Le président Béji Caïd Essebsi a assuré jeudi que la Tunisie "assume ses responsabilités" vis-à-vis des partenaires européens, après des menaces allemandes d'une suppression de l'aide aux pays refusant de reprendre leurs ressortissants déboutés de leur demande d'asile. Depuis dimanche, plusieurs responsables allemands ont déclaré que les pays ne coopérant "pas suffisamment" sur ce dossier ne pouvaient "espérer bénéficier" de l'aide de Berlin "au développement". L'avertissement vise les pays du Maghreb, en particulier la Tunisie, dont était originaire l'auteur présumé de l'attentat de Berlin le 19 décembre (12 morts), Anis Amri. "Il faut que l'Europe soit tranquille, la Tunisie est un pays qui assume ses responsabilités", a réagi le chef de l'Etat tunisien, interrogé en marge d'une réception au palais présidentiel de Carthage. Sur le sujet de l'immigration clandestine, "nous avons des accords avec l'Europe, nous avons des accords bilatéraux avec certains pays y compris l'Allemagne, ce sont de bons accords et ils vont être appliqués", a-t-il dit. Selon lui, Berlin a identifié "un millier de Tunisiens qui (...) n'ont pas de titre de séjour". "Encore faut-il vérifier" leur identité et leur situation, "parce qu'on ne va pas accepter comme ça" de les reprendre, a-t-il poursuivi. "Nous ne pouvons pas imposer à un pays de garder des Tunisiens qui ne sont pas en règle. (...) Mais d'abord, nous devons nous assurer qu'ils sont Tunisiens, ça n'est pas toujours le cas", a insisté M. Caïd Essebsi. Cette question est au cœur de la controverse sur Anis Amri. Sa demande d'asile en Allemagne avait été rejetée depuis plusieurs mois et il était censé être expulsé, mais la Tunisie n'a reconnu sa nationalité que peu avant l'attentat. Alors que l'Allemagne cherche à tirer les leçons du drame de Berlin, le ministre allemand de la Justice Heiko Maas a estimé mardi qu'il fallait "exercer la pression nécessaire sur ceux qui ne coopèrent pas suffisamment", en citant "l'aide au développement et l'aide économique". Merkel seule responsable L'idée ne fait toutefois pas l'unanimité au sein de la coalition gouvernementale d'Angela Merkel. "Pour moi, la seule responsable, c'est la chancelière. J'ai eu des entretiens avec elle" et son discours n'a rien à voir avec de tels propos, a déclaré Béji Caïd Essebsi. Il a indiqué que Mme Merkel devait "venir en Tunisie" --courant février, selon une source officielle--, après un déplacement à Berlin du Premier ministre Youssef Chahed. "Nous avons une très bonne relation" avec l'Allemagne, a fait valoir le chef de l'Etat tunisien. M. Caïd Essebsi a par ailleurs rappelé l'importance du soutien européen à l'unique pays rescapé du Printemps arabe, relevant que les groupes jihadistes avaient notamment profité de la crise socio-économique pour recruter parmi la jeunesse tunisienne. Six ans après la chute de la dictature, "nous sommes en train de résoudre les problèmes petit à petit. (...) Nous sommes sur la bonne voie", a jugé le président tunisien. "Tout le monde souffre du terrorisme. Si nous ne coordonnons pas nos actions, malheureusement le terrorisme va continuer", a-t-il prévenu. En Allemagne, le ministre chargé de l'aide au développement, Gerd Müller, s'est lui-même démarqué des propositions de son homologue à la Justice, mettant en garde contre un effondrement des économies des pays du Maghreb qui conduirait "à d'énormes problèmes".