Le groupe français Total, à la tête d'un consortium international avec la société chinoise CNPCI, a signé lundi un accord de 4,8 milliards de dollars avec l'Iran, défiant l'administration du président Donald Trump et le Congrès américain qui veulent renforcer les sanctions contre Téhéran. Total a signé lundi avec l'Iran un accord pour une nouvelle phase d'exploitation du gisement de gaz naturel de South Pars, premier investissement occidental de grande ampleur depuis la levée des sanctions contre l'Iran, a déclaré dimanche à Reuters un responsable du ministère iranien du Pétrole. "L'accord international de développement de la phase 11 de South Pars dans le cadre de l'IPC (contrat de pétrole iranien) a été signé lundi, 3 juillet, à 14h30, lors d'une cérémonie à Téhéran en présence du ministre iranien du pétrole (Bijan) Zanganeh, des responsables du français Total, du chinois CNPCI et de l'iranien Petropars", a déclaré le haut fonctionnaire. L'accord préliminaire pour le développement d'un important champ gazier avait été conclu en novembre 2016 et devait être finalisé début 2017, mais le P-DG du groupe français, Patrick Pouyanné, avait dit en février attendre la "décision finale" de l'administration américaine pour aller de l'avant. Malgré l'hostilité grandissante de Washington, Total a décidé de sauter le pas. Ainsi, la société française devient le premier groupe pétrolier occidental à revenir en Iran depuis l'accord nucléaire conclu en juillet 2015 entre Téhéran et les grandes puissances (Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne). Cet accord sur le programme nucléaire iranien a permis en janvier 2016 la levée partielle des sanctions internationales contre Téhéran, ouvrant notamment la porte aux investissements étrangers nécessaires à la relance de l'économie. Le gouvernement du président Hassan Rohani cherche ainsi à attirer les investissements dans le secteur énergétique pour développer de nombreux projets pétroliers, gaziers et pétrochimiques. La signature de l'accord avec Total intervient quelques jours après une tournée du ministre iranien des Affaires étrangèrs, Mohammad Javad Zarif, en Europe. M. Zarif a été reçu vendredi par le président français Emmanuel Macron, à qui il a remis un message du président Rohani.
Jouer l'Europe contre les Etats-Unis Il avait été reçu auparavant par le président allemand Frank-Walter Steinmeier et le Premier ministre italien Paolo Gentiloni. Téhéran cherche à renforcer les relations avec l'Union européenne, face à une administration américaine hostile. "Malgré l'hostilité déraisonnable des Etats-Unis, l'Union européenne reste engagée à l'égard de l'accord nucléaire et l'entente constructive" avec l'Iran, avait écrit M. Zarif dans un tweet à la fin de sa tournée européenne. "Succès de Zarif dans le recrutement d'alliés en Europe", avait titré de son côté le quotidien réformateur Aftab. En vertu de l'accord conclu avec Total pour le développement de la phase 11 de Pars-Sud, le groupe français détiendra 50,1% des parts du consortium qui exploitera le champ gazier, suivi du groupe China National Petroleum Corporation (CNPCI) avec 30% et de l'Iranien Petropars (19,9%). Cet accord intervient malgré la position hostile de l'administration de Donald Trump, qui dénonce régulièrement l'accord nucléaire conclu entre l'Iran et les grandes puissances, dont les Etats-Unis. Mi-juin, le Sénat américain a voté à une écrasante majorité une nouvelle loi en faveur de nouvelles sanctions contre l'Iran, accusée de "soutien à des actes terroristes internationaux". La loi, dénoncée par Téhéran, doit encore être examinée et adoptée par la Chambre des représentants et signée par le président Trump.
Difficultés pour investir La position hostile des Etats-Unis a rendu difficile la normalisation des relations économiques de l'Iran avec le reste du monde, notamment à cause de la réticence des grandes banques internationales à travailler avec Téhéran par crainte de mesures punitives de Washington. La Maison Blanche a aussi annoncé un réexamen de la politique américaine en ce qui concerne l'accord nucléaire, ce qui devrait être annoncé dans les prochaines semaines. L'incertitude par rapport à la politique américaine et la probabilité d'un renforcement des sanctions ont refroidi les ardeurs de certaines sociétés internationales comme la compagnie britannique BP alors que d'autres sociétés comme Shell ou Gazprom (Russie) ont pour l'instant conclu seulement des accords préliminaires. "Les compagnies qui opèrent en Iran vont continuer à affronter une série de problèmes structurels, notamment la corruption, la bureaucratie, une instabilité potentielle" et la réticence de certains notamment dans la classe politique "à permettre une implication étrangère dans l'économie", souligne la société consultante BMI Research dans une note publiée lundi. De son côté Total espère que cet accord ouvrira d'autres "opportunités" à la compagnie en Iran. Téhéran dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz, après la Russie, et des quatrièmes réserves mondiales de pétrole. Depuis la levée des sanctions, Total est la troisième grande entreprise française à revenir en Iran, après les groupes automobile PSA et Renault. Ce qui place la France en bonne position sur le marché iranien.
Destiné au marché iranien Un porte-parole du groupe pétrolier français a confirmé que ce contrat de production de gaz destiné au marché iranien à partir de 2021 serait signé lundi, ajoutant que cet accord sur 20 ans est le premier à être signé dans le cadre de l'IPC. South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde, est en développement depuis les années 1990 et Total était l'un des principaux investisseurs en Iran avant les sanctions imposées à la République islamique en 2006. La compagnie française a décidé d'y retourner et de développer la phase 11, dont le coût est estimé jusqu'à cinq milliards de dollars. Le P-DG de Total Patrick Pouyanné tout récemment déclaré à Reuters que la compagnie pétrolière lancerait cet été le développement de cette nouvelle phase d'exploitation, avec un investissement initial d'un milliard de dollars. Le protocole d'accord signé en novembre dernier prévoit que Total sera l'opérateur du projet Pars Sud 11 et son actionnaire à 50,1%, aux côtés de Petropars, filiale de la NIOC (19,9%) et de la compagnie nationale chinoise CNPC (30%). Avec ce protocole d'accord, Total est devenue la première des majors pétrolières à signer des contrats en Iran après la levée de sanctions occidentales contre la République islamique. Ce gisement off-shore est partagé entre l'Iran et le Qatar où Total est aussi un acteur de premier plan dans la production de gaz, comme dans la production et le raffinage de pétrole. Téhéran appelle ce champ South Pars et Doha North Field. L'Iran troisième producteur de pétrole de l'Opep, cherche à attirer des compagnies étrangères pour développer sa production de gaz et de pétrole, après des années de sous-investissement.