Le constructeur de véhicules électriques de luxe Tesla a annoncé lundi un accord de 2,6 milliards de dollars pour acquérir le producteur d'énergie solaire SolarCity, officialisant ainsi une fusion entre deux sociétés créées par l'entrepreneur sud-africain Elon Musk. Ce mariage, dont les bans avaient été publiés fin juin, suscite des critiques à Wall Street où de nombreux investisseurs et experts dénoncent un conflit d'intérêt de la part de M. Musk et des membres de sa famille qui sont impliqués dans les deux sociétés. Ils estiment qu'Elon Musk fait assumer à Tesla le passif de SolarCity. Défendant la transaction entre Tesla qu'il a lancée en 2003 et SolarCity fondée trois ans plus tard, M. Musk a répété lundi que c'était le bon moment et c'est ce qu'il faut faire. Comme en juin, il met en avant que fusionner les deux sociétés coule de source et va créer la première compagnie au monde intégrée verticalement, avec une offre de batteries stockant l'énergie renouvelable produite par les panneaux solaires et les éoliennes. L'idée est de créer un guichet unique pour la production et le stockage d'énergie solaire, afin d'alimenter voitures électriques, stations de recharge, maisons et bureaux. M. Musk veut s'appuyer sur une gigantesque usine de batteries que construit actuellement Tesla dans Nevada (ouest). Grosso modo, un acheteur d'une voiture Tesla aura tout sur place. Les deux entreprises ont déjà des partenariats: SolarCity se sert par exemple des batteries Tesla pour stocker l'électricité produite par ses panneaux solaires notamment sur l'île hawaïenne de Kuai.
Confusion Les détails financiers évoquent une transaction tout en actions: les actionnaires de Solarcity vont recevoir 0,11 action Tesla pour chaque titre détenu, soit environ 25,37 dollars. A ce prix, SolarCity est valorisé à 2,6 milliards de dollars. Les conseils d'administration des deux entreprises ont approuvé ce mariage, censé permettre de réaliser 150 millions de dollars d'économies en synergies dès la première année de sa finalisation prévue au quatrième trimestre. Les actionnaires doivent toutefois encore donner leur feu vert. A Wall Street, le titre Tesla prenait 0,33% à 235,57 dollars, tandis que SolarCity décrochait de 5,54% à 25,22 dollars dans les premiers échanges. Cette transaction a créé l'un des tout premiers couacs entre Elon Musk, entrepreneur visionnaire, et la communauté financière jusqu'ici en large majorité fervente supportrice de ses ambitions parfois démesurées. Tesla avait perdu en juin plus de 3,4 milliards de dollars de sa valorisation boursière (-10,45%) lors de la seule séance ayant suivi les premières informations sur l'opération. Certains observateurs s'interrogent sur les problèmes de gouvernance que soulève le mariage. Les deux groupes partagent des membres de leur conseil d'administration et deux des cousins de M. Musk, Lyndon et Peter Rive, sont respectivement directeur général et responsable des technologies de SolarCitry. Le milliardaire a par ailleurs effectué des montages financiers inhabituels pour renflouer SolarCity: il a souscrit individuellement à des émissions obligataires et s'est endetté personnellement pour ventiler des fonds entre les deux entreprises. Pour balayer ces accusations, Elon Musk, qui détient 21,1% de Tesla et 22,5% de SolarCity et est le président de leur conseil d'administration respectif, ne prendra pas part au vote des actionnaires. SolarCity, fortement endetté et en perte lors des trois dernières années, a en outre jusqu'au 14 septembre pour solliciter d'autres acquéreurs potentiels, période connue dans le langage financier sous l'appellation Go-shop. Il versera 78,2 millions de dollars à Tesla en cas de rupture des fiançailles ou 26,1 millions s'il trouvait un chevalier blanc dans l'intervalle. Le mariage avec SolarCity ajoute par ailleurs de la confusion à la quête d'identité de Tesla, estiment certains experts, parce qu'il intervient au moment où la start-up californienne veut asseoir sa place de constructeur populaire avec la commercialisation prévue fin 2017 de la Model 3, sa première voiture produite en série et destinée au grand public. Le groupe automobile, qui n'a jamais dégagé un bénéfice depuis sa création malgré une bonne réputation auprès des consommateurs, compte sur ce véhicule pour produire 500 000 véhicules par an d'ici à 2018, soit plus de cinq fois les 89 000 voitures annuelles construites actuellement. Il a par ailleurs annoncé récemment de nouveaux projets dont la production d'un camion pour le fret et d'un bus.