Face au recul de son PIB, la France manque de marges de manoeuvre pour faire repartir l'activité, coincée entre des déficits élevés et une conjoncture incertaine, estiment les économistes. Le Premier ministre François Fillon et une partie du gouvernement se réunissent lundi pour tenter d'apporter des réponses à la contraction du produit intérieur brut français de 0,3% au deuxième trimestre. Mais pour les économistes, la France n'a plus vraiment les moyens d'agir. "Le paquet fiscal a épuisé nos dernières marges de manoeuvre budgétaires", estime Nicolas Bouzou, chez Asterès. Le gouvernement s'était engagé l'été dernier à financer la coûteuse loi Travail, emploi, pouvoir d'achat (près de 13 milliards d'euros en année pleine) sans faire exploser dette et déficits. Après un déficit public (Etat, Sécurité sociale et collectivités locales) à 2,7% du PIB fin 2007, il a prévu de le ramener à 2,5% du PIB fin 2008 et à 2,0% en 2009 pour friser le "déficit zéro" en 2012. La Commission européenne estime, elle, que le déficit de la France atteindra 2,9% cette année et 3% en 2009, limite autorisée par le programme de stabilité, et lui a récemment adressé une mise en garde. A l'inverse de l'Espagne ou des Etats-Unis, la France, qui préside l'Union européenne jusqu'à la fin de l'année, peut donc difficilement se permettre un plan de relance budgétaire, au risque de creuser encore son déficit et de s'attirer les foudres de Bruxelles. "Il est clair que l'on va dépasser les 3% de déficit", pronostique Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). La seule solution de la France est donc, selon lui, de "négocier des marges de manoeuvre avec les autres pays européens" et "sortir de la doctrine d'un retour à l'équilibre à tout prix". Objectif: pouvoir distribuer de nouvelles ressources, surtout aux ménages à bas revenus, dont la propension à consommer est plus forte, afin de faire redémarrer l'économie, explique l'économiste. Car le "paquet fiscal", avec des mesures comme l'allègement des droits de succession, a surtout profité aux plus riches, selon lui. Pour Jean-Christophe Caffet, chez Natixis, une politique de relance "par la demande", serait inefficace. "Depuis environ dix ans, la France souffre d'un problème d'offre: elle ne produit pas assez et ses entreprises ne sont pas assez compétitives", relève-t-il. "De récentes mesures comme le crédit impôt recherche ou l'autonomie des universités vont dans le bon sens pour pallier cette faiblesse", selon lui. Mais "elles ne feront sentir leurs effets qu'à long terme". En attendant, "il va falloir serrer les dents pendant deux ans", prévoit Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard. La "bonne nouvelle", pour l'ensemble des économistes, vient du récent reflux des prix du pétrole et des matières premières. Car s'il se confirme, "l'inflation va baisser et cela sera ressenti comme une amélioration du pouvoir d'achat", affirme M. Aghion. "Mais rien ne prouve que le pétrole ne va pas repartir vers 200 dollars", prévient Jean-Christophe Caffet. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a souligné jeudi que "les facteurs extérieurs -pétrole, inflation, change- étaient en train de se réorienter complètement en faveur de la croissance". La France compte aussi sur la politique monétaire de la Banque centrale europénne (BCE) qui, selon la ministre, "a un rôle majeur à jouer" mais l'institution présidée par Jean-CLaude Trichet martelle que sa seule préoccupation est la maîtrise de l'inflation. Mme Lagarde a espéré jeudi "une politique de taux d'intérêt raisonnable" qui "permettra une bonne politique du crédit".