A chaque rentrée sociale, ceux qui pensent pouvoir lire l'avenir avec certitude pronostiquent une rentrée des plus difficiles. Chaque été, les mêmes conjurent une explosion sur le front social. Elle avait été annoncée pour la rentrée sociale. Elle est à nouveau annoncée pour la nouvelle année. Il y en a même qui attendent la fin de l'échéance de la mise en œuvre du programme présidentiel pour juger sur pièce. Il y a bien en jeu un million de logements et deux millions d'emplois et le peuple pour le moment attend de voir. D'abord, quels sont les facteurs déclenchant l'explosion ? Il faudrait d'abord qu'existe une force coordinatrice qui capitalise les frustrations socio-économiques. Cette force doit être structurée au niveau national et assez enracinée pour être crédible et surtout écoutée. Or, nous voyons que les émeutes qui sautent de localité en localité, mais jamais simultanées, ne sont pas coordonnées, ce qui signifie qu'il n'y a aucun mouvement structuré qui puisse capitaliser à son profit le mécontentement qui s'exprime localement pour une raison ou une autre. Il est vrai, pour ce qui concerne particulièrement les questions de distribution des logements, que les sources de frustration sont inextinguibles, car quel que soit le nombre de logements en jeu, la demande est beaucoup plus grande. Une émeute nationale organisée par les " sans emplois " ? Il faudrait d'abord qu'existe une association de chômeurs pour canaliser les revendications et les orienter vers la violence, ce qui n'est pas le cas, d'autant que les populations ne se reconnaissent pas plus dans les partis politiques que dans les associations, pas même dans les institutions. La société civile est autonome par rapport aux institutions, aux partis politiques et au mouvement associatif, mais elle demeure éclatée. Eclatée, donc fragmentée, ce qui signifie la difficulté de la mission de les rapprocher pour une action collective spectaculaire et durable. Ceux qui pronostiquent chaque année une explosion sociale ne se donnent pas pour mission de savoir exactement pourquoi leurs prévisions ne se sont pas réalisées.