A trois mois de sa présidence de l'Union européenne, la France a annoncé, hier, un déficit public 2007 plus fort que prévu, qu'elle aura beau jeu de mettre au compte de l'environnement international. De 3% du produit intérieur brut en 2005, limite fixée par le traité de Maastricht, le montant du déficit public de la France est tombé à 2,7% en 2006. Il était prévu à 2,4% en 2007, l'amélioration devant se poursuivre avec une projection de 2,3% en 2008. Le ralentissement de la croissance a changé la donne. Le chiffre de 2007, qui sera publié vendredi par l'Insee, sera "sans doute un peu supérieur aux 2,4% du PIB initialement prévus", convient le Premier ministre François Fillon dans un entretien accordé à L'Express. L'objectif de 2,3% en 2008 sera "nécessairement" révisé, ajoute-t-il dans cette interview qui paraît jeudi tout en soulignant que "la situation économique internationale est telle que les autres pays vont aussi réviser leur objectif". François Fillon assure que la nouvelle prévision de croissance - 1,7-2,0% au lieu d'une fourchette de 2,0-2,5% à l'origine - n'aura pas d'effet sur le budget 2008 "construit pour résister à une variation de croissance de cet ordre-là". En milieu de fourchette, la croissance serait ainsi de 1,85% en 2008 après avoir été estimée à 1,9% (exactement 1,88%) par l'Insee au titre de 2007. Le déficit public englobe le déficit de l'Etat - annoncé en février à 2,1% du PIB - et ceux de la Sécurité sociale et des administrations publiques. Le traité de Maastricht prévoit qu'il ne doit pas dépasser 3%, sauf circonstances exceptionnelles, et la France s'est engagée à le résorber en 2012 au plus tard. Pour Mathieu Kaiser, économiste chez BNP Paribas, la révision des objectifs de déficit est tout sauf une surprise. "Le dérapage semblait inévitable dès l'élaboration du budget tant il avait été bouclé, serré de toutes parts tant en termes d'objectifs de dépenses que d'objectifs de recettes", rappelle-t-il. "Comme en plus on a eu un accident de parcours, le dérapage était d'autant plus certain". "Les marges de manoeuvre après la crise sont réduites voire nulles mais (...) sur le simple effet d'affichage ce ne sera pas forcément a posteriori condamné trop fortement si la dérive est contenue dans les limites du pacte de Maastricht", ajoute-t-il en tablant sur un déficit à 2,7% du PIB en 2007. Il attend une nouvelle dégradation cette année, à 3%, mais note que le chiffre ne sera pas connu avant la fin de la présidence française de l'Union européenne. "Pour maintenir une certaine crédibilité à la présidence française, parce qu'il y aura avoir des prévisions intermédiaires, nous pensons que le gouvernement va limiter au maximum la dérive", dit-il. Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), anticipe aussi un déficit de 2,7% au titre de 2007 et pense que le gouvernement retiendra un objectif en baisse, à environ 2,5%, en 2008 - une amélioration peu réaliste selon lui. Pour autant il ne croit pas non plus à une réaction forte des partenaires européens de la France, du moins si la situation ne s'éternise pas. "Personne n'a intérêt à un conflit qui ne ferait qu'exacerber les difficultés entre l'Europe et les opinions publiques alors qu'on est en phase de ratification du nouveau traité européen", estime-t-il en faisant allusion à la procédure de déficit excessif prévue par le Pacte de stabilité et qui peut conduire à des sanctions financières. L'opposition en France accuse le gouvernement de préparer un plan de rigueur pour tenir ses engagements budgétaires mais les économistes n'y croient pas. François Fillon lui-même l'exclut. "Le ralentissement de la croissance mondiale appelle une accélération et un approfondissement des réformes, mais certainement pas un plan de rigueur. L'augmentation des impôts ou des cotisations ne ferait qu'amplifier les effets du ralentissement mondial", dit-il dans son interview en excluant aussi un relèvement de la CRDS pour financer la dette de la Sécurité sociale. En revanche, le chef du gouvernement ne reprend pas à son compte la promesse de Nicolas Sarkozy de réduire les prélèvements obligatoires de 68 milliards d'euros en dix ans, expliquant que cela dépendra de la croissance. A défaut de pouvoir jouer sur l'impôt, l'Etat contient ses dépenses en limitant le remplacement des fonctionnaires qui partent à la retraite et en engageant sa revue générale des politiques publiques (RGPP), destinée à réduire ses coûts de fonctionnement. Pour Mathieu Kaiser, l'effort va plutôt se porter sur les administrations sociales, avec une éventuelle remise à plat du financement de la protection sociale, et sur les collectivités locales dont bon nombre viennent de changer de couleur politique à l'occasion des élections municipales des 9 et 16 mars. "Je pense qu'il y a des efforts qui vont être faits du côté des administrations sociales, je pense qu'ils sont déjà en cours du côté de l'Etat, le point d'interrogation c'est plutôt du côté des collectivités locales", dit l'économiste de BNP Paribas. "Le fait que les exécutifs de chaque côté ne soient pas du même bord politique peut poser problème. L'Etat tente de garder la main en limitant les dotations mais il y a aussi la fiscalité locale, assez dynamique ces dernières années. Ce sont un peu les effets à retardement de la décentralisation telle qu'elle a été menée jusqu'à maintenant", conclut-il.