La Commission européenne a insisté samedi sur la capacité des villes candidates à l'accueil des deux agences européennes qui devront quitter Londres à la suite du Brexit à assurer la "pérennité" de leurs activités. L'exécutif européen a ainsi publié une évaluation des candidatures, passées au crible de 6 critères définis par les 27 Etats membres eux-mêmes, hors Royaume-Uni. Ce rapport doit aider ces mêmes 27 à prendre une décision dans une bataille qui s'annonce politique, pour des villes en quête de prestige et de retombées économiques. Non contraignant, il servira de base à une décision qui sera prise lors d'un conseil des ministres européens le 20 novembre, par un vote à bulletin secret. Pas moins de 23 métropoles ont postulé pour être le nouveau siège de l'Agence européenne du médicament (AEM) et de l'Autorité bancaire européenne (ABE), contraintes de déménager en prévision de la sortie du Royaume-Uni de l'UE, prévue fin mars 2019. Le rapport de la Commission "respecte la décision des Etats membres selon laquelle les critères ne devaient pas être pondérés et ne présente aucun classement ni aucune liste restreinte". Dans ses quelques "commentaires" qui accompagnent l'évaluation, la Commission toutefois "estime pertinent de mettre l'accent sur les éléments essentiels pour assurer la pérennité des activités pendant la phase de relocalisation et à échéance immédiate". Outre la disponibilité et l'accessibilité du nouveau siège, la Commission note notamment l'importance de "la possibilité pour les agences de conserver leur personnel actuel". Ces remarques font écho à un rapport de l'AEM, la plus sollicitée des deux agences avec ses presque 900 employés, publié quelques jours avant l'évaluation de la Commission.
Conditions spéciales L'agence a ainsi prévenu que "l'avenir de la santé publique en Europe" était en jeu, après les résultats d'une enquête réalisée auprès de son équipe montrant que ses employés étaient prêts à démissionner en masse si la nouvelle destination ne leur convenait pas. "Pour certains endroits, les taux de rétention du personnel pourrait être très en dessous de 30%. Ce qui signifierait que l'Agence ne serait plus capable de fonctionner", souligne l'AEM, chargée de l'évaluation scientifique, de la supervision et des contrôles de sécurité pour les médicaments à usages humains et vétérinaires commercialisés dans l'UE. Installée depuis 1995 dans le quartier d'affaires de Canary Wharf à Londres, elle a généré des réservations de 30.000 nuitées d'hôtels pour ses nombreux visiteurs en 2015. L'Agence ne cite aucune ville dans les résultats de son enquête, qu'elle a volontairement rendus anonymes. Mais selon le site Politico, Bratislava, Varsovie, Bucarest et Sofia font partie des villes qui rebutent le plus. A l'inverse, Amsterdam, Barcelone et Vienne auraient leurs faveurs. Athènes, Bruxelles, Bonn (Allemagne), Copenhague, Dublin, Helsinki, Lille (France), Milan (Italie), Porto (Portugal), Zagreb et Malte sont aussi sur les rangs. Huit villes se sont proposées pour l'ABE, connue pour les tests de résistance qu'elle mène sur les banques européennes, qui compte tout de même un peu moins de 200 employés: Bruxelles, Dublin, Francfort, Paris, Prague, Luxembourg, Vienne et Varsovie ont posé leur candidature. Certains Etats n'ont pas hésité à accompagner leurs candidatures de "conditions spéciales". Le gouvernement irlandais par exemple est prêt à contribuer à hauteur de 78 millions d'euros pendant 10 ans aux frais liés à l'installation. A Vienne, la municipalité est prête à subventionner une crèche, tandis qu'à Milan les employés auraient aussi accès à une salle de gym. Les autres critères d'évaluation sont les bâtiments proposés, l'accessibilité, la présence d'écoles, l'accès au marché du travail et aux soins médicaux. Un certain équilibre géographique dans la répartition avec les autres agences de l'UE devra aussi être respecté. La Bulgarie, la Croatie, la Roumanie et la Slovaquie sont les quatre seuls Etats membres à n'héberger aucune agence. Dans son souci d'objectivité, le rapport de la Commission présente dans des tableaux les points clés de chaque offre déposée. Par manque de temps et pour assurer l'équité de la procédure, explique l'institution, elle s'est basée uniquement sur les dossiers de candidatures.
