L'ex-guérillero Daniel Ortega devait officiellement être investi mardi soir président du Nicaragua, pays parmi les plus pauvres d'Amérique centrale, pour un 4e mandat avec, cette fois, son épouse comme vice-présidente : un pouvoir sans partage qui soulève les craintes de l'opposition. Troupes d'élite, chiens policiers et fermeture des rues sur trois kilomètres : d'importantes mesures de sécurité entouraient la cérémonie dans la capitale, Managua. En novembre, "El Comandante" de 71 ans, qui avait mené la révolution sandiniste en 1979 contre la dictature d'Anastasio Somoza, était arrivé largement en tête d'élections générales qualifiées de "farce" par l'opposition. Déjà président de 1985 à 1990, Daniel Ortega (gauche) avait été réélu en 2006 et en 2011 face à une opposition divisée. En 2014, il avait fait modifier la Constitution pour autoriser la réélection sans limitation du chef de l'Etat, lui permettant de postuler à un troisième mandat consécutif. Mais plusieurs partis d'opposition qui avaient été exclus du scrutin de novembre ont refusé de reconnaître les résultats, dénonçant une abstention bien supérieure, selon eux, au taux officiel, et l'absence d'observateurs internationaux. La femme de M. Ortega, Rosario Murillo, poétesse excentrique aux tenues bariolées qui dirigeait déjà d'une main de fer la communication et l'agenda de la présidence et du gouvernement, devient le deuxième personnage du Nicaragua. "Aujourd'hui, nous assurons la continuité de tout le bien que nous avons fait (...) pour corriger ce qui s'est mal passé et faire avancer le dialogue" avec les entreprises et les salariés pour lutter contre la pauvreté, a déclaré Rosario Murillo dans son allocution quotidienne devant des médias officiels. Les opposants craignent que sa nomination à la vice-présidence n'augure de l'instauration d'une dictature familiale, comme celle des Somoza, renversée en 1979. "Ce sera exactement la même chose (...) que ce qu'il s'est passé jusqu'à 2016 : un monologue, les mensonges (sur des projets), le délire et l'émigration des gens qui ne veulent pas de problèmes", a déclaré le sociologue Cirilo Otero, du Centre d'initiatives politiques et environnemntales (CIPA). La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, en tournée dans la région, les dirigeants vénézuélien, bolivien et salvadorien, Nicolas Maduro, Evo Morales et Salvador Sanchez Ceren, figuraient parmi les invités. En revanche, les chefs d'Etat des principaux pays de la région étaient absents. Une délégation de Corée du Nord, avec Choe Ryong-Ha, un homme de confiance du dirigeant Kim Jong-Un, à sa tête, avait également fait le déplacement. "Nous sommes venus pour pouvoir dialoguer et identifier les projets de coopération que nous pouvons continuer à renforcer et développer", a notamment commenté Tsai Ing-wen.