Dépendant administrativement de la commune de Kimel de la wilaya de Batna, le village de Darmoune n'est accessible qu'a travers la traversée de sept communes de la wilaya de Biskra. Les habitants de ce petit village doivent, pour gagner le chef-lieu de la commune mère, passer par les communes de Zeribet El Oued, M'ziraâ, Ain Naga, Sidi Okba, Biskra, Loutaya et El Kantra, situées toutes dans la wilaya de Biskra, avant de pénétrer sur le territoire de la wilaya de Batna. Un périple de 230 km qui a pris aux autorités de wilaya conduites par le chef de l'exécutif local environ quatre heures pour atteindre le petit hameau. Il était midi lorsque la délégation officielle parvient à Darmoune sous un soleil de plomb ayant porté la température à 44 degré. L'accueil chaleureux de la population locale, conduite par des moudjahidine dont Mohamed Benamor Biouche, fait vite oublier la canicule. Moudjahid de la première heure, Biouche est membre du commando de l'Armée de libération nationale qui donna la nuit du 1er novembre 1954 l'assaut à la caserne militaire française de la ville de Batna. En dépit de son âge qui dépasse 90 ans, il a tenu à assister à la visite du 3ème wali qui se rend à son humble village, depuis l'indépendance. "Nous avons égorgé un bélier pour marquer cette date", a confié à l'APS le vieux Ahmed Wassal (73 ans) qui souligne que c'est en 1989 que le premier wali de l'Algérie indépendante est entré dans ce village pour y inaugurer un cimetière des martyrs. La seconde visite d'un chef de l'exécutif local a eu lieu 12 ans après. Cette troisième visite est source de gros espoirs portés par les projets retenus incluant la réalisation d'une usine privée des produits rouges, un forage profond et une salle polyvalente, assure ce septuagénaire qui estime que ces opérations ouvrent d'importants horizons pour cette localité et promettent le retour de ses enfants qui avaient fui leurs terres. Les habitants rassemblés en grand nombre autour du wali ont insisté sur l'ouverture d'une route de 45 km même si le village souffre de bien d'autres insuffisances. Cette route est à la fois une priorité et un rêve tant caressé par des générations d'habitants de cette agglomération, soutient Saïd Bouzergoune, 86 ans moudjahid invalide de la guerre de libération nationale. Zone interdite pour l'occupant français durant la guerre de Libération, cette localité, 54 ans après l'indépendance, tente d'émerger. "Cette route ne relève point de l'impossible et évitera un trajet de 300 km aux habitants désireux rejoindre le chef-lieu de la commune dont il dépend administrativement", ajoute ce moudjahid. Situé à l'extrémité méridionale de la wilaya de Batna, cette localité fut transformée, quelques jours après le déclenchement de la guerre de Libération, en un camp, le premier du genre, de concentration pour femmes, se rappellent les moudjahidine Lakhdar Loucif et Mohamed Benamor Biouche. L'ouverture de ce camp a suivi la destruction de 40 dechras de la région de Kimel visant à briser l'engagement en faveur de la révolution des habitants, mais ces femmes finirent une à une par fuir et rejoindre les maquis vers la dense forêt de la région et y demeurer jusqu'à l'indépendance, soutiennent-ils. Les lopins de terres agricoles actuellement exploités par les habitants pour la culture de palmiers-dattiers et le tabac sont irrigués par oued Darmoune, localement appelé oued Guechtane. Pour Gheskil Abdallah (69 ans) retraité et agricole, Darmoune renferme une source thermale, Chabora, que Mahmoud Athamna, médecin de la révolution qui dirigeait le grand hôpital militaire de Kimel, utilisait pour soigner des moudjahidine malades. Les pierres de la région renferment de l'or, comme le soutiennent les "vieux" de la région, assure Gheskil qui espère que les autorités accordent à l'avenir un intérêt pour cette richesse. Les services de la wilaya de Batna affirment qu'une étude approfondie du projet d'une route entre Darmoune et Kimel sera lancée cette année. Le village a bénéficié d'une annexe d'Etat civil, d'une école, de locaux, de l'eau potable et de logements ruraux, a-t-on souligné. Pour les représentants des 1.500 habitants des cinq dechras de Labaâl, Taghlissia, Oum Dhemkha, Errakba et Darmoune formant le grand Darmoune, le développement global et durable de la localité demeurera tributaire d'une route qui rompra définitivement son isolement.