Pas de progrès suffisants d'ici fin octobre La veille, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a déclaré ne pas s'attendre, "sauf miracle", à des "progrès suffisants" d'ici la fin du mois d'octobre dans les négociations du Brexit pour commencer à discuter des futures relations commerciales. "D'ici à la fin d'octobre, nous n'aurons pas de progrès suffisants (...) sauf miracle", a dit M. Juncker, en arrivant à un sommet des dirigants européens à Tallinn. Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a également exprimé ses réserves. "Il y a clairement une meilleure ambiance venant des négociations", mais "je pense qu'il est évident que plus de travail doit être fait. Nous ne sommes pas à un moment où nous pouvons dire qu'il y a eu suffisamment de progrès, ce qui nous autoriserait à parler de la relation future, du commerce", a-t-il insisté. Quelques instants, plus tard, la Première ministre britannique Theresa May s'est voulue plus optimiste. "De très bons progrès ont été faits, cela a été clairement établi dans les déclarations faites hier par David Davis et Michel Barnier", respectivement négociateurs en chef du Royaume-Uni et de l'UE. Elle faisait référence en particulier au dossier des droits après le Brexit des citoyens européens vivant au Royaume-Uni et des Britanniques qui continueront à vivre dans un pays de l'UE. Ces commentaires ont été faits au lendemain de la clôture d'un quatrième cycle de négociations entre Londres et Bruxelles sur les modalités du divorce, prévu fin mars 2019. Les négociateurs en chef des deux parties avaient tous deux souligné la "nouvelle dynamique" impulsée à leurs tractations depuis un discours prononcé il y a une semaine par Mme May, dans lequel elle avait présenté de nouvelles propositions. "Mais nous sommes loin encore d'atteindre le moment - il faudra plusieurs semaines ou plusieurs mois - où nous pourrons constater des progrès suffisants sur le principe de ce retrait ordonné", avait déjà nuancé M. Barnier. Les Britanniques pressent leurs homologues européens d'accéder à la deuxième phase des négociations, au cours de laquelle pourra être abordée la question de la future relation entre les deux parties, notamment sur le plan commercial. Les 27 ont lié le passage à cette nouvelle étape, prévue dans un calendrier initial pour l'automne 2017, au constat de "progrès suffisants" dans trois domaines qualifiés de prioritaires : la garantie des droits des citoyens, les conséquences du Brexit pour l'Irlande et le "solde des comptes" entre Londres et l'UE.
Le Labour n'exclut pas une union douanière Le Parti travailliste britannique a évoqué lundi la possibilité de rester lié à l'Union européenne au sein d'une forme d'union douanière après le Brexit, même après une période transitoire. "Demeurer dans une sorte d'union douanière est une destination finale possible pour le Labour", a déclaré le responsable travailliste du Brexit, Keir Starmer, au deuxième jour de la conférence annuelle du premier parti d'opposition britannique à Brighton, station balnéaire du sud de l'Angleterre. Le Labour s'était prononcé fin août pour le maintien du Royaume-Uni dans le marché unique européen pendant une période transitoire pouvant s'étendre jusqu'à quatre ans après la sortie de l'Union européenne, prévue en mars 2019, tout en maintenant le flou sur sa position au-delà. Dimanche, les délégués travaillistes ont décidé de ne pas soumettre la question du Brexit à un vote susceptible de figer leur position, durant leur congrès de quatre jours. Comme leur leader Jeremy Corbyn, ils ont préféré mettre l'accent sur le programme anti-austérité qui avait permis au Labour d'enregistrer une nette percée aux élections anticipées de juin, faisant fi de l'appel de 30 élus travaillistes et syndicalistes pour un engagement clair de leur parti en faveur d'un maintien permanent dans le marché unique. "Quand nous serons au gouvernement, nous construirons un nouveau partenariat progressif avec l'UE", a assuré Keir Starmer. Il a défendu "une approche pragmatique" qui n'exclurait aucune option pour parvenir à "un accord qui maintienne les bénéfices de l'union douanière et du marché unique". Vendredi, la Première ministre conservatrice Theresa May avait plaidé pour la première fois pour une période de transition de deux ans après mars 2019, pendant laquelle les relations liant l'UE au Royaume-Uni resteraient en l'état, afin de pouvoir assurer un divorce "en douceur et ordonné", lors d'un discours à Florence, en Italie.
