. Réussi ou manqué, ce pénalty ne devrait être qu'anecdotique. Il symbolisera pourtant le terme de la relation du Mexicain avec les Red Devils. Au moment de prendre son dernier appui, l'avant-centre a glissé et envoyé sa frappe hors du cadre. Louis van Gaal s'est alors tourné vers son adjoint, Ryan Giggs, fixe un regard inquisiteur, insistant, devant lequel le Gallois finit par se dérober en levant les yeux au ciel. Une scène de cinéma muet qui a fait le bonheur des réseaux sociaux. Moqué pour sa maladresse, El Chicharito se trouve alors au bord du précipice. A 27 ans, il est devenu un indésirable pour le club avec lequel il avait fait ses débuts en Europe, en 2010, et où il venait de faire son retour après un discret prêt d'un an, au Real Madrid. Ryan Giggs, qui ressemblait à son dernier avocat chez les Red Devils, ne pouvait plus que détourner le regard. Trois saisons à passer plus de temps sur le banc ou en tribunes, que sur la pelouse, semblaient avoir définitivement entamé la confiance du goleador à la gueule d'ange. Huit mois plus tard, le Mexicain ne s'est pourtant jamais aussi bien porté. Transféré au Bayer Leverkusen, le 31 août, il a déjà inscrit 25 buts, toutes compétitions confondues. Avec 16 réalisations, il est le quatrième meilleur buteur d'un championnat qu'il a pris en cours (quatrième journée). Pas mal pour un indésirable.
Des stats mal appréciées à Manchester United Devant ce bilan comptable avantageux, il serait facile de railler le mépris de Van Gaal envers son ex avant-centre, alors qu'Anthony Martial, le meilleur buteur mancunien, cette saison, n'a inscrit que huit buts en Premier League. La moitié du total du Mexicain. Mais le Néerlandais est loin d'être le seul à s'être montré sceptique, ou tout du moins à avoir affiché une certaine réserve envers le natif de Guadalajara. Avec sa sélection, Chicharito n'a ainsi disputé qu'un seul match de Coupe du monde en titulaire, sur les huit auxquels il aurait pu aspirer. En 2010, Guillermo Franco, un naturalisé argentin de 34 ans, lui avait été préféré. En 2014, c'est Oribe Peralta, un avant-centre qui n'a jamais quitté le championnat mexicain, qui était titularisé. El Chicharito est pourtant le deuxième meilleur buteur de l'histoire d'El Tri, avec 43 buts en 80 matches. A Manchester United, le joueur formé aux Chivas Guadalajara a, là aussi, multiplié les buts, mais n'a pourtant jamais au l'occasion de disputer une saison entière en titulaire. Lors de son premier exercice chez les Red Devils, il avait, certes, fini par gagner sa place dans le onze, au détriment de Dimitar Berbatov, et a même débuté la finale de la Ligue des champions 2011 face au Barça, mais il ne se débarrassera jamais vraiment de son étiquette de super-sub. A partir de la saison 2011-2012, Ferguson allait ainsi lui préférer Danny Welbeck. Son successeur, David Moyes, aussi. Lors de ses dix-huit premiers mois dans le nord de l'Angleterre, Chicharito n'avait pourtant pas démérité en inscrivant trente buts, toutes compétitions confondues, ce en débutant la majorité des matches sur le banc. Au terme de ses quatre saisons pleines mancuniennes (2010-2014), le Mexicain, avec un but toutes les 130 minutes, affichait même le quatrième ratio de l'histoire de la Premier League, derrière Sergio Agüero, Thierry Henry, et Ruud van Nistelrooy. Pas mal, pour un recours occasionnel. Quoiqu'il en soit, Javier Hernandez a dû attendre de signer au Bayer Leverkusen, l'été dernier, pour enfin se gagner un rang de titulaire indiscutable dans un club européen. La saison dernière, il a ainsi vécu dans l'ombre de la BBC, au Real Madrid, avec un statut peu flatteur de pièce de rechange. Mais, là