Confronté comme les autres grands groupes américains de télévision à la concurrence croissante de la vidéo en ligne, Disney a réagi mardi avec un pari à un milliard de dollars sur le streaming de contenus sportifs. Le géant des médias et du divertissement va payer ce montant pour une participation de 33% dans BAMTech, avec une option pour en prendre le contrôle majoritaire dans les prochaines années. Cette entreprise, spécialisée dans les technologies liées au streaming, est issue de la branche d'activités numériques de la Ligue américaine de baseball (MLB) et compte aussi la Ligue nationale de hockey (NHL) comme actionnaire minoritaire. L'accord avec BAMTech va en outre déboucher, probablement en fin d'année, sur le lancement d'un service par abonnement proposé directement sur internet sous la marque d'ESPN, le bouquet de chaînes câblées sportives de Disney. Le P-DG de Disney Bob Iger a évoqué lors d'une téléconférence avec des analystes la possibilité de "faire une avancée majeure sur le créneau de la vidéo proposée directement aux consommateurs" sur internet, sans l'intermédiaire d'un opérateur du câble ou du satellite. "Notre investissement dans BAMTech nous donne l'infrastructure technologique dont nous avons besoin pour rapidement augmenter notre échelle et monétiser nos capacités de streaming pour ESPN et à travers notre groupe", a-t-il affirmé. Disney va en effet accéder à d'importantes technologies détenues par BAMTech et utilisées en particulier pour permettre la retransmission en direct d'événements suivis simultanément par beaucoup d'internautes. Ces technologies servent déjà pour une série de services de vidéo en ligne revendiquant près de 7,5 millions d'abonnés: beaucoup d'entre eux dépendent de ligues sportives (baseball, hockey, lutte, golf...) mais on retrouve aussi parmi les clients de BAMTech un service comme HBO Now, lancé l'an dernier par la chaîne à péage de Time Warner célèbre pour ses séries comme "Game of Thrones". Compléter l'offre câblée Disney avait choqué quand il avait concédé pour la première fois l'été dernier une érosion des abonnements de son bouquet star ESPN, une tendance toujours constatée sur le trimestre clos début juillet, le troisième de son exercice décalé, dont il publiait parallèlement les résultats mardi. Au final, le chiffre d'affaires des chaînes câblées a augmenté de seulement 1% à 4,2 milliards de dollars, une croissance bien maigre comparé à celle de l'ensemble du groupe, qui reste soutenu par la grande forme de ses studios de cinéma et de ses parcs d'attractions: son chiffre d'affaires total a grimpé de 9% à 14,3 milliards de dollars, et son bénéfice net de 5% à 2,6 milliards. La maison mère de Mickey Mouse a en effet longtemps été relativement épargnée par les répercussions de l'essor de la vidéo en ligne par rapport à d'autres groupes de télévision américains. Elle pouvait en effet bien monnayer les droits de diffusion de son énorme catalogue de contenus sur les services internet proposant des vidéos à la demande comme Netflix. Surtout, s'abonner aux chaînes câblées d'ESPN permettait de suivre en direct énormément de retransmissions sportives, difficiles à retrouver sur un service en streaming. C'est toutefois de moins en moins vrai avec la montée en puissance de la vidéo en direct en ligne. Un nombre croissant d'acteurs internet comme Yahoo! ou Twitter passent des accords avec des ligues sportives pour diffuser des matchs; et de nouvelles offres "allégées" comme SlingTV ou Sony Vue permettent désormais d'avoir la télévision en direct sur internet avec une sélection de chaînes moins étendue, et donc moins coûteuse, que les forfaits traditionnels du câble et du satellite. Disney a commencé à se repositionner en passant des accords pour intégrer ses chaînes principales, comme ABC mais aussi ESPN, à certaines de ces nouvelles offres allégées en ligne. Et, comme d'autres grands acteurs de la télévision (HBO, CBS...), il veut donc désormais s'adresser sans intermédiaire aux internautes. Bob Iger a toutefois insisté sur le fait que le service de streaming en ligne d'ESPN viserait à compléter, et pas cannibaliser, l'actuel bouquet câblé. Il proposera des retransmissions en direct mais il s'agira soit de contenus dont ESPN a acheté les droits mais qu'il ne diffuse pas sur ses chaînes, soit des contenus apportés par BAMTech. A Wall Street, l'action Disney perdait malgré tout 1,85% à 94,88 dollars vers 23H30 GMT dans les échanges électroniques suivant la clôture.