Les conservateurs se réunissent Le congrès du Parti conservateur britannique s'ouvrait hier à Manchester (nord-ouest) dans une ambiance plombée par les divisions sur le Brexit et la question du leadership de la Première ministre Theresa May, affaiblie après son revers aux dernières législatives. La cheffe de l'exécutif traîne comme un boulet la déconfiture des tories au scrutin du 8 juin, qui lui a coûté sa majorité absolue au Parlement, mais aussi une bonne partie de son autorité. La dirigeante pâtit également des progrès poussifs des négociations sur la sortie de l'Union européenne, écartelée entre Brexiters purs et durs et partisans d'un divorce a minima, tandis que Bruxelles réclame du concret. Pour le Pr Simon Usherwood, de l'université du Surrey, "May est un handicap" pour son parti, et ne doit probablement sa survie qu'au risque que ferait peser son départ sur le maintien au pouvoir des conservateurs, au moment où le leader de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, surfe lui sur une dynamique favorable. Résultat: la course à sa succession est en passe de devenir un marronnier dans la presse britannique, qui cite régulièrement comme possibles prétendants au 10, Downing Street l'impétueux ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, ou celui du Brexit, David Davis. Histoire d'amadouer ses troupes avant le congrès, Theresa May a de nouveau assumé le revers électoral de juin, reconnaissant n'avoir pas su incarner ce conservatisme social qu'elle avait vanté en prenant ses fonctions en juillet 2016. Le message "n'est pas passé", concède-t-elle dans un entretien publié cette semaine dans le magazine politique The House. Elle tentera de rattraper le temps perdu en axant son discours de clôture du congrès, mercredi, sur cette thématique, qui traduit aussi une volonté de chasser sur les terres des travaillistes. Pour preuve, sa déclaration d'avant-congrès, véritable profession de foi pour un Royaume-Uni "plus juste pour les travailleurs". Déterminée à rompre avec l'image pro-austérité qui colle aux tories, la Première ministre reprend presque mot pour mot le slogan de Jeremy Corbyn en prônant une société qui fonctionne pour "tous, pas seulement pour l'élite".
"Bojo" en embuscade Les prises de parole mardi de ses rivaux potentiels - MM. Johnson et Davis - seront également scrutées de près. Le premier s'est encore offert récemment une séance de hors-piste en rédigeant une tribune exposant sa vision du Brexit. Publié dans le Telegraph quelques jours avant un discours majeur de Theresa May sur le sujet, la semaine dernière à Florence (Italie), le texte a été vu comme une provocation. Jamais à court de surprises, "Bojo" a énoncé samedi dans le Sun ses "lignes rouges" sur la sortie de l'UE, estimant que la période de transition post-Brexit proposée par Mme May, pour un divorce sans douleur, devait se limiter à deux ans, et "pas une seconde de plus". "Nous avons quitté (l'UE). Nous avons voté pour ça l'an passé. Il faut aller de l'avant", déclare-t-il dans le tabloïd, semblant critiquer en creux les orientations de la Première ministre. Alors, doit-on s'attendre à une nouvelle initiative de Boris Johnson, voire de David Davis, à Manchester? Ni l'un ni l'autre "ne sont du genre à faire profil bas", souligne le Pr Usherwood. "Ils vont vouloir parler, haut et fort (...) et essayer de faire avancer leurs idées sur le Brexit". A défaut de pouvoir raisonnablement songer à regagner l'autorité dont elle jouissait avant les législatives, May a elle "besoin de traverser cette conférence sans aggraver sa situation", en montrant qu'elle tient, malgré tout, les rênes du parti, du pays, et des négociations du Brexit, estime l'expert.