encore, ses statistiques parlent d'un goleador d'élite. Lors de ses huit premiers mois en merengue, le Mexicain a ainsi inscrit un but toutes les 83 minutes. Seuls Messi et Ronaldo disaient mieux. Au mois de mars dernier, le compte Twitter officiel de la Ligue des champions posait la question : "Chicharito est-il l'avant-centre le plus sous-estimé d'Europe" ? Chicharito n'est, en tout cas, pas un avant-centre comme les autres. Pas l'un de ces attaquants modernes, qui dribblent, débordent, décrochent, et marquent, accessoirement. Voici comment le décrit son coach à Leverkusen, Roger Schmidt : Roger Schmidt : "C'est un joueur unique, il n'y en a pas beaucoup des comme lui. Ses qualités ne sont pas spectaculaires, mais il a le don de faire les bons mouvements, surtout quand il s'agit de marquer des buts." L'efficacité du Mexicain ne se base ainsi pas sur une habileté technique hors du commun, mais sur un sens du placement exceptionnel. Dans la surface, il sait jaillir au moment idoine comme peu, et ses appels dans la profondeur font figure de véritables odes à l'intelligence. Une fois face au gardien, il se contente souvent du nécessaire.
Il a paru parfois trop gentil, mais ça c'est fini Chicharito ne brillerait sans doute pas dans un concours de jongles, mais son registre limité -le voir réussir un dribble est rare- n'en est pas moins létal pour les défenses adverses. En somme, Javier Hernandez figure une sorte de versions mexicaine de Filippo Inzaghi, que l'on présentait déjà, à son époque, comme l'un des derniers de son espèce : les grands renards. Limité, El Chicharito ne cesse toutefois de progresser. Car, ce fils et petit-fils d'internationaux mexicains, est un bourreau de travail. Du genre à arriver le premier et à repartir le dernier du centre d'entraînement. Sur le terrain, cet attaquant qui se montre d'une générosité rare au moment de presser, n'est toujours pas un modèle de grâce, mais il n'en a pas moins notablement amélioré son jeu long, sa conduite de balle, et s'est considérablement étoffé physiquement. Il est aujourd'hui un footballeur plus complet, mais aussi, plus mature. Parfois trop gentil par le passé, il ne transige plus. On l'a ainsi vu s'en prendre fermement à son coéquipier, Karim Bellarabi, lors du dernier match de poule de Ligue des champions. L'altercation se termina front contre front, alors que le Bayer venait sans doute de laisser échapper sa dernière opportunité de se qualifier pour les huitièmes de finale ; on jouait la 92e minute. La réprimande du Mexicain était sévère, mais Chicharito a trop souffert pour savoir que les opportunités ne se présentent souvent pas deux fois dans le football.
Près de 30% des buts du Bayer Leverkusen Aujourd'hui, il semble avoir trouvé l'environnement idéal pour s'épanouir, dans un club qui n'appartient pas au top 10 européen, mais qui ambitionne de jouer régulièrement la Ligue des champions. Peut-être est-ce son écosystème naturel, même s'il semble que le renard mexicain, malgré ses statistiques avantageuses, ait toujours dû en faire davantage que la concurrence pour convaincre ses entraîneurs. Au Mexique, il s'était ainsi trouvé à deux doigts d'abandonner le football, à seulement 20 ans, après avoir été cantonné à de rares apparitions lors de trois tournois (semestriels) de rang. Deux ans plus tard, il sera transféré pour huit millions d'euros à Manchester United, un record à l'époque pour un joueur mexicain. Aujourd'hui, Javier "El Chicharito" Hernandez fait le bonheur du Bayer Leverkusen, troisième de Bundesliga, dont il marqué près de 30% des buts depuis son arrivée. Que sa glissade d'Old Trafford et le mépris de Van Gaal doivent lui sembler loin.