Les forces de l'ordre vénézuéliennes ont dispersé lundi avec des gaz lacrymogènes un rassemblement de milliers d'opposants rejetant le projet de nouvelle Constitution du président vénézuélien Nicolas Maduro, confronté à une vague de manifestations hostiles ayant fait 36 morts en cinq semaines. De jeunes manifestants encagoulés ont répliqué par des jets de pierres et d'engins explosifs en divers endroits dans l'est de la capitale, tandis que d'autres affrontements ont été recensés dans des Etats de l'ouest du Venezuela. Plusieurs personnes ont été blessées, dont trois personnes blessées par balles dans la ville de Merida, et quelques heurts persistaient en début de soirée. Au total, 19 journalistes auraient également été agressés lundi, que ce soit par des manifestants civils, des militaires ou des policiers, selon le Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP). Une équipe de journalistes de la télévision privée Globovision aurait ainsi été arrosée d'essence et les manifestants auraient menacé de leur mettre le feu, selon un communiqué de la chaîne sur son site internet. Les opposants au gouvernement en place se plaignent souvent que leurs manifestations sont passées sous silence par la presse, un état de fait qui serait la conséquence du régime de "censure et d'auto-censure" imposé par le gouvernement selon le SNTP. Les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) tentaient lundi, comme ils le font presque quotidiennement depuis le 1er avril, de rejoindre le centre de Caracas où se trouve le ministère de l'Education pour y notifier leur refus d'une révision de la Constitution.
La constituante, une mascarade "C'est une farce, une arnaque, un truc pour se maintenir au pouvoir. Le vote est l'unique sortie à ce désastre au Venezuela", a déclaré dans la manifestation Julio Borges, le président du Parlement, l'unique institution contrôlée par l'opposition. "Comment cela s'appelle la situation où un président invite les leaders de l'opposition et où ceux-ci disent +nous n'y allons pas+ et commencent à brûler la ville ?", a réagi Nicolas Maduro: "De la politique ? De la démocratie ? Comment cela s'appelle ? Du fascisme !" Brandissant des drapeaux vénézuéliens et des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Non à la dictature", les manifestants étaient encore des milliers lundi à réclamer le départ de Nicolas Maduro, élu en 2013 et jusqu'en 2019, et l'organisation d'élections anticipées. "Nous voulons vivre en démocratie. L'assemblée constituante, c'est une mascarade, ils (les chavistes, ndlr) fuient les élections pour rester au pouvoir", a confié Jorge Gonzalez, un architecte de 63 ans présent au défilé contre le président. Dans le centre de Caracas, où les anti-Maduro ne parviennent jamais à défiler, une foule de partisans du gouvernement était réunie lundi. "Nous défendons la constituante pour approfondir la révolution d'Hugo Chavez" et renforcer le texte actuel, en vigueur depuis 1999, a expliqué le jeune Alejandro Seguias, l'un des manifestants soutenant le chef de l'Etat. Malgré le net rejet de l'opposition, le gouvernement poursuit ses réunions avec les différents pans de la société pour préparer la constituante. Ses adversaires l'accusent de cherche ainsi à contourner l'organisation d'élections libres dignes d'une "véritable démocratie". Car le risque est élevé pour le dirigeant socialiste en cas de recours aux urnes : plus de 70% des Vénézuéliens souhaitent son départ, selon des sondages, lassés par les pénuries d'aliments et de médicaments mais aussi par la vertigineuse inflation, attendue à 720% fin 2017 par le FMI.
Cela ne peut plus continuer "J'ai perdu mon époux parce qu'on n'a pas trouvé les traitements. Il n'y a pas de médicaments, pas de nourriture. Cela ne peut plus continuer comme ça", a confié Isabel Morales, une manifestante de 68 ans. Dans ce climat de vive tension sociale, l'ONG Foro Penal a affirmé lundi -en rappelant que c'était "illégal"- qu'au moins 50 civils ont été emprisonnés sur ordre de tribunaux militaires, les accusant de délits commis lors de manifestations et de pillages. "L'Etat de droit est mort" au Venezuela, a accusé lundi l'Uruguayen Luis Almagro, secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA). "Le gouvernement sait qu'il n'est soutenu que par une minorité de la population (...). Une constituante lui permet de paralyser tous les processus électoraux en cours, de destituer les pouvoirs qui font trop de bruit, à commencer par l'Assemblée nationale", explique l'analyste Luis Vicente Leon. La moitié des 500 membres de cette assemblée constituante seront désignés par des groupes sociaux (syndicats, retraités...) que l'opposition accuse d'être sous la mainmise de M. Maduro, les autres seront élus selon un découpage par circonscription municipale. Plusieurs analystes redoutent que le pouvoir place ainsi nombre de ses partisans. La communauté internationale continue de suivre avec inquiétude la situation au Venezuela : le 22 mai, l'OEA réunira les ministres des Affaires étrangères de la région pour débattre de cette crise.