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Les Etats européens devraient voter : En finir avec le glyphosate
Publié dans Le Maghreb le 23 - 10 - 2017

La réhomologation pour dix ans du glyphosate aurait dû être examinée en 2012... cinq ans et quatre reports plus tard, il est toujours utilisé. Le 25 octobre, une nouvelle réunion du Comité permanent sur les végétaux, les animaux, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (Paff) est prévue...
Les Etats européens devraient voter. Mais rien n'est gagné. Pourtant, pour nous tous, l'interdiction du glyphosate pourrait être une chance. Une des pistes pour enfin entamer la révolution agricole qui permettra de faire vivre les paysans et mieux nourrir les citoyens.
Le monde accro au glyphosate ? Depuis sa commercialisation en 1974, sous le nom de Roundup par Monsanto, il est l'herbicide le plus utilisé. 820 000 tonnes ont été pulvérisées en 2016, dont 8 000 en France. " C'est un herbicide total, il tue toutes les "mauvaises" herbes... sauf celles devenues résistantes. Il est d'une facilité remarquable et peu cher ", explique Marc Dufumier, ingénieur agronome. Ce qui explique son succès depuis plus de quarante ans.
Mais, il y a deux ans, il a été classé " cancérogène probable " par le Centre international de recherche sur le cancer, rattaché à l'OMS. L'Autorité européenne de sécurité des aliments a conclu... l'inverse quelques mois plus tard. 96 scientifiques ont alors envoyé une lettre à la Commission européenne. La polémique a atteint un tel niveau que cette dernière a repoussé de dix-huit mois sa décision de prolonger ou non pour dix ans l'autorisation du glyphosate.
Les 5 et 6 octobre, un avis définitif aurait encore dû être rendu... Et puis non ! Le vote devait finalement avoir lieu le 25 octobre. En France, aussi, le gouvernement a du mal à définir un cap. Sous Hollande, il avait voté non à un prolongation de l'autorisation. Fin août, c'est toujours non, dixit le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot... Mais il n'a fallu que 200 agriculteurs du syndicat majoritaire, la FNSEA, manifestant sur les Champs-Elysées mi-septembre, pour que Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture, change la ligne : " Une prolongation de cinq à sept ans. "
Depuis 40 ans au coeur du système, le glyphosate a un rôle structurel dans la logique du productivisme agricole.
Le glyphosate est au coeur du système agricole. " Il a un rôle structurel dans la logique du productivisme en agriculture. En contrôlant les mauvaises herbes sur de très grandes surfaces, il a permis l'agrandissement des fermes et la spécialisation à un rythme rapide ", analyse Emmanuel Aze, secrétaire national chargé des pesticides à la Confédération paysanne (CP).
Dans la campagne bretonne, JeanMarc Thomas, éleveur laitier bio, contemple les terres autour de son exploitation. " Elles sont brûlées par le glyphosate, avant d'être replantées. " C'est en ce moment que les agriculteurs arrosent leurs champs de glyphosate avant les semis d'automne. " Moi aussi je pensais qu'il était impossible de s'en passer. " Pourtant, en 2009, il franchit le pas et se convertit au bio. Sa production a baissé la première année : - 20 %. Mais aujourd'hui, en changeant ses pratiques, il s'en sort plutôt bien. Ce porte-parole de la CP s'est rendu compte que " le glyphosate était le cheval de Troie de tous les autres pesticides et produits chimiques ". Parce que le milieu a été fragilisé, il ouvre la voie " à tout un cortège d'herbicides, fongicides et insecticides et ensuite aux engrais azotés de synthèse pour fertiliser le sol ".
Marc Dufumier ne dit pas autre chose. " Lutter contre les plantes concurrentes aux cultures avec des produits en "cide" est inefficace sur le long terme. Il y a toujours une herbe résistante qui finit par proliférer. Dans un contexte de crise encore plus grave que ce que l'on dit pour les agriculteurs, on ne fait qu'accroître leurs coûts, par l'achat de toujours plus de produits phytosanitaires. " Pour lui, " on a engagé les filières de production dans des voies sans issue ". Même les grands céréaliers, ceux-là mêmes qui défendent à cor et à cri le glyphosate, commencent à voir leurs rendements et revenus chuter.

Réintégrer les pratiques de l'agroécologie
C'est faisable, " mais pas simple ", continue Marc Dufumier. À chaque terroir, à chaque production, ses solutions. D'abord, il faut allonger les rotations de culture et les diversifier. " Ça permet d'empêcher la repousse des mauvaises herbes. " En clair, il faut en finir avec la spécialisation : ces grandes cultures (mais, blé) dans le Bassin parisien et l'élevage (porc, lait) dans l'Ouest. " Et il faudrait parvenir à mettre des prairies temporaires de trois ans avec des légumineuses comme les luzernes. Fauchées, elles serviraient d'aliments aux animaux.
Ce qui nous économise des importations de soja d'Argentine, du Brésil ou des Etats-Unis. Comme la prairie fertilisera les sols avant culture, ça nous évitera aussi des importations de gaz de Russie ou de Norvège pour fabriquer des engrais azotés de synthèse. " Bien sûr, ça ne pourrait pas se faire à l'échelle de chaque ferme, mais " à celle d'un territoire ", continue l'ingénieur agronome. Remettre " en prairie temporaire, ça veut dire réintégrer de l'élevage là où il n'y en a plus. " C'est pour lui la seule voie rentable pour les agriculteurs.
Emmanuel Aze, lui, est producteur de fruits d'été dans le Sud-Ouest. Il a réduit sa consommation de glyphosate, mais, depuis quelques années, il commence à voir les conséquences du dérèglement climatique : " des écosystèmes qui changent de comportement, le gel tardif ". Après deux années blanches, l'arrêt du glyphosate aggrave ses difficultés. Pour chacun de ses problèmes, il y a des solutions non chimiques (filets anti-oiseaux) " mais elles coûtent très cher ". Alors, tant qu'à travailler " bénévolement ", il ne veut pas " se préparer un cancer ". Autour de Jean-Marc Thomas, il y a aussi les " collègues alités ", malades de ces poisons que l'industrie leur a fait épandre. Pour produire plus, " n'importe quoi et n'importe comment, le principal étant de demeurer "compétitif" afin de survivre dans une guerre économique généralisée ", analyse la CP.
Mais, pour changer de mode de production, il faudra des mesures d'accompagnement. " Une interdiction sèche pourrait être calamiteuse ", prévient Aze. L'enveloppe de la PAC, 9 milliards d'euros, pourrait être réorientée : " Les agriculteurs méritent d'être rémunérés pour des services d'intérêt général environnementaux et pas seulement par des subventions à la surface travaillée ", revendique ainsi Marc Dufumier. Le gouvernement, lui, pousse toujours plus au libre-échange, en avalisant le Ceta (traité de libre-échange Europe- Canada), ou en supprimant les aides au maintien à l'agriculture biologique.


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