Le fléchissement de la croissance fin 2007 et début 2008 va limiter les marges de manoeuvre du gouvernement français, au risque d'entraver les réformes annoncées et d'hypothéquer le respect des engagements d'assainissement des comptes publics pris envers Bruxelles. En 2007, l'économie française a crû moins vite que celle de la zone euro pour la deuxième année consécutive (1,8% à 1,9% contre 2,6% attendus après 2,2% contre 2,9% en 2006). La plupart des prévisionnistes s'attendent pour 2008 à une croissance encore inférieure à 2% quand le gouvernement table sur au moins 2,25%. La croissance tendancielle de l'économie française était de l'ordre de 2,2% l'an depuis la fin des années soixante-dix, mais ce chiffre a représenté un maximum au cours du dernier cycle et n'a été atteint qu'en 2004 et 2006, en dépit d'une croissance mondiale particulièrement vigoureuse, souligne Mathieu Kaiser, économiste à la banque BNP Paribas, dans une étude intitulée "France 2007 : fin de cycle", publiée le mois dernier. "Tout se passe comme si cette moyenne, valable depuis 1978, s'était transformée en plafond au cours du dernier cycle, la croissance tendancielle passant manifestement sous 2%", ajoute-t-il. Il estime que "la mise en oeuvre de réformes d'envergure n'en est que plus justifiée pour permettre à la France de mieux profiter de la prochaine reprise que de la dernière" et obtenir le point de croissance en plus promis par Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle. Après les réformes catégorielles de 2007 (universités, régimes spéciaux de retraite, justice, etc.), le calendrier devrait s'accélérer cette année avec celle du marché du travail, de la retraite de l'ensemble des salariés, de la santé et du financement de la protection sociale, de l'Etat avec la révision générale des politiques publiques, sans oublier les propositions de la Commission pour la libéralisation de la croissance française, présidée par Jacques Attali, dont le rapport final sera remis au chef de l'Etat le 16 janvier. Or, en 2008, toutes les composantes du PIB devraient contribuer au fléchissement de la croissance privant le gouvernement de munitions supplémentaires pour atténuer les conséquences immédiates de réformes difficiles au moment où Nicolas Sarkozy connaitra, avec les municipales, son premier test électoral depuis son entrée à l'Elysée. "La fin de cycle (...) laisse donc le roi nu", résume Mathieu Kaiser. La demande des ménages, principale contribution à la croissance du PIB français, est confrontée à des facteurs négatifs : hausse de l'inflation, décélération de l'emploi, remontée des taux d'intérêt et ralentissement du marché immobilier. La hausse des prix de détail alimentée par la flambée des prix alimentaires et énergétiques a atteint en novembre 2007 un plus haut depuis août 2004 à 2,4% en rythme annuel. L'Insee s'attend à ce qu'elle culmine à 2,8% en février, rognant le pouvoir d'achat, principale préoccupation des ménages selon de nombreux sondages. Les créations d'emplois ont aussi commencé à ralentir au quatrième trimestre 2007 et devraient être moins dynamiques en 2008 qu'en 2007 où 348.000 emplois nouveaux ont été créés après 282.000 en 2006. L'Insee table ainsi sur un ralentissement de la baisse du chômage cette année avec un taux de chômage à 7,7% au deuxième trimestre après 7,8% au quatrième trimestre 2007 et 8,3% à la fin 2006. Le moral des ménages mesuré mensuellement par l'Insee est tombé à un niveau proche de ses plus bas historiques affichés en 1995 et sous les niveaux atteints lors de la crise des banlieues de la fin 2005 ou de celle du CPE au printemps 2006. Du côté des entreprises, les perspectives ne sont guère plus encourageantes. "En plus du ralentissement cyclique de la zone euro entamé à la fin 2006, la crise immobilière aux Etats-Unis s'est aggravée assombrissant les perspectives de consommation américaine et provoquant un début de resserrement des conditions de crédit ainsi qu'une brutale accélération de la dépréciation du dollar contre l'euro", note Mathieu Kaiser. "Tout ceci est négatif pour l'évolution de la demande extérieure et pour l'investissement des entreprises françaises", dit-il. Au vu de l'orientation de la balance commerciale dont le déficit cumulé en données brutes totalisait 30 milliards d'euros sur les dix premiers mois de 2007 (contre 23,2 milliards pour la période correspondante de 2006), le commerce extérieur devrait encore amputer la croissance de 0,3 à 0,4 point en 2007 selon les estimations après une contribution négative de 0,3 point en 2006, 0,5 point en 2005 et 0,8 point en 2003 et 2004. Les perspectives apparaissent d'autant plus sombres pour 2008 que le solde commercial hors énergie est devenu négatif à la mi-2007. L'investissement des entreprises risque quant à lui de pâtir de la dégradation de leur profitabilité et de leur endettement assez élevé sur fond de freinage de la demande américaine et dans une moindre mesure européenne et d'un financement plus cher et plus compliqué du fait de la crise financière qui a éclaté cet été. "Au vu des performances enregistrées ces dernières années et de la conjoncture actuelle, les objectifs de croissance (du gouvernement) paraissent particulièrement ambitieux", prévient Mathieu Kaiser. "Bien que le gouvernement ait affiché une réduction du déficit public dans la loi de finances 2008, le plus probable est que la consolidation des finances publiques ne reprendra pas après la pause de 2007", estime-t-il. "Les déséquilibres devraient, au contraire, s'accroître avec un déficit de l'ensemble des administrations publiques à près de 58 milliards d'euros, soit 3% du PIB (après 49 milliards et 2,6% en 2007) et une dette à 64,5% du PIB (après 64,1% en 2007)", ajoute-t-il.