L'attentat au camion-bélier de Berlin a de nouveau placé la politique migratoire de Merkel, au centre de toutes les critiques. Bataille de cheval des partis de l'extrême droite et de dissension, au sein même de sa coalition, le dossier de l'émigration est devenu, à force, du pain béni pour les extrémistes de tous bords, pour récolter les dividendes politiques de la peur qui, forcément, donne naissance à la haine. L'identité même de l'auteur présumé de l'attentat, un Tunisien radicalisé, identifié grâce à sa carte d'identité oubliée dans le camion, sur les lieux du carnage, résume, à elle seule, cette difficulté pour Berlin de trouver une solution définitive au problème des demandeurs d'asile maghrébins et des réfugiés d'autres nationalités. Déjà stigmatisés dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire du «Nouvel an» de Cologne où les migrants ont été accusés, à tort, d'avoir agressé sexuellement des femmes, à chaque attentat terroriste, l'opposition les montre du doigt ou plutôt s'attaque à la Chancelière allemande, la rendant, personnellement, responsable des morts enregistrés. Pourtant, et depuis cette fameuse nuit de la Saint-Sylvestre, Merkel se sachant vulnérable sur ce dossier, a décidé de durcir les conditions d'accès à l'asile. Le gouvernement allemand a ainsi apporté des restrictions au droit d'asile, en revoyant les conditions du regroupement familial et en donnant un statut limité de réfugiés aux demandeurs d'asile. En effet, et à l'approche des élections législatives, de septembre 2017, mais surtout d'une réunion qui doit se tenir, début février, où la CSU apporte traditionnellement, son soutien au candidat de la CDU, tout laisse à croire que l'attentat devrait servir d'argument pour tenter d'obtenir un conditionnement de la politique migratoire. 14 heures, seulement, après l'attaque du marché de Noël, le président de la CSU, Horst Seehofer a déclaré qu'à la mémoire des victimes, il est question «de repenser et ajuster l'ensemble de notre politique de sécurité et d'asile». La chancelière sait qu'elle joue gros sur ce terrain et devra y répondre pour ne pas perdre ses alliances traditionnelles en vue de sa réélection, en septembre 2017. Pour cela, il est fort à parier que la diplomatie allemande va se redéployer derechef et presser, davantage, pour convaincre Alger, Tunis et Rabat de «récupérer» leurs sans-papiers. En effet, et alors qu'on croyait le dossier clos avec la décision de Berlin, au début de cette année, de classer «pays sûrs» les trois Etats du Maghreb pour dissuader les candidats, au départ de ne plus tenter leur chance en Allemagne, décision entérinée par la Chambre des députés où Merkel dispose d'une majorité écrasante, le texte a été bloqué par la Chambre haute du Parlement, le Bundesrat, où la coalition au pouvoir ne dispose pas de majorité suffisante et a besoin du soutien d'une partie de l'opposition, un soutien refusé du reste par les Verts, en particulier. Ce blocage ne permet plus de faciliter et d'accélérer le rejet des demandes d'asile ou d'imposer un lieu de résidence aux irréguliers pour être expulsés, sans délais. Le cas de Anis Amri, abattu entre temps, à Milan, ressemble à s'y méprendre à celui du sans-papier algérien impliqué dans l'attaque de Charleroi, en Belgique. Le principal suspect de l'attentat de Berlin avait vu sa demande d'asile rejetée, en juin dernier et aurait dû être expulsé si son pays n'avait pas bloqué la procédure, selon la version allemande. Pied de nez du destin, l'accord de Tunis, en vue de son expulsion, est arrivé en Allemagne deux jours après l'attentat. Ce problème des sans-papiers maghrébins avait, déjà, été évoqué par Merkel avec Sellal, lors de la visite du Premier ministre algérien en Allemagne et la partie algérienne avait donné des assurances de rapatriement pour peu que l'identité de l'émigré est formellement établie. Et c'est sur ce point que les sans-papiers se basent pour éviter des expulsions d'office. Ainsi tout ressortissant de ces trois pays, s'il veut éviter une expulsion, n'a alors qu'à détruire ses papiers d'identité pour échapper au moins, temporairement, à la sanction administrative.