Un peu de répit sur Hinkley Point: la justice a rejeté vendredi la demande du comité central d'entreprise (CCE) d'EDF de suspendre le feu vert donné par l'électricien public à ce projet controversé de centrale nucléaire en Angleterre, dans l'attente d'une audience décisive fin septembre. La juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a estimé qu'il n'y avait pas lieu à référé dans la mesure où aucun dommage imminent susceptible de survenir d'ici le 30 septembre (...) n'est précisément évoqué, ni justifié, dans une ordonnance. Elle précise qu'aucun calendrier prévisionnel ne laisse prévoir la prise de décisions irréversibles avant la fin du mois de septembre, quand la justice aura à se prononcer sur un autre recours du CCE susceptible de mettre à mal la décision du conseil d'administration d'EDF. Malgré la vive opposition des syndicats, ce dernier avait pris, le 28 juillet, une décision finale d'investissement dans la construction de deux réacteurs EPR outre-Manche, un chantier de 18 milliards de livres (environ 21,2 milliards d'euros) supporté à un tiers par le chinois CGN. Mais dans les faits, le projet est déjà suspendu à une décision du gouvernement britannique. Pourtant considéré comme un fervent partisan d'Hinkley Point, celui-ci avait surpris en déclarant, immédiatement après la réunion d'EDF, vouloir prendre le temps de la réflexion et se prononcer au début de l'automne. On demandait de surseoir à la décision irréversible du conseil d'administration d'EDF, le gouvernement britannique l'a fait à notre place: les contrats sont sous scellés, avait commenté le secrétaire du CCE, Jean-Luc Magnaval, à l'issue de l'audience de référé mardi. Le secrétaire du CCE estime que toute décision intervenant d'ici fin septembre pourrait l'amener à reconsidérer cette notion de dommage imminent, a-t-il par ailleurs réagi dans un message écrit transmis.
La partie loin d'être terminée Avec ce référé, il s'agissait pour le CCE de défendre son accès au juge, EDF ayant décidé de soumettre le projet au vote des administrateurs sans attendre le résultat d'une autre action en justice intentée par l'instance représentative du personnel pour obtenir des documents complémentaires sur Hinkley Point, afin de pouvoir rendre valablement un avis. Détenu à près de 85% par l'Etat français, l'électricien estime, de son côté, avoir clos le 4 juillet la procédure de consultation, l'absence d'avis du CCE valant à ses yeux avis négatif, au demeurant purement consultatif. La prochaine audience est programmée le 22 septembre, avant une décision - au fond - du tribunal de grande instance dans un délai de huit jours. Le projet Hinkley Point suscite de fortes inquiétudes au sein même d'EDF. Les fédérations CGT, FO et CFE-CGC demandent son report de deux ou trois ans de crainte qu'il ne fragilise la situation financière du groupe, déjà confronté à d'importants défis financiers comme la rénovation de ses centrales nucléaires françaises. La partie est loin d'être terminée. (...) Nous allons continuer à exiger de la direction les documents que nous n'avons toujours pas et attendons le jugement du 22 septembre, a prévenu Philippe Page Le Merour, de la CGT. Pour le secrétaire général de la fédération FO Energie et Mines, Vincent Hernandez, la question de la validité de la délibération du conseil d'administration se pose du fait même que l'ensemble des informations dont disposaient l'Etat et le président d'EDF sur le report de la décision britannique n'ont été fournies ni au conseil d'administration d'EDF, ni aux marchés financiers. Le P-DG Jean-Bernard Lévy avait en effet appris, avant que son conseil se prononce sur le projet, que Londres souhaitait se donner un peu plus de temps sur ce dossier, selon un courriel qu'il a adressé mardi aux membres du comité exécutif. Nous avons donc annulé les préparatifs de la signature, ajoute-t-il. Une cérémonie de signature des accords sur Hinkley Point était en effet prévue en Grande-Bretagne le vendredi 29, au lendemain du conseil d'administration d'EDF qui a approuvé le projet, indique M. Lévy. Au moment du vote du conseil, le jeudi 28 après-midi, nous savions donc que la cérémonie ne serait pas le lendemain, observe-t-il. Mais nous n'avions pas d'alerte sur le fond, et nous ignorions l'existence et le contenu du communiqué de presse du gouvernement britannique qui en réalité est sorti dans les deux heures suivant notre propre communication, poursuit-Il. Le jeudi soir, le ministre britannique des Entreprise et de l'Energie, Greg Clark, avait déclaré que le gouvernement allait examiner avec soin le projet et ne rendrait pas sa décision finale avant le début de l'automne. Cette annonce avait surpris et relancé les craintes sur l'avenir du projet, critiqué au sein même d'EDF en raison notamment de son coût gigantesque (environ 21,5 milliards d'euros). La position du gouvernement britannique, que nous ne pouvions anticiper, nous devons la respecter et nous y adapter, ajoute Jean-Bernard Lévy dans son courriel. Le P-DG d'EDF indique par ailleurs que la convocation du conseil d'administration, le 21 juillet, s'était faite avec le feu vert de l'Etat, qui nous avait prévenu que vu son arrivée très récente, la nouvelle Première ministre britannique demandait 'quelques jours' avant de se prononcer. Interrogé, le groupe EDF n'a pas souhaité commenter ces informations. Sur une ligne un peu divergente, la CFDT regrette elle une judiciarisation excessive autour du processus d'information consultation qui a été revendiqué unanimement, a indiqué Vincent Rodet, coordinateur groupe du syndicat à EDF. La CFDT attend de voir comment le gouvernement britannique se prononcera, a-t-il ajouté. Outre les dépens (frais de justice), le CCE a été condamné à payer 3 000 euros à EDF dans le cadre de la procédure en référé. Le groupe n'a pas fait de commentaire.
