Appuyés sur une canne ou en fauteuil roulant, environ 2.000 grands-parents vénézuéliens ont défié vendredi les barrages des policiers de Caracas pour exiger du président Nicolas Maduro des médicaments et un "meilleur pays" pour leurs petits-enfants. Organisée à l'appel de l'opposition, cette "marche des anciens" dans l'est de Caracas et plusieurs autres villes du pays, visait à dénoncer la crise sanitaire, au lendemain du limogeage de la ministre de la Santé après la publication de chiffres alarmants sur la mortalité infantile. L'objectif principal de l'opposition, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, est d'obtenir des élections générales anticipées pour faire partir le président Nicolas Maduro. Malgré les violences, elle organiserait hier une manifestation en voitures, bicyclettes, motos et même chevaux dans tout le pays, avant un nouveau défilé prévu dimanche, jour de la fête des mères. "Nous ne voulons pas d'une dictature mais d'une vieillesse digne, de médicaments, de nourriture et de liberté", a confié Lourdes Parra, 77 ans, portant sur ses épaules le drapeau vénézuélien et une pancarte disant: "Cette petite grand-mère est en colère et reste debout pour son pays". Un cortège de vieux Le défilé des "têtes blanches" s'est rapidement heurté à un cordon de forces de l'ordre militarisées leur barrant la route. Plusieurs personnes âgées, certaines en fauteuil roulant, ont invectivé et bousculé les policiers, équipés de casques et boucliers. Des coups ont fusé de la part des grands-parents, tandis que les policiers, immobiles et faisant bloc, ont fait usage de spray au poivre. "Tu vas taper sur tes parents ? On n'est qu'un cortège de vieux!", lançaient des manifestants en se couvrant la bouche avec des mouchoirs. En réponse, le gouvernement avait organisé, dans le centre de la capitale, un autre rassemblement de personnes âgées, qui clamaient "Avec (le défunt ex-président Hugo) Chavez et Maduro, les grands-parents sont en sécurité", face au palais présidentiel de Miraflores. Nicolas Maduro assure avoir versé six millions de pensions de retraite, mais l'opposition rétorque que celles-ci sont vite dévorées par l'inflation galopante, attendue à 720% fin 2017 par le FMI dans ce pays pétrolier ruiné par la chute des cours du brut. Exaspérés, sept vénézuéliens sur dix souhaitent le départ immédiat du président socialiste, élu en 2013 jusqu'en 2019. Vendredi, les grands-parents réunis par l'opposition tentaient de rejoindre le siège du Défenseur du Peuple, autorité chargée de veiller au respect des droits de l'Homme mais accusée de servir le gouvernement. Ils n'ont toutefois pas réussi à atteindre le centre de Caracas - considéré comme un bastion chaviste -, bloqués par les forces de l'ordre comme toutes les manifestations anti-Maduro organisées depuis le 1er avril.
Aucune compassion "Ils n'ont aucune compassion, pas même pour les petits vieux", a témoigné à Sandra Franchi, 65 ans, s'essuyant avec un mouchoir le visage après avoir reçu du gaz au poivre. Cette vague de protestations qui secoue le pays a déjà fait 38 morts, selon le parquet. Vendredi, l'ONG Foro Penal a à nouveau dénoncé le jugement de certains des manifestants, arrêtés, par des tribunaux militaires, affirmant que 155 d'entre eux ont été envoyés en prison par ces tribunaux non civils. Selon la Constitution, "les civils ne peuvent être jugés que par des civils", a rappelé l'avocat de l'ONG, Luis Betancourt. Venu manifester les mains pleines de boîtes de médicaments vides, Carlos Rivas, 67 ans, se désolait: "Je suis là car je n'ai pas de médicaments et ma retraite n'est pas suffisante pour vivre". Selon la Fédération médicale vénézuélienne, les hôpitaux fonctionnent avec seulement 3% des médicaments nécessaires. Signe de la crispation du pouvoir, la publication cette semaine de données montrant la forte hausse de la mortalité infantile, qui a fait un bond de 30,12% entre 2015 et 2016, a entraîné une sanction immédiate de Nicolas Maduro, qui a limogé jeudi sa ministre de la Santé, Antonieta Caporales. Parmi les causes de mortalité, les autorités citent la septicémie, la pneumonie, la prématurité et les difficultés respiratoires, le rapport notant aussi une explosion des cas de paludisme, pourtant éradiqué il y a plus d'un demi-siècle. En fauteuil roulant, José Dacre, 64 ans, a expliqué être venu manifester car il a, dit-il, l'obligation de "laisser aux enfants un pays libre".