L'exigence de performance écologique et économique va transformer l'éclairage de la ville de demain. La lampe à led, principale candidate pour prendre la relève, bouleverse déjà le marché. L'éclairage public en France compte 9,5 millions de points lumineux. Le parc est vieillissant, l'âge moyen des installations se situant entre 20 et 30 ans, selon l'Association française de l'éclairage. Or, plus une lampe est ancienne, plus elle se montre énergivore et donc coûteuse. Les dépenses pour l'éclairage urbain s'élèvent globalement à près de 2 milliards d'euros par an en France, dont la moitié consacrée à la maintenance, un quart au renouvellement du parc et le dernier quart à la consommation d'énergie. Mais il faut comprendre que l'éclairage peut être un levier de financement pour réaliser des économies, explique une porte-parole de l'Association française de l'éclairage, qui évalue le potentiel d'économies entre 40 et 70%. La technologie led est aujourd'hui la principale candidate prête à prendre la relève des lampes à sodium. Investir dans cette technologie peu énergivore permet d'éclairer précisément une zone. La déperdition diminue, notamment la pollution lumineuse vers le ciel, réduisant les effets nocifs sur la faune et la flore. On est en phase de transition, aussi bien la réglementation que les évolutions d'usages vont amener les collectivités à changer leurs installations, souligne l'association. A Paris, des leds ont remplacé les lampes à sodium de la place Vendôme et de la rue de Rivoli, pour une économie annuelle de 406 mégawattheures (MWh), selon la mairie. La ville a diminué sa consommation d'électricité pour l'éclairage de 21% par rapport à 2004. Pour améliorer son score, elle travaille sur d'autres pistes, comme l'adaptation de la lumière dans les tunnels en fonction de la vitesse des voitures et de la luminosité extérieure. Elle planche aussi sur la détection de présence. Des outils permettent également de contrôler les lampadaires à distance. La jeune entreprise Kawantech, par exemple, propose un capteur qui analyse la présence dans la rue de personnes, de cyclistes ou de voitures pour adapter l'éclat. Après un an de tests, le système a convaincu la mairie de Toulouse, qui a commandé 485 lampadaires intelligents. Un marché en mutation Sans la technologie led, ces innovations n'auraient pas vu le jour. Etant un pur produit électronique, donc connectable, elle fait basculer l'éclairage dans l'ère du numérique. Son prix d'achat reste supérieur à celui des ampoules traditionnelles mais elle représente aujourd'hui près de la moitié des ventes. Elle se démarque par sa durée de vie, qui peut atteindre une quinzaine d'années. Or, sa longévité bouleverse le marché. Cette technologie ruine en effet le modèle de revenus historiques des géants de l'ampoule fondé sur un renouvellement fréquent, indique le cabinet Xerfi, qui a mené cette année une étude sur le sujet. Les acteurs du secteur sont ainsi amenés à repenser leur positionnement. Fait très rare dans un grand secteur, trois des quatre leaders mondiaux de la fabrication de lampes et appareils d'éclairage ont entamé ces derniers mois un mouvement de désengagement du marché, selon Xerfi. En France, les fabricants misent pour l'heure sur des produits à forte valeur ajoutée, qui offrent pour certains de nouvelles fonctionnalités. Le lifi (light fidelity) fait partie des technologies les plus avancées. Ce système de connexion internet sans fil haut débit est basé sur les modulations des leds, qui s'allument et s'éteignent plusieurs fois par seconde. Alternative aux ondes électromagnétiques comme le wifi, il pourrait s'imposer dans les lieux où ces ondes sont interdites, comme les hôpitaux et les écoles. Lucibel, société spécialisée dans les leds pour les entreprises, vient ainsi d'annoncer le lancement de son premier luminaire équipé de lifi destiné aux professionnels. La technologie serait aussi utilisable en extérieur. Au sein d'un consortium, EDF a contribué à installer à Palaiseau, dans l'éco-quartier Camille Claudel, un réseau de lampadaires équipés de lifi. Le consortium oeuvre pour transformer ce prototype en système industriel. Mais d'une façon plus générale, l'étape qui se prépare, c'est de vendre le service de la lumière, indique Lionel Brunet, délégué général du Syndicat de l'éclairage. Plutôt que d'acheter du matériel, les clients le loueraient, avec un service d'installation et d'entretien. C'est possible car chaque point lumineux peut être surveillé à distance, ajoute-t-il. Ce système pourrait d'abord être adopté dans un secteur comme celui de la distribution, où l'éclairage est souvent modifié afin de mettre en valeur les produits et dynamiser les ventes.