Le leader du Labour britannique, Jerémy Corbyn, veut réunifier son parti divisé par la question du Brexit Parler du Brexit ou pas? Au congrès des travaillistes britanniques, la question est si clivante qu'elle a été reléguée au second plan pour ne pas faire fuir une partie de sa base électorale hostile à Bruxelles. «Il y a des gens qui vivent dans la pauvreté à cause du gouvernement (conservateur). Nous ne nous attendons pas à ce que le Brexit constitue un enjeu majeur de cette conférence», a déclaré hier Ann Bonner, 79 ans, venue assister au congrès annuel du Labour, dans la station balnéaire de Brighton (sud de l'Angleterre). La veille, les délégués travaillistes ont tranché: pas question de soumettre le problème du Brexit à un vote susceptible de figer leur position et de déplaire à ceux qui ont voté pour sortir de l'Union européenne. Comme leur leader radical Jeremy Corbyn, ils ont en majorité préféré mettre l'accent sur le logement, la santé ou les droit des travailleurs. Des thématiques qui leur avaient permis de faire un score plus confortable qu'attendu face aux Conservateurs de la Première ministre Theresa May lors des législatives anticipées de juin et à Jeremy Corbyn d'asseoir son autorité. Cette décision a provoqué la colère des 30 élus travaillistes et syndicalistes qui avaient appelé à un engagement clair de leur parti en faveur d'un maintien dans le marché unique après la sortie du Royaume-Uni du giron européen en mars 2019. La députée pro-UE, Alison McGovern, s'est dite «déçue». «Je suis inquiète de voir que notre parti n'aura pas l'occasion de discuter correctement l'un des plus grand problème actuel», a-t-elle dit. «Nous n'avions pas besoin de plus de temps pour débattre du Brexit quand nous pouvions utiliser ce temps pour discuter de choses comme le NHS», le système de santé britannique, a au contraire estimé le délégué Owen Dickinson, sous les ovations de la salle de congrès. Pour Steven Fielding, professeur d'histoire politique à l'université de Nottingham (Centre), cette volonté d'éluder le débat traduit le grand écart auquel le Labour est contraint, entre partisans et opposants au Brexit dans ses rangs. «Si le Labour veut remporter les prochaines élections, il doit s'adresser dans une plus large mesure à ceux qui ont voté pour la sortie (de l'UE), tout en retenant les électeurs en faveur du maintien qui ont rejoint le parti», a-t-il expliqué. «C'est un problème épineux pour le parti et de manière compréhensible, Corbyn ne veut pas prendre de décision dans un sens ou dans l'autre», a-t-il ajouté. Mais les pro-UE ne s'avouaient pas vaincus pour autant. Devant la salle de conférence de Brighton, Simon Eliott, 52 ans, distribuait des tracts défendant le maintien dans le marché unique tandis que des prises de position pro-UE se succédaient à l'estrade. «Le Brexit doit cesser!», a ainsi martelé une déléguée tandis que d'autres plaidaient même pour un nouveau référendum après celui ayant acté le Brexit en juin 2016. Dans une tentative de conciliation, le M. Brexit du Labour, Keir Starmer, a affirmé que le parti, s'il arrivait au pouvoir à la faveur d'une chute du gouvernement May - lui aussi très divisé sur le Brexit -, n'excluait pas de rester lié à l'Union européenne au sein d'une forme d'union douanière. «Selon le cours des négociations, demeurer dans une sorte d'union douanière est une destination finale possible pour le Labour», a dit M. Starmer, sans toutefois détailler les contours de la future relation envisagée avec l'UE. «Quand nous serons au gouvernement, nous construirons un nouveau partenariat progressif avec l'UE», a-t-il assuré, défendant «une approche Pragmatique» pour parvenir à «un accord qui maintienne les bénéfices de l'union douanière et du marché unique». «Je pense que c'est clair. Il s'agit de protéger les droits des travailleurs tout en honorant le résultat du référendum», estime une militante qui n'a pas souhaité donner son nom.