L'Egypte a franchi mardi une nouvelle étape en vue de la promulgation d'un projet de loi controversé régulant les activités des ONG, un texte restrictif pour la société civile selon ses détracteurs. Le Parlement a approuvé définitivement mardi le projet de loi après l'amendement de certaines dispositions, selon son site Internet. Le texte a été envoyé au président Abdel Fattah al-Sissi qui peut le promulguer ou le transférer une nouvelle fois aux députés pour de nouveaux changements, selon le député Khaled Youssef. Mais le Parlement pourrait toutefois maintenir le projet de loi sous sa forme actuelle, jugée dévastatrice pour la société civile par un expert de l'ONU. Depuis que l'armée a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, les autorités répriment toute forme d'opposition, et n'hésitent pas parfois à prendre directement pour cible les organisations de défense des droits de l'Homme. Le nouveau projet prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans de prison et des amendes pouvant atteindre un million de livres égyptiennes (59.000 euros) pour tout contrevenant aux dispositions de la loi. Aucune organisation ne peut mener une étude ou un sondage sans obtenir une autorisation de l'Etat. Et pour la publication, une autorisation est également requise. Les ONG étrangères devront également payer jusqu'à 300.000 livres (18.000 euros) pour s'installer en Egypte et devront renouveler leur permis au bout d'une durée impartie. Après un premier vote favorable à l'Assemblée à la mi-novembre, le projet de loi avait été envoyé au Conseil d'Etat pour consultations. Les amendements de mardi, superficiels selon M. Youssef, ne touchent pas à la philosophie de la loi, qui cherche à restreindre la société civile. Ce projet de loi représente la fin du travail de la société civile, assène-t-il. Le texte prévoit par ailleurs une Autorité nationale regroupant notamment des représentants des services de sécurité, des renseignements et de l'armée pour gérer toute question relative aux financements venus de l'étranger ou aux activités des organisations étrangères installées en Egypte. Il y a un nombre restreint d'associations jouant un rôle suspicieux, qui reçoivent des financements suivant un programme trouble, dont l'objectif n'est pas positif pour l'Etat, justifie le député Ahmed Tantawi qui défend le texte. Depuis les manifestations de 2011 qui ont entraîné la chute de Hosni Moubarak, des responsables du gouvernement et des forces de sécurité laissent parfois entendre qu'ils soupçonnent les mouvements de la société civile de vouloir déstabiliser le pays. En mars, les autorités avaient toutefois assuré que les quelques 47.000 ONG du pays travaillaient en toute liberté. Le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, Maina Kiai, avait estimé le 23 novembre dans un communiqué que si la loi était promulguée elle serait dévastatrice pour la société civile du pays, pour des générations à venir. Dans le cadre d'une vaste enquête sur les financements étrangers de la société civile ouverte en 2011, plusieurs défenseurs des droits de l'Homme ont été interdits de sortie du territoire, ou ont vu leurs avoirs gelés ces derniers mois. Le projet de loi pourrait interdire les organisations non-gouvernementales indépendantes du pays, en plaçant leur travail et leur financement sous le contrôle des autorités, notamment les puissantes agences de sécurité, a réagi lundi Human Rights Watch dans un communiqué, appelant le président Sissi à rejeter cette législation.