L'ennemi intime aura fait couler beaucoup d'encre depuis l'annonce de sa projection à Alger. Le film, réalisé par Florent-Emilio Siri, n'a pas fait l'unanimité dans la presse nationale qui a versé dans une polémique reprochant à ses concepteurs d'avoir mis sur un pied d'égalité, les combattants de l'ALN et les soldats français. Mercredi 13 février dernier, pour l'avant-première nationale du film, la salle Ibn Zeydoun affichait néanmoins complet. Des invités prestigieux tels que d'anciens moudjahidine, des intellectuels, des réalisateurs et producteurs, des éditeurs, des figures du mouvement associatif triés sur le volet, ont eu à apprécier le film mais surtout à en débattre après avec le réalisateur, les producteurs et les acteurs, qui ont tous fait le déplacement pour défendre un projet qui leur tient à cœur. Admirablement modéré par Karim Belazzoug, le débat qui a suivi la projection du film a suscité des réactions mitigées au sein d'une même assemblée. Certains ont tout de suite perçu le message humaniste d'un film de guerre, foncièrement anti-guerre, démontrant l'absurdité de la violence. Une vision qui concorde avec celle du réalisateur. Par contre, d'autres ont buté sur certaines séquences qui mettaient en scène les fellagas en “terroristes”, ou encore celles qui, au fil des événements du film, ont en quelque sorte expliqué le recours à la torture. D'autres encore ont salué le courage des concepteurs du film à faire part de certaines vérités jusque-là dissimulées à l'image de l'utilisation du napalm, ou encore d'évoquer clairement la manipulation et le mensonge de l'Etat français envers ses propres soldats, propulsés dans l'horreur d'une guerre qu'il savait vouée à l'échec. Pour tenter de répondre à leurs détracteurs, le réalisateur comme l'acteur principal ont insisté sur leur volonté de montrer le vrai visage de la guerre et ce, au-delà du conflit algéro-français lui-même. “Le film a une vision humaniste au-delà de la guerre d'Algérie ; l'idée était de montrer comment la guerre peut transformer un homme en bête, comment l'ennemi est intime, que l'ennemi, ce n'est pas l'autre, mais que dans une guerre, l'ennemi c'est soi-même”, diront-ils d'une même voix. Même si ce film reste un point de vue français, il constitue pour ces concepteurs une sorte de premier pas vers la réhabilitation des vérités historiques de ce conflit. Et, comme dira l'un des spectateurs au cours du débat, “c'est à nous Algériens d'emboîter ce pas et de faire des films qui nous permettent de donner notre point de vue également”. Amina Hadjiat