Jeter un froid entre Londres et Pékin Le choix du Royaume-Uni de reporter à l'automne sa décision finale sur la construction d'une centrale nucléaire à Hinkley Point risque de jeter un froid sur les relations entre Pékin et le nouveau gouvernement britannique de Theresa May. L'ex-Premier ministre David Cameron, qui a démissionné après le vote du 23 juin en faveur d'un départ de l'Union européenne, avait fait des relations avec la Chine un axe central de sa politique économique. En octobre 2015, Londres déroulait le tapis rouge au président chinois Xi Jinping, cherchant à attirer des investissements bienvenus en période d'austérité. Energie, immobilier et transports, les besoins sont en effet criants au Royaume-Uni dans le domaine des infrastructures, particulièrement dans le nord que le pouvoir central cherche à développer. David Cameron affirmait alors que la Grande-Bretagne serait "le meilleur partenaire occidental de la Chine", et selon le gouvernement britannique, les accords signés pendant cette visite d'Etat ont atteint 40 milliards de livres (47 milliards d'euros). La Chine s'était à l'époque engagée à financer, par le biais de l'entreprise publique CGN, un tiers du projet géant de construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR par le groupe français EDF à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre, d'un montant total de 18 milliards de livres. Mais à peine le feu vert du conseil d'administration d'EDF donné le 28 juillet après des années de discussions, Londres a surpris en prévenant qu'il devait encore l'"examiner avec soin" et qu'il ne rendrait sa décision finale qu'au début de l'automne. Or, à l'heure où le Royaume-Uni, sur le chemin d'une sortie de l'Union européenne, va devoir chercher de solides alliances commerciales hors de l'Union, ce retard pourrait porter un coup à ses relations avec la Chine, deuxième puissance économique mondiale. Le gouvernement britannique "a créé un problème", estime le professeur Kerry Brown, directeur de l'institut Lau China Institute au King's College London. "Plus nous serons ouverts aux relations commerciales en ce moment, mieux cela vaudra".
Craintes pour la sécurité La presse officielle chinoise s'est inquiétée en affirmant que ce retard "ajoutait des incertitudes à +l'âge d'or+ des relations entre la Chine et le Royaume-Uni". Du côté britannique, le projet de Hinkley Point suscite de nombreux doutes: sur son rapport qualité-prix, son impact environnemental mais aussi les potentiels risques en termes de sécurité énergétique liés à la participation des Chinois, dont c'est le premier investissement dans un secteur aussi stratégique et sensible d'un grand pays occidental. Alors que les intentions de Theresa May, arrivée aux commandes du pays le 13 juillet, sont encore incertaines, son chef de cabinet, Nick Timothy, avait déjà par le passé exprimé des réticences. Selon lui, il est "incompréhensible" que le Royaume-Uni ait accepté des investissements chinois compte-tenu des risques en matière de sécurité industrielle. Pour lui, la Chine serait à même d'introduire des failles dans les systèmes informatiques britanniques, "qui lui permettraient d'interrompre la production énergétique" si elle le voulait. "Aucun accord commercial ou investissement, aussi important soit-il, ne peut justifier de laisser à un Etat hostile un accès facile aux infrastructures les plus sensibles du pays", avait-il écrit dans un blog l'année dernière. Pékin ne "peut pas tolérer" les accusations selon lesquelles ses investissements menaceraient la sécurité nationale du Royaume-Uni, a rétorqué l'agence Chine Nouvelle. La presse britannique a de son côté accueilli avec soulagement le report du projet. Bien que la nouvelle constitue "une entorse aux relations diplomatiques", elle va "dans la bonne direction" en raison des risques financiers et sécuritaires, a estimé l'hebdomadaire The Observer. Pour Kerry Brown, si Pékin devrait pouvoir comprendre la "prudence initiale" du nouveau gouvernement britannique, l'attitude de la Chine risque de changer si le projet est finalement abandonné. "Ils interprèteront cela comme un signe que les relations entre la Chine et le Royaume-Uni sont redevenues méfiantes, et retomberont dans le travers d'un manque de confiance l'un envers l'autre", remarque-t-il. A l'heure où le nouveau gouvernement britannique s'affranchit d'une bonne partie de l'héritage de David Cameron, avec notamment une nouvelle stratégie industrielle à définir, les relations économiques avec Pékin pourraient souffrir.
