Des ministres du G20 ont appelé samedi en Chine à renforcer la coordination de leurs administrations fiscales et les échanges d'informations financières, pour enrayer les pratiques d'optimisation agressive des multinationales et offrir une stabilité accrue aux investisseurs. Mettre un terme aux "lacunes" des régimes fiscaux dus à une mauvaise coordination internationale "changera les choix que font les entreprises", a affirmé le secrétaire au Trésor américain Jacob Lew, devant les autres grands argentiers du G20. L'américain Google et d'autres multinationales comme Amazon ou Facebook sont régulièrement accusées de vouloir échapper aux impôts, aux Etats-Unis et en Europe, en s'installant dans des pays où la fiscalité leur est plus favorable, comme l'Irlande. Le problème s'est invité samedi à un symposium dédié à la fiscalité, à Chengdu (sud-ouest de la Chine), en marge d'une réunion des ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales des vingt principales économies mondiales. "Aujourd'hui, les technologies brouillent les frontières" fiscales, rendant plus compliqué "de comprendre où la valeur est créée", a poursuivi M. Lew. "Il faudrait un critère commun sur les transferts de valeur", a conclu le ministre américain, appelant à résoudre "collectivement" les questions liées aux échanges inter-étatiques de données fiscales. Une position soutenue par plusieurs de ses homologues du G20, ainsi que par le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria, également présent dans la capitale du Sichuan. "Au 21e siècle, le talent, le capital et même les infrastructures s'avèrent de plus en plus mobiles, les façons de créer de la valeur évoluent, cela affecte l'efficacité des systèmes fiscaux", a-t-il insisté. "Combien d'Apple, de Starbucks ou de Google y a-t-il'", s'est interrogé M. Gurria. "C'est un débat mondial évident, crucial". Il a néanmoins reconnu que la fiscalité "demeure un sujet relevant éminemment de la souveraineté" des Etats.
'Réticences' chinoises Pour autant, une quarantaine de pays se sont déjà engagés à renforcer "la transparence pour les sociétés internationales" (reporting par pays) dans le cadre d'un plan de l'OCDE baptisé BEPS --acronyme désignant l'optimisation fiscale--Une directive européenne prévoit par ailleurs l'échange automatique de renseignements sur les entreprises entre administrations fiscales des différents pays. "Nous devons approfondir la coordination fiscale internationale, en se reposant sur les mécanismes existants", a prudemment abondé le ministre chinois des Finances Lou Jiwei --en dépit des réticences de Pékin en la matière. Lors de leur dernière réunion à Washington mi-avril, dans la foulée du scandale des "Panama Papers", les ministres des Finances du G20 avaient plaidé pour accroître leur transparence financière, appelant à se doter de moyens de savoir qui se cache derrière des sociétés-écrans. Le sujet figure de nouveau à l'ordre du jour de Chengdu. "Des progrès considérables ont été faits à Washington", où les Européens avaient proposé l'établissement d'une "liste noire" des pays ne respectant des critères communs de transparence et la possibilité de mesures de rétorsion, observe le ministre français Michel Sapin. "Il peut exister des réticences, qui ne sont pas seulement chinoises, mais (...) il faut avancer" en s'appuyant au travail accompli par l'OCDE, a-t-il indiqué. De son côté, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a mis l'accent samedi à Chengdu sur les gains macroéconomiques de politiques fiscales adaptées. Il faudrait selon elle user de l'outil fiscal pour encourager les investissements dans la recherche et le développement, encore insuffisants dans les pays du G20, "pour que la science et la technologie deviennent le meilleur moyen de surmonter la +nouvelle médiocrité+ de la situation économique actuelle".
Doper les dépenses publiques Face aux menaces grandissantes sur l'économie mondiale --du Brexit au terrorisme--, le FMI a appelé certains pays du G20 à muscler leurs dépenses publiques pour soutenir la croissance, une position appuyée par Paris et Washington, en opposition à l'Allemagne. Alors que débute à Chengdu (sud-ouest de la Chine) une réunion de deux jours des ministres des Finances du G20, l'institution de Washington a diffusé samedi un rapport dépeignant un tableau alarmant de l'économie mondiale. "La croissance demeure faible, les risques à la baisse sont devenus plus proéminents", indique le FMI, après avoir abaissé mardi ses prévisions de croissance mondiale pour 2016 et 2017, à 3,1% et 3,4% respectivement. La progression du PIB du globe pourrait même "ralentir encore plus drastiquement si la montée actuelle des incertitudes politiques et économiques persiste, à la suite du +Brexit+", souligne le rapport. Dans ce contexte, les politiques monétaires ultra-accommodantes trouvent leurs limites, et "les marges de manœuvres budgétaires quand elles existent doivent être utilisées", a plaidé le FMI, notamment pour "compenser les coûts de réformes structurelles", celles-ci restant plus que jamais "nécessaires" (marché du travail, fiscalité...). L'Australie, la Canada, les Etats-Unis et l'Allemagne sont nominalement enjoints par le Fonds à "orienter les dépenses publiques vers les investissements dans les infrastructures". Plus encore, "des réformes qui facilitent l'accroissement des investissements d'infrastructures aideront à gonfler les capacités productives, doperont directement la demande à court terme et catalyseront les investissements privés", fait valoir le FMI. Le secrétaire au Trésor américain, Jacob Lew, était samedi sur la même longueur d'ondes. "On en arrive à un point où il est essentiel pour nous tous de redoubler nos efforts et d'utiliser tous les outils à notre disposition pour muscler notre croissance commune", a-t-il déclaré à des journalistes à Chengdu. "Ce sont des recettes familières, mais qu'il vaut le coup de réitérer, qu'il s'agisse des outils structurels ou budgétaires", a-t-il insisté. Les grandes banques centrales se démènent certes toujours pour soutenir l'activité, à coup de montagnes de liquidités et d'abaissements des taux d'intérêts, mais "la politique monétaire ne peut pas tout", avait averti vendredi le ministre français des Finances Michel Sapin. Il faut que "les pays qui ont des marges budgétaires les utilisent pour soutenir l'investissement (...) C'est ce que nous réaffirmerons (à Chengdu) même si ça pose problème à tel ou tel pays", avait-il confié, dans une allusion transparente à l'orthodoxie allemande. Berlin, en effet, campe sur son credo des uniques "réformes structurelles", après avoir dénoncé lors d'un précédent G20-Finances des relances budgétaires "inefficaces" et des politiques monétaires "contreproductives".