Les ministres du Commerce du G20 se sont dits résolus à doper les échanges internationaux pour stimuler l'économie mondiale. Il s'inquiétent de la montée des barrières protectionnistes en leur sein, des surcapacités sidérurgiques et des risques liés au Brexit. "La reprise économique mondiale demeure inégale (...) Le commerce et l'investissement doivent rester les moteurs essentiels de la croissance", ont assuré dans une déclaration les ministres et délégations des vingt grandes puissances réunis à Shanghai, dont les pays représentent au total quelque 80% du commerce planétaire. Le tableau est morose: le rythme de progression des échanges internationaux s'est effondré après la crise financière, stagnant sous 3% par an depuis 2009, contre plus de 7% lors des deux décennies précédentes. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) n'est guère plus optimiste pour cette année. En réaction, "nous restons engagés (dans le sens) d'une économie mondiale ouverte, et nous travaillerons davantage vers la libéralisation et la facilitation des échanges", a affirmé le ministre chinois du Commerce Gao Hucheng, citant les termes approuvés par les participants à la rencontre.
Restriction d'échanges record Le souci, c'est que les pays du G20 ne jouent que partiellement le jeu: leur communiqué de Shanghai reconnaît "avec inquiétude" la montée des mesures protectionnistes adoptées par les propres membres du groupe. "En dépit d'engagements répétés, le nombre de nouvelles mesures imposées par les membres du G20 et restreignant les échanges de biens et services atteint un rythme mensuel record depuis que l'OMC a commencé ses décomptes en 2009", s'alarme-t-il. Ces mesures pénalisent le fret, et affectent aussi bien l'industrie électronique que les produits agricoles, prévient Robert Koopman, chef économiste de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), rencontré en marge du G20.
La Chine "déjà dans l'action" La Chine est particulièrement visée: ses aciers sont sous le coup de multiples mesures antidumping de l'Union européenne (UE), et de taxes prohibitives infligées par les Etats-Unis, Pékin étant accusé d'inonder le monde d'acier bon marché pour soulager les surcapacités colossales de ses sidérurgistes. Elle produit à elle seule la moitié de l'acier mondial. Le sujet s'est invité dans les discussions shanghaïennes - mais la déclaration finale se contente de décrire ces "capacités excédentaires" comme "un problème mondial exigeant des réponses collectives". Devant la presse, le vice-ministre chinois au Commerce Wang Shouwen s'est agacé: "Pendant que certains pays (également responsables) débattent encore des mesures souhaitables, les autorités chinoises sont déjà dans l'action" pour restreindre l'appareil de production des groupes étatiques.
Ratification du TFA à accélérer Le dossier sidérurgique avait pesé lourd dans le récent vote du Parlement européen appelant à refuser l'octroi à Pékin le statut privilégié d'"économie de marché". Washington fustige de son côté des "distorsions du marché". A l'instigation de Pékin, les pays du G20 ont par ailleurs appelé dimanche à accélérer le processus de ratification de l'Accord sur la facilitation des échanges (TFA). Conclu dans la douleur fin 2013 à Bali pour réduire les frais douaniers, il doit être ratifié par les deux tiers des membres de l'OMC pour entrer en vigueur. Récemment, plusieurs pays du G20 (Argentine, Canada, Indonésie...) manquaient à l'appel.
Conséquences du Brexit Enfin, la déclaration salue l'émergence de zones régionales de libre-échange, établies en marge de l'OMC, mais plaide pour qu'elles restent ouvertes à de nouveaux membres - et ce alors que Pékin et Washington s'opposent dans deux projets concurrents en Asie-Pacifique. Plus généralement, le directeur général de l'OMC Roberto Azevedo s'est inquiété de la montée d'une "rhétorique protectionniste extrêmement nocive", à l'heure où l'OMC patine, que les discussions sur le traité transatlantique TTIP calent sur fond de vif mécontentement populaire, et que les discours populistes faisant du libre-échange un épouvantail gagnent du terrain. Enfin, non évoquée explicitement dans la déclaration finale, la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne (UE) était dans tous les esprits. Londres devrait être contraint de renégocier de nouveaux accords commerciaux avec l'UE et les 58 pays liés au bloc continental par des accords de libre-échange, un casse-tête. Le vice-ministre Wang a reconnu que les turbulences liées au Brexit "auront évidemment des conséquences à court terme pour le commerce mondial". Mais, ajoutait-il, "si jamais le Royaume-Uni rencontre des limitations après avoir quitté l'UE, le groupe de travail du G20 sera heureux de lui prodiguer ses conseils."
Tenter de rassurer "La croissance du commerce mondial devrait rester sous 3% en 2016 pour la cinquième année de suite (...) Si on excepte l'effondrement après la crise financière, on est au plus bas depuis trois décennies", a rappelé le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Roberto Azevedo en marge du G20. Dans tous les esprits, la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne (UE) et les turbulences qu'elle provoque sur les marchés contribuent à assombrir encore les perspectives. L'OMC avait averti que le Brexit se traduirait par plus de 7 milliards d'euros de droits de douanes supplémentaires pour les exportateurs britanniques. Le Royaume-Uni est en effet contraint de renégocier de nouveaux accords commerciaux avec l'UE et les 58 pays liés au bloc continental par des accords de libre-échange, un casse-tête risquant de s'éterniser. Néanmoins, le ministre britannique du Commerce, Lord Price, présent à Shanghai, s'est montré rassurant. "Cela n'a jamais été une meilleure période pour investir au Royaume-Uni. La livre s'est dépréciée, les actifs sont à des prix attractifs", a-t-il déclaré en passant par Pékin cette semaine, selon le Financial Times.
Accord douanier Sur la même longueur d'onde, la Chine va pousser les autres membres du G20 qui ne l'ont pas encore fait à ratifier d'ici fin 2016 l'accord douanier appelé Accord sur la facilitation des échanges (TFA), a indiqué le vice-ministre chinois au Commerce Wang Shouwen, cité par la presse étatique. Conclu dans la douleur fin 2013 à Bali, cet accord doit être ratifié par les deux tiers des membres de l'OMC pour entrer en vigueur. Plusieurs pays du G20 (Argentine, Canada, Indonésie...) manquent à l'appel. La pleine application du TFA, destiné à réviser les procédures douanières, pourrait gonfler de 1000 milliards de dollars supplémentaires par an le commerce mondial, a récemment estimé l'OMC. Les nombreux différends commerciaux impliquant la Chine - accusée notamment de dumping dans le secteur de l'acier - pourraient aussi s'inviter dans les entretiens shanghaïens. Bruxelles multiplie les mesures anti-dumping contre Pékin, accusé d'inonder le monde d'acier à bas prix pour soulager les colossales surcapacités de ses sidérurgistes. Les Etats-Unis ont eux adopté des taxes prohibitives contre certains aciers chinois. Dans ce contexte, le Parlement européen s'était opposé à l'octroi à la Chine par l'UE du statut d'économie de marché, qui menacerait directement les industries européennes.