Nouveau revers pour le projet A peine lancé par EDF, le projet de l'électricien de construire une centrale nucléaire au Royaume-Uni subit un nouveau contretemps: le nouveau gouvernement britannique s'est donné plus de temps pour se prononcer sur ce gigantesque chantier controversé, relançant les craintes sur son avenir. Le ministre britannique des Entreprise et de l'Energie, Greg Clark, a surpris jeudi soir en déclarant que le gouvernement allait examiner avec soin le projet et ne rendrait pas sa décision finale avant le début de l'automne. Cette annonce a pris de court jusqu'au sommet même d'EDF, dont le conseil d'administration venait d'approuver le lancement de la construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre, après des années de discussions. Cette décision laissait présager une signature rapide, voire dès vendredi, des principaux contrats qui lieront EDF au gouvernement britannique, à son partenaire chinois CGN et à leurs fournisseurs. Mais outre-Manche, le nouvel exécutif mis en place après le referendum sur le Brexit, dirigé par la Première ministre Theresa May, souhaite prendre le temps de parcourir les milliers de pages constituant les accords préliminaires signés en grande pompe en octobre 2015, lors d'une visite d'Etat du président chinois. Vous savez bien qu'un contrat est signé ou ne l'est pas. En l'occurrence, il ne l'est pas, a reconnu le P-DG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, lors d'une conférence téléphonique vendredi, interrogé sur la possibilité d'une remise en cause du projet par Londres. Le gouvernement britannique qui doit être partie prenante à la signature au titre d'un certain nombre d'engagements, en matière de tarifs, de gestion des déchets et quelques autres, a fait comprendre hier soir qu'il n'est pas en mesure de le faire dès maintenant. Il n'y a pas de contrat signé aujourd'hui, il y a seulement eu des intentions, a-t-il ajouté. Ce report interroge en tout cas outre-Manche. Préfigure-t-il un éventuel changement de politique, au moment où Londres s'apprête à négocier sa sortie de l'UE ? La décision pourrait retarder la date de mise en service, jusqu'ici annoncée pour 2025 avec un premier béton coulé mi-2019. Au grand dam des syndicats britanniques qui craignent des répercussions sur l'économie et l'emploi du Royaume-Uni, à l'unisson avec le patronat (CBI) qui réclame une décision dès que possible. Le groupe EDF s'est lui voulu rassurant. Je ne doute pas du soutien du gouvernement, a dit son P-DG. C'est une décision essentielle pour l'avenir du nucléaire en Grande-Bretagne et en France, a-t-il estimé, en écho à la position du gouvernement français. Pourtant, le feu vert du conseil d'administration d'EDF au projet est fragilisé par deux procédures judiciaires lancées par le comité central d'entreprise du groupe, et par des vives dissensions internes sur sa faisabilité à court terme. Les syndicats français ont renouvelé vendredi leur opposition à ce projet précipité qui menace, selon eux, la viabilité d'EDF. L'agence de notation Moody's a par ailleurs estimé que l'approbation du projet a une incidence négative sur le profil de crédit de l'électricien compte tenu de l'ampleur de cet investissement et des risques d'exécution qu'il suppose. En désaccord avec la volonté du P-DG de poursuivre coûte que coûte, deux responsables ont démissionné à quelques mois d'intervalles: le directeur financier en mars, et un administrateur proposé par l'Etat français jeudi.