Bruxelles a donné son feu vert au partenariat entre CGN et EDF pour construire les deux réacteurs nucléaires EPR d'Hinkley Point (Angleterre), une bouffée d'air pour ce projet, malgré de nouvelles critiques et les difficultés de l'électricien français à boucler son financement. La Commission européenne a approuvé le projet de création de trois co-entreprises entre l'électricien français et l'entreprise publique chinoise au Royaume-Uni, dont celle qui doit servir de base à la construction et à l'exploitation des deux réacteurs de troisième génération à Hinkley Point. Elle a estimé que ces trois co-entreprises (les deux autres concernent deux projets de centrale nucléaire à Sizewell et Bradwell) ne porteraient pas atteinte à la concurrence dans l'approvisionnement en électricité au Royaume-Uni. Sur la base d'un accord conclu en octobre 2015 pour ce projet gigantesque de 18 milliards de livres (environ 23 milliards d'euros), EDF financera la coentreprise à hauteur de 66,5%, tandis que CGN apportera le tiers restant, après le retrait d'Areva du fait de ses difficultés financières. Ce feu vert est un pas positif pour le projet d'Hinkley Point C, a réagi EDF dans une déclaration écrite transmise. Il montre que les accords solides qui sous-tendent le projet continuent de satisfaire un examen indépendant, a-t-il ajouté. L'électricien réitère son intention de prendre une décision finale d'investissement dans un avenir proche. Et c'est bien cette étape, la dernière avant la concrétisation du projet, qui tarde à venir. Car le modèle validé par Bruxelles n'est pas celui que le groupe envisageait au départ. Soucieux de limiter l'impact financier de ce projet dans ses comptes, déjà plombés par une dette de plus de 37 milliards d'euros, EDF devait initialement ne détenir qu'au plus 50% du projet, le reste étant apporté par CGN, Areva, disqualifié depuis par ses déboires financiers, et un autre acteur chinois CNNC, pour l'instant absent du tour de table. Or, parallèlement, la direction d'EDF a validé le programme d'investissements d'environ 50 milliards de dollars pour une maintenance lourde de ses 58 réacteurs français et va aussi devoir racheter la majorité de la branche réacteurs d'Areva. Cela, dans un contexte énergétique déprimé en Europe avec des prix de marché très bas et un environnement de plus en plus concurrentiel, qui pèsent sur les revenus du groupe. C'est d'ailleurs pour ce faisceau de raisons, que certains au sein même d'EDF plaident pour un report du projet. Le départ soudain du directeur financier Thomas Piquemal, annoncé par le groupe en début de semaine, qui selon une source proche était en désaccord sur la faisabilité à court terme du projet, a mis en lumière ses inquiétudes.
Critiques britanniques et françaises Le quotidien britannique Times a publié un éditorial mardi, intitulé Désastre nucléaire, appelant à l'abandon du projet. Les syndicats d'EDF, qui alertent depuis plusieurs semaines, sont ainsi remontés au créneau, inquiets de voir cet investissement faire prendre un risque fatal à EDF, selon la CFE-CGC Energie. FO Energie et Mines prône son décalage dans le temps, en particulier pour avoir les retours d'un EPR en fonctionnement, alors que quatre chantiers sont en cours (un à Flamanville en France, un autre en Finlande et deux en Chine), et ont tous enregistré des retards. Jeudi, coïncidence du calendrier, la Cour des comptes a publié un rapport dans lequel elle s'interroge sur les risques et les engagements effectivement supportés par EDF dans le projet d'Hinkley Point. Elle jugeait également que le montage financier initial, pourtant plus favorable aux comptes d'EDF, illustrait déjà le poids - et la difficulté à le surmonter - de la contrainte financière à laquelle le groupe est confrontée. Face à ces critiques, le projet continue d'être soutenu vaille que vaille par l'Etat français, actionnaire à 84,5% d'EDF, et le gouvernement britannique. Jeudi, c'est l'ancien directeur du projet, parti récemment aux Etats-Unis dans le groupe Entergy, qui est venu au secours d'Hinkley Point, dont les fondements ont tenu face à toutes les études, selon lui.
De fortes interrogations sur les risques Le projet d'EDF de construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR à Hinkley Point (Angleterre) suscite de fortes interrogations sur les risques et engagements financiers que va devoir supporter EDF, alerte un rapport de la Cour des comptes publié. S'il se base sur le schéma de financement initial, plus d'actualité aujourd'hui mais qui était plus confortable pour les comptes d'EDF, le rapport de la Cour, finalisé en novembre 2015, pointait déjà le poids - et la difficulté de le surmonter - de la contrainte financière à laquelle le groupe se trouve confronté dans son développement à l'étranger. Dans ce scénario, EDF aurait détenu au maximum 50% du projet en étant associé à Areva et aux deux industriels chinois CGN et CNNC. Après le retrait d'Areva du fait de ses difficultés financières et selon un accord signé en octobre 2015, EDF détiendra désormais 66,5% de ce projet de 18 milliards de livres -- et devra donc le consolider dans ses comptes -- tandis que CGN apportera un tiers du financement. La déconsolidation comptable initialement annoncée, (...) apparaissait contradictoire avec la réalité des risques et des engagements effectivement supportés par EDF, notamment en tant que responsable de la construction de la centrale et de la sûreté nucléaire, jugent les sages de la rue Cambon dans ce rapport sur la stratégie internationale de l'électricien français depuis 2009. La Cour relève notamment les interrogations sur la capacité du projet à tenir les délais, étant donné les retards enregistrés sur les autres chantiers EPR en cours dans le monde, dont Flamanville (Manche) et Olkiluoto en Finlande. Elle souhaite également que les contreparties industrielles négociées avec le ou les partenaires soient raisonnablement proportionnées aux enjeux du projet pour EDF et met en avant l'impact potentiel pour l'Etat français (actionnaire à plus de 84% d'EDF) du risque de pertes qu'EDF encourt dans des projets de cette taille. EDF tarde à prendre une décision finale d'investissement, ultime étape avant la concrétisation de ce projet, controversé jusqu'au sein même de l'électricien, et qui a conduit à la démission de son directeur financier, annoncée en début de semaine. Car EDF, qui affiche un endettement net de 37,4 milliards d'euros, a d'autres investissements à financer, notamment le rachat de la branche réacteurs d'Areva et le programme de maintenance lourde des 58 réacteurs français. Dans son rapport, la Cour des comptes estime que la stratégie à l'international du groupe a globalement manqué de lisibilité car segmentée, par activité, par pays, par projet. Elle salue le réalisme financier de la stratégie de cessions d'EDF depuis 2009, même si elle regrette par exemple un retrait quasiment général des activités de distribution, sources d'innovations, ou l'échec couteux du partenariat avec Constellation Energy dans le nucléaire aux Etats-Unis. En Europe, la Cour note une ligne plutôt attentiste aux résultats contrastés. Elle salue la stratégie du groupe en Chine, où les partenariats avec des groupes locaux facilitent l'accès aux marchés internationaux ouverts. Elle regrette enfin des investissements modestes dans les énergies renouvelables via la filiale EDF Energies nouvelles. Dans sa courte réponse à la Cour, datant du 8 janvier, le P-DG d'EDF Jean-Bernard Lévy ne revient en détail que sur cette dernière, réfutant ce qualificatif de modeste et citant le doublement de la capacité installée entre 2010 et 2014.