La France entre dans une zone dangereuse avec un déficit public 2007 au même niveau que celui qui lui avait valu les foudres de l'Union européenne il y a cinq ans. Paris a annoncé vendredi un déficit représentant 2,7% du produit intérieur brut en 2007, contre 2,4% l'année précédente, un montant qui met fin à trois années d'amélioration des finances publiques et qui place le président Nicolas Sarkozy dans une posture délicate, lui qui s'était engagé en juillet sur un chiffre de 2,4%. Le déficit est certes inférieur à la limite de 3% fixée par le Pacte de stabilité, mais il s'en rapproche dangereusement alors que la France s'apprête, le 1er juillet, à prendre la présidence de l'Union européenne. Après la publication des chiffres de 2007 par l'Insee, le gouvernement a relevé sa prévision pour 2008 à 2,5% contre 2,3% prévu auparavant. Une révision que les ministres de l'Economie, Christine Lagarde et du Budget, Eric Woerth, ont mis sur le compte de "l'impact conjoncturel sur les recettes d'une croissance un peu moins élevée que prévu". Jacques Cailloux, économiste chez Royal Bank of Scotland à Londres, estimait avant la révision de la prévision pour 2008 que "les choses vont clairement en direction d'un avertissement de la Commission envers la France car le risque est évident de voir le déficit français atteindre 3%". La Commission européenne n'a pas souhaité faire de commentaire. "Toute la question est de savoir si cela aura un effet sur la politique française car la réduction du déficit n'est pas une priorité pour le gouvernement et ne l'a jamais été", a ajouté Jacques Cailloux. Dans leur communiqué, Christine Lagarde et Eric Woerth déclarent que la hausse attendue du déficit en 2008, "ne remet pas en cause la stratégie d'assainissement structurel de nos finances publiques, fondée sur la poursuite des réformes porteuses de croissance et une maîtrise sans faille de l'évolution des dépenses publiques". Les ministres des Finances de l'UE avaient adressé un avertissement à la France en novembre 2002 quand la Commission avait estimé que le déficit atteindrait 2,7% du PIB cette année-là. De fait, le déficit public de la France dérapa à 3,1% du PIB en 2002, et gonfla encore à 4,1% en 2003. Les efforts qui ont permis de le ramener sous 3% dès 2005 et plus encore en 2006 sont maintenant compromis par le ralentissement de l'économie dû à la crise financière, au coup de frein de l'économie américaine, à l'euro fort et à l'envolée des prix du pétrole. "Le gouvernement devra trouver de nouvelles ressources pour respecter la limite de 3%, on peut oublier l'objectif initial de 2,3% (pour 2008)", affirmait Dominique Barbet, économiste chez BNP Paribas, avant la révision de la prévision pour 2008. Avant même le mauvais chiffre de vendredi, Paris se voyait déjà reprocher son manque d'ambition en matière de réduction des déficits en période de vaches grasses. "Ce serait surprenant si l'UE n'adressait pas un avertissement et il faut probablement le faire compte tenu des dérapages budgétaires passés de la France et du non respect de ses engagements", a estimé Gilles Moëc, chez Bank of America à Londres. En 2003, la France se retrouvait au ban budgétaire de l'Europe avec un allié de poids, l'Allemagne. Les deux principales puissances de la zone euro avaient alors usé de leur influence pour échapper à toute action disciplinaire et imposer une révision du Pacte de stabilité et de croissance. Après des années de rigueur, Berlin a dégagé en 2007 un léger excédent budgétaire et a maintenant pleinement repris sa place dans le camp de l'orthodoxie budgétaire. "Il est nécessaire de soutenir la crédibilité du Pacte de stabilité et de croissance", déclarait le ministre des Finances Peer Steinbrück en février lors d'une réunion avec ses collègues de l'Eurogroupe à Bruxelles. La France pourrait toutefois trouver une nouvelle alliée avec l'Italie, troisième économie de la zone euro qui se dirige elle aussi vers le seuil fatidique de 3%.