Les importations alimentaires massives par l'Algérie conditionnent sa sécurité alimentaire et son industrie agroalimentaire, indique une étude du Forum des chefs d'entreprises (FCE) qui relève qu'en dépit des efforts déployés en matière agricole, le déséquilibre demande-offre persiste. Présentée hier, cette étude sur la sécurité alimentaire élaborée par cette organisation patronale indique que les industries agroalimentaires en Algérie contribuent à hauteur de 50 à 55% au PIB industriel hors-hydrocarbures. Cette performance est le fruit de la stratégie engagée durant les dernières années par les pouvoirs publics visant à mettre le secteur agricole au cœur de l'industrie et de l'économie nationale. Sur la période quinquennale 2010-2014, le budget de l'Etat a réservé plus de 1,7 milliard de dollars en moyenne annuelle pour soutenir les investissements programmés dans le cadre de la politique agricole, sans compter les montants alloués au Fonds de soutien à la compensation (soutien et garantie des prix des céréales, de lait, de la tomate industrielle et des produits agricoles de large consommation). En terme de volumes, la production céréalière est passée d'une moyenne annuelle de 3 millions de tonnes sur la période 2005-2008 à près de 5 millions de tonnes sur la période 2009-2015, tandis que la production laitière annuelle est passée de 1 milliard de litres à près de 4 milliards de litres entre ces deux périodes de comparaison. Quant à la pomme de terre, la production est passée de 2 millions de tonnes/an à 4 millions de tonnes et les viandes rouges de 300.000 à 400.000 tonnes/an entre les mêmes périodes de comparaison. Selon l'étude du FCE, le secteur des industries agroalimentaires est le premier employeur dans l'industrie (40% de l'emploi avec près de 150.000 actifs occupés) et produit 40 à 45% de la valeur ajoutée industrielle (plus de 300 milliards DA). Les filières-clès dans ce secteur sont celles des céréales, du lait, des eaux et boissons non alcoolisées. En outre, la mise en valeur des terres conjuguée à une mobilisation croissante du potentiel en eau a permis d'accroître les cultures en irrigué qui ont presque doublé entre 2001 et 2011, sachant que les superficies irriguées sont passées de 512.740 ha en 2001 (6,2% de la superficie agricole utile-SAU-) à 987.005 ha en 2011 (11,7% de la SAU).
Déséquilibre entre l'offre et la demande Malgré les performances constatées, le déséquilibre demande/offre persiste, relève l'étude du FCE qui considère que ce progrès s'est fait "masquer" essentiellement par l'expansion démographique sur une courte période, la forte urbanisation et l'amélioration des revenus salariaux. "La population algérienne, qui s'est multipliée environ par 4 en un demi-siècle seulement, s'est aussi fortement urbanisée", souligne le rapport. Alors que moins du tiers de la population algérienne était rurale au milieu des années 1960, aujourd'hui le rapport rural-urbain s'est inversé au profit de l'urbanisation qui concerne près des deux tiers de la démographie, observent les auteurs de l'étude. Ce phénomène démographique conjugué à l'amélioration des revenus salariaux et non salariaux des ménages explique le fort accroissement de la demande alimentaire. Au cours de la décennie 2000-2010, la population a augmenté de 20% alors que le taux d'urbanisation est passé de 58,3% en 2000 à 66,3% en 2011. "Ce changement social va considérablement influencer les comportements alimentaires", explique l'étude du FCE en ajoutant que par rapport à 2000, les dépenses alimentaires ont été multipliées au niveau national par 2,7 en 2011.
Des importations "massives" pour établir l'équilibre Ces évolutions constatées dans les consommations alimentaires, face à une offre nationale en progression constante mais déficitaire, expliquent le recours croissant aux importations, note l'étude. La facture alimentaire, qui avait atteint un niveau historique record avec plus de 11 mds USD en 2014, a été de 9,3 mds USD en 2015, une baisse due davantage à une diminution des prix mondiaux des produits qu'aux volumes importés, précise le rapport. En 2015, révèle-t-il, l'Algérie a alloué une "allocation devises-alimentation" de 308 dollars/habitant, sachant que le coefficient de cette allocation dans les dépenses alimentaires annuelles et par habitant a été multiplié par 3,5 en moyenne entre les années 2000 et 2011. L'Algérie fait partie, depuis le milieu de la décennie 2000, d'un cercle restreint composé de 6 pays dont les importations sont supérieures à 5 millions de tonnes/an de blé, selon l'étude qui précise que le pays est le 3ème importateur du monde de blé tendre et le 1er importateur mondial de blé dur (50% des échanges mondiaux), et le 2ème importateur mondial de poudre de lait après la Chine. Dans la région de l'Afrique du Nord, le pays a aussi le taux le plus bas de couverture des importations par les exportations agroalimentaires: Entre 1992 et 2014, ce taux s'est situé au-dessous de 5%. "Les approvisionnements du marché national en recourant aux marchés mondiaux conditionnent non seulement la sécurité alimentaire et l'équilibre nutritionnel des populations, mais aussi l'activité de l'industrie agroalimentaire nationale qui reste elle aussi étroitement dépendante de ces marchés pour ses approvisionnement en matières premières", résume l'étude.