Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, appelle les autorités libyennes "à relâcher immédiatement" les migrants les plus vulnérables détenus en Libye, dans un rapport publié lundi qui dénonce de multiples atteintes aux droits de l'Homme dans ce pays en proie au chaos. "Les migrants continuent d'être victimes de violences extrêmes par des trafiquants, des passeurs, des membres de groupes armés et des forces de sécurité", affirme Antonio Guterres dans ce document, en citant travail forcé, détentions arbitraires et viols. Des représentants de la petite mission politique de l'ONU en Libye (Unsmil) se sont rendus dans des centres de détention relevant du département libyen contre les migrations illégales, à Gharyan, Tripoli, Misrata et Surman, "où des milliers de migrants sont détenus arbitrairement pour de longues périodes sans possibilité de s'opposer légalement à leur détention", précise le secrétaire général. "Les droits fondamentaux des migrants doivent être respectés en permanence" et "j'appelle les autorités libyennes à relâcher immédiatement les plus vulnérables, notamment les femmes en danger, les femmes enceintes, les familles avec enfants, les enfants seuls ou séparés (de leurs proches) et les handicapés", insiste-t-il. Antonio Guterres souligne aussi que pour la période étudiée dans son rapport, d'avril à août, "toutes les parties au conflit ont commis des violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire international". "Des groupes armés de tous bords continuent à prendre des gens en otages, à tuer et à recourir à la torture et aux disparitions, incluant des civils, en particulier des femmes et d'autres personnes non impliquées dans les combats", précise-t-il. Il attire entre autres l'attention sur l'impossibilité pour l'Unsmil de se rendre dans le centre de détention Mitiga à Tripoli, l'un des plus grands de la ville. La mission continue de recevoir des informations crédibles sur des tortures et des violences sexuelles, précise-t-il. Antonio Guterres indique d'autre part qu'une réunion, qu'il espère "au plus haut niveau" de représentation des parties libyennes, se tiendra à la mi-septembre à New York en marge de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU. Elle doit permettre au nouvel envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, le Libanais Ghassan Salamé, de rendre publics une stratégie et un plan d'action pour engager davantage l'ONU en Libye. Son objectif prioritaire est de contribuer à "relancer un processus politique inclusif" et de "soutenir un gouvernement légitime capable d'unifier le pays et ses institutions nationales", indique Antonio Guterres. "La population est frustrée face à ses conditions de vie qui se détériorent", a abondé lundi Ghassan Salamé lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la Libye. "Il y a à l'évidence un sérieux problème de gouvernance qui doit être réglé de toute urgence", a-t-il ajouté à Tripoli, via une liaison vidéo. "La présence de l'ONU va être étendue bientôt", a aussi promis l'émissaire, sans précision. L'ONU compte actuellement en Libye une petite quarantaine de personnes.
Appel à bâtir un consensus politique entre Libyens De son coté, le nouveau représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, s'est dit "convaincu" devant le Conseil de sécurité que "notre attachement à l'Accord politique libyen comme cadre de référence ne doit pas nous empêcher de nous adresser à tous les Libyens, quels que soient leurs statuts et leurs positions passées ou présentes, de sorte de pouvoir garantir une réconciliation pour tous". Pour sa toute première intervention devant le Conseil en cette qualité, M. Salamé a dressé un bilan de ses activités au cours du mois écoulé, depuis sa nomination, qui fait également de lui le Chef de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Devant les membres du Conseil, M. Salamé a plaidé la cause du peuple libyen qui subit au quotidien des difficultés d'ordre économique et social. "De mes entrevues, un tableau émerge clairement. La population libyenne est exaspérée par la détérioration des conditions de vie dans leur pays", a-t-il déclaré, cité par l'ONU dans un communiqué publié lundi. "A moins de relever les défis économiques, la situation humanitaire ne fera que s'aggraver", a prévenu le Représentant spécial, qui a également fait état des préoccupations sécuritaires. "Lors de ma première nuit à Tripoli, je me suis endormi au son des rafales de coups de feu", a-t-il dit. Tandis que de nombreux civils meurent ou sont blessés dans des affrontements armés ou à cause des restes explosifs de guerre, des milliers d'autres sont détenus de manière prolongée, la plupart privés de procès équitables, a poursuivi le chef de la MANUL, avant de rappeler que l'attaque perpétrée contre le point de passage d'al-Fuhaqa le 24 août dernier avait été attribuée à Daech. Après avoir reconnu que la situation sécuritaire s'est améliorée dans certaines régions du pays, notamment à Tripoli, M. Salamé a identifié plusieurs éléments qui font obstacle sur le plan politique. Tout d'abord, l'incertitude qui plane sur le "sens" à donner à la fin de la période de transition politique, prévue le 17 décembre prochain par l'Accord politique. "L'une des tâches les plus urgentes est de bâtir un consensus entre Libyens sur la signification juridique et politique à donner à cette date-anniversaire", a-t-il expliqué, en prévenant des risques que ferait peser sur le pays un "vide constitutionnel". Le Chef de la MANUL s'est félicité de constater que la plupart de ses interlocuteurs semblent s'accorder sur l'idée d'amender l'Accord politique, à propos duquel "j'espère pouvoir faire une annonce dans les prochains jours". De son côté, le représentant de la Libye, Elmahdi S. Elmajerbi, a souhaité que ces efforts aboutissent et puissent faciliter la formation d'un Gouvernement d'entente nationale, qui devra selon lui relever de multiples défis, du terrorisme aux migrations illégales, en passant par la gestion des ressources naturelles, les violations des droits de l'homme et l'absence d'Etat de droit.