Au 100e jour des manifestations contre le président socialiste Nicolas Maduro, Leopoldo Lopez, le plus emblématique des opposants vénézuéliens, est sorti de prison, pour être aussitôt assigné à résidence chez lui, à Caracas, après plus de trois ans d'incarcération. Souriant, il a agité le drapeau de son pays et levé les mains en signe de victoire face à des dizaines de ses partisans venus l'acclamer devant son domicile samedi. Auparavant, dans un message écrit lu par Freddy Guevara, membre comme lui du parti Volonté populaire, Leopoldo Lopez avait promis de "lutter jusqu'à conquérir la liberté pour le Venezuela": "Je maintiens fermement mon opposition à ce régime", avait-il ajouté, en référence au régime chaviste de Nicolas Maduro, héritier de Hugo Chavez, à la tête du pays de 1999 à 2013. Cette déclaration va clairement à l'encontre de la requête de Nicolas Maduro, qui a souhaité "un message de paix" de la part de Leopoldo Lopez": "Après presque quatre ans de prison, j'espère que LL (comme il a ainsi nommé son opposant) va s'amender et émettre un message de paix, car le pays veut la paix", avait déclaré le chef de l'Etat, quelques heures après cette libération, à la télévision.
Diplômé de Harvard La Cour suprême a annoncé sur son compte Twitter avoir décidé la libération de Leopoldo Lopez "pour raisons médicales". Auparavant, la nouvelle de cette sortie avait été rendue publique par l'un des avocats de Leopoldo Lopez à Madrid: il "se trouve à son domicile de Caracas avec Lilian (Tintori, sa femme) et ses enfants. Il n'est pas encore libre, il est assigné à résidence", avait tweeté Javier Cremades. Leopoldo Lopez, 46 ans, fondateur de Voluntad Popular, parti membre de l'internationale socialiste, et farouche opposant au régime de Nicolas Maduro et de son prédécesseur mort en 2013 Hugo Chavez, était emprisonné depuis février 2014. Il avait été condamné pour "incitation à la violence" pendant des manifestations organisées afin de réclamer la démission du président Maduro, manifestations qui s'étaient soldées par 43 morts entre février et mai 2014. Fils de bonne famille, diplômé en économie de la prestigieuse université américaine de Harvard, il est issu de l'opposition dure au régime chaviste, qui l'accuse, lui et sa famille, d'être "d'extrême droite" et "putschistes".
Faire baisser la pression Selon Luisa Ortega, la procureure générale, ex-chaviste convaincue désormais entrée en dissidence contre le régime, cette libération de Leopoldo Lopez est une tentative de la part du président Maduro de "blanchir son image": "Mais on ne peut utiliser une personne privée de liberté comme si c'était un otage et en faire un objet de négociation", a-t-elle accusé. Dans un communiqué, le Ministère public, toujours dirigé par Mme Ortega, même si celle-ci est menacée d'un procès qui pourrait mener à sa destitution, a demandé "la révision" des mesures de privation de liberté prises contre trois autres opposants emblématiques, dont Antonio Ledezma, l'ancien maire de Caracas. "Il reste 300 prisonniers politiques dans les geôles bolivariennes", a affirmé Javier Cremades, dans un autre message sur Twitter. L'ONG Foro Penal dénombre elle 433 "prisonniers politiques". La libération de M. Lopez a été saluée par le Département d'Etat américain comme "un pas dans la bonne direction". Réunis pour un sommet du G20 à Hambourg, en Allemagne, les dirigeants espagnol, argentin, mexicain et brésilien ont de leur côté réclamé la "libération de tous les prisonniers politiques et l'organisation d'élections libres et démocratiques" au Venezuela, selon le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. Ce geste envers Leopoldo Lopez intervient à un moment où la situation au Venezuela est des plus tendues, des militants partisans de M. Maduro ayant pénétré mercredi dans l'enceinte du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition. Quelque 300 élus et journalistes avaient alors été retenus dans le bâtiment pendant neuf heures. Les manifestations contre le président vénézuélien sont quasi quotidiennes depuis trois mois et ont fait 91 morts. "Le gouvernement cherche à calmer le mouvement de protestation" à l'approche de l'élection, prévue pour le 30 juillet, de l'Assemblée constituante, selon le politologue Luis Salamanca.
Une constituante comme remède ? Nicolas Maduro, qui dénonce régulièrement un "complot" ourdi par les Etats-Unis, est sous pression, 80% des Vénézuéliens étant hostiles à son gouvernement, échaudés par les pénuries, l'hyperinflation et la criminalité galopante, résultat de la chute des cours du pétrole, la principale ressource du Venezuela. Les files d'attente de plusieurs heures, les pillages et les morts violentes y sont monnaie courante. Pour sortir de cette crise, Nicolas Maduro a proposé l'élection d'une Assemblée constituante, une option rejetée par l'opposition qui la considère comme une manoeuvre pour s'accrocher au pouvoir et compte organiser un référendum le 16 juillet sur la convocation de cette Assemblée. Et les critiques redoublent. L'Eglise catholique vénézuélienne, traditionnellement hostile au pouvoir chaviste, a sauté un pas supplémentaire vendredi en qualifiant le régime de "dictature".