A peine sorti en France en octobre dernier, L'Ennemi intime, un des rares films qui parlent avec une objectivité déconcertante de la guerre d'Algérie, sera aujourd'hui en avant- première à la salle Ibn Zeïdoun de Riadh El Feth. Signé par Florent-Emilio Siri, cette œuvre que distribue MDciné, est une adaptation de l'excellent documentaire éponyme, réalisé en 2002 par Patrick Rotman. Avec une rare objectivité, ce documentaire dissèque les exactions, les horribles attentats, les liquidations, les tortures…commises surtout par les colonels et autres généraux français qui, plus de 40 ans après cette guerre, ont chacun à sa façon, fait son mea culpa. La plupart des chefs de guerre étant encore en vie, notamment le général Aussares, le réalisateur a pu leur donner la parole comme pour expurger ou éclairer un peu plus quelques zones sombres de cette partie de notre Histoire commune avec la France. Quoique basé sur ce documentaire, L'Ennemi intime, qui sera à l'affiche de nos salles en présence du réalisateur, est une fiction. Des films sur cette guerre que la France a mis longtemps pour reconnaître, il n'en y a pas des tonnes, hormis la parenthèse de la Bataille d'Alger de Ponte Corvo et récemment, Mon colonel, et La trahison. Il est vrai que la thématique est très sensible, mais il est tout de même utile pour les générations qu'ils revoient leur passé sur un miroir ni brisé ni boueux. Certes, la guerre d'Algérie demeure un sujet tabou dans la société française, mais quelques fois certains réalisateurs français tentent de titiller les sensibilités par non pas seulement un travail de mémoire, mais plutôt reconstruire une forme de collaboration qui dépasserait les rancoeurs et les mensonges. L'intrigue de L'Ennemi intime se déroule en 1959. Le lieutenant Terrien, incarné par Benoît Magimel, débarque en Algérie pour prendre le commandement d'une section de l'armée française dans les montagnes kabyles. Très vite, le sergent Dougnac, Albert Dupontel à la ville, militaire désabusé, prend sous son aile ce jeune idéaliste dont il perçoit les désillusions à venir. Le réalisateur français livre un film de guerre qui dénonce la torture comme Mon colonel et le dilemme, déjà évoqué par La Trahison, de ces Algériens déchirés entre deux patries : la leur et celle qu'ils ont fini par adopter, la France. Toutefois, contrairement à ses prédécesseurs, L'Ennemi intime s'attache surtout à démontrer le traumatisme que fut cette guerre pour tous les combattants et, notamment pour ces deux millions de soldats, souvent jeunes, que l'Etat français a envoyé se battre, pis encore, se fourvoyer pour une cause qu'il semble encore difficile de justifier. Florent-Emilio Siri effeuille les âmes de ses personnages pour explorer les recoins des âmes d'hommes partagés entre leur devoir et leur conscience. Chacun d'eux, volontaire ou forcé, finira par choisir son camp. Saïd (Lounes Tazaïrt), l'Algérien, restera, à sa manière, fidèle à cette France qu'il a défendue contre les Allemands, Terrien ira jusqu'au bout de sa mission et de toutes les compromissions au nom de cette même France. Face au très charismatique Benoît Magimel, Albert Dupontel sert à merveille son personnage tourmenté et blasé au point de faire de l'ombre à son partenaire. Au centre de cette distribution où l'on retrouve le comédien et humoriste algérien Fellag dont le père fut un résistant, Benoît Magimel est aussi à l'origine du projet de ce long métrage.