La ville de Béjaia célèbre actuellement le centenaire de la naissance de l'un de ses illustres fils, Cheikh Saddek Abjaoui, figure emblématique de la musique classique algérienne, populaire et kabyle. L'hommage posthume a été rendu par l'organisation d'un festival de musique andalouse au campus universitaire de "Targa-Ouzemmour". Une nouba chère au maître, celle de raml maya, dirigée par un de ses disciples et continualeur Mohamed Raïs, a donné le " la " à ce rendez-vous où l'ombre du cheikh à plané sur la scène. " Je le sais mort. Mais il continue d'être en moi ", confie simplement Hayet, une quinquagénaire férue de musique andalouse visiblement sous le double coup de l'émotion et du charme. Le même sentiment est partagé par l'artiste Fateh Imloul, qui relève que son maître "force le respect". "Il a laissé un vaste patrimoine dans le hawzi, le châabi et la chanson kabyle, mais une large partie reste encore inconnue", explique-t-il admiratif, révélant qu'un répertoire de 200 chansons, " bien qu'enregistré n'a jamais été édité." Saddek Bouyahia, plus connu sous le nom de Saddek Abdjaoui, né en décembre 1907 à Béjaïa, reste l'une des figures de proue du genre classique arabo-andalou, se distinguant tout particulièrement comme un virtuose de la nouba. S'étant initié très jeune au melhoun, au hawzi et au madih, il en a gardé l'inclinaison toute sa carrière durant, forgée, au fil des étapes, par des rencontres et des opportunités de création fort marquantes. C'est tout naturellement à Béjaïa, qu'il prit le temps et le loisir de s'affirmer dans ce profil, avant d'intégrer la troupe d'El Mossilia en 1933 à Alger. Côtoyant, cheikh Mahiedine Lekhal, il y améliora son art au point de se voir proposer un rôle d'enseignant au sein de l'association " El widadia " de Blida, qui alors comptait en son sein un groupe d'élèves de premier ordre parmi lesquels figuraient, entre autres, Hadj Medjbeur et Hadj El Mahfoud. Mais c'est à Tlemcen (1934) que sa carrière prit un tournant décisif, en ajoutant à sa palette les couleurs du hawzi local. C'est là, qu'il forgea son coup d'archer singulier, visiblement appris, du geste de cheikh Larbi Bensari, devenu son mentor alors. En 1936, il rentre à Béjaïa, s'occupant particulièrement à booster la vie associative, culturelle et musicale de la ville et donnant pleine mesure à son talent. En 1938, il participe au festival de la musique andalouse à Fés, auréolé d'une décoration du sultan du Maroc suivie ultérieurement, en 1949, par une distinction similaire que lui a décernée le bey de Tunis. Dans l'intervalle, il a dirigé les rênes de la Radio Béjaïa et ce, jusqu'à la veille du déclenchement de la guerre de Libération. A l'Indépendance, soit en mars 1963, il prend en main, l'orchestre du conservatoire de Béjaïa, où il forma une pléiade d'artistes de renom, dont El-Ghazi, Djamel Allem, Kamel Stambouli, et surtout Mohamed Raïs, et Nassima. A sa mort, en janvier 1995, il a légué une compilation de noubas et plusieurs naqlabet, nsrafet et qacaïd dans le hawzi et le r'hawi, un répertoire de plusieurs dizaines de chansons en kabyle, dont quelques unes, à l'instar de Belyazit, chewing-gum, ou l'homme au turban, objet d'un succès toujours